Chapitre 12

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De retour chez lui, Timmy sentait son cœur battre à tout rompre, comme s’il venait d’échapper à une menace invisible. Les champs ne l’avaient pas laissé indemne. Ce qu’il avait vu – le puits, les gravures étranges, et surtout cette silhouette immobile au loin – le hantait. Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ? Ou était-il réellement témoin de quelque chose qui dépassait l’entendement ?

Il posa sa lampe torche sur son bureau et se laissa tomber sur sa chaise, le regard fixé sur la télévision éteinte. La seule façon de répondre à ses questions, il le savait, était de continuer à regarder L’Épouvantail. La série semblait être un étrange miroir de sa réalité, et chaque épisode lui donnait l’impression de creuser un peu plus dans le mystère. Mais cela l’effrayait. Qu’arriverait-il s’il allait trop loin ?

Prenant une profonde inspiration, il inséra le disque suivant. Il hésita une seconde avant d’appuyer sur le bouton "lecture", son doigt tremblant légèrement. L’écran s’illumina, et Timmy sentit immédiatement une différence.

Pas de générique, pas de musique oppressante. L’épisode s’ouvrit sur une image d’une maison isolée, entourée de champs de maïs. Timmy sentit une boule se former dans son estomac. Cette maison ressemblait à la sienne. Non, ce n’était pas une ressemblance : c’était identique. La façade vieillie, les volets légèrement penchés, l’arbre solitaire près de la clôture – tout correspondait.

La caméra avançait lentement, comme si elle imitait les mouvements d’un spectateur s’approchant de la maison. Le silence était uniquement brisé par le bruit du vent, qui soufflait doucement à travers les rangées de maïs. Timmy fixait l’écran, le souffle court. Il n’avait jamais vu cet épisode avant, mais tout dans cette scène lui semblait étrangement familier.

La caméra changea d’angle pour montrer l’intérieur de la maison. Un garçon était assis dans une chambre faiblement éclairée. Timmy sentit son cœur se serrer. Le garçon lui ressemblait, jusqu’à sa manière de s’appuyer sur son bureau et de regarder nerveusement par la fenêtre. La disposition des meubles dans la pièce était exactement la même que la sienne. C’était comme regarder une version fictive de lui-même.

L’épisode progressa, montrant le garçon quittant la maison avec une lampe torche à la main. Ses mouvements, hésitants et nerveux, reflétaient ceux de Timmy lorsqu’il s’était aventuré dans les champs plus tôt. La caméra suivait le garçon de près alors qu’il marchait entre les rangées de maïs, ses pas résonnant faiblement sur le sol meuble.

Lorsqu’il atteignit le puits, la scène devint encore plus sombre. Le puits semblait plus grand et plus menaçant, entouré de pierres couvertes de gravures. La caméra adopta une vue plongeante, montrant le garçon penché au-dessus de l’ouverture sombre. Des murmures indistincts s’élevaient du puits, presque inaudibles, mais assez clairs pour que Timmy sente un frisson lui parcourir l’échine.

La caméra pivota alors brusquement pour révéler une silhouette entre les rangées de maïs. Immobile. Sombre. L’épouvantail.

La respiration de Timmy s’accéléra. Cette scène était identique à ce qu’il avait vécu plus tôt dans la journée. Chaque détail correspondait : la posture de la silhouette, la position du garçon, et même le léger mouvement des tiges de maïs autour d’eux.

Alors que la silhouette s’approchait lentement, une chanson s’éleva, douce mais terrifiante. La voix semblait provenir à la fois de l’épouvantail et des profondeurs du puits. Les paroles résonnaient dans un ton étrange, entre la lamentation et la menace :

« Entre les champs et le vent,
Mon âme danse, mon corps attend.
Fermiers avides, vos terres souillées,
Un pacte ancien m’a fait renaître. »

« Par le feu, par la cendre,
Vos vies, vos crimes, je viendrai reprendre.
Dans la nuit, sous la lune blafarde,
Qui suis-je ? Le gardien, la mort en balade. »

« Mon cri traverse les sillons,
Mes pas écrasent vos ambitions.
Et toi qui m’observes de loin,
Rejoins-moi ou crains ton destin. »

Timmy sentit sa gorge se serrer. La mélodie, bien qu’étrangement belle, portait une lourdeur émotionnelle qui le terrifiait. C’était une chanson de deuil, mais aussi une menace. Les paroles semblaient directement adressées à lui, comme si l’épouvantail savait qu’il regardait.

La caméra se rapprocha de l’épouvantail, dont les boutons noirs semblaient fixer l’écran. Puis, brusquement, l’image changea. Elle montra à nouveau le garçon, mais cette fois, il était à l’intérieur de la maison, assis devant une télévision. Timmy sentit son souffle se couper. Le garçon à l’écran regardait… lui-même. C’était comme un miroir inversé, où la fiction et la réalité se confondaient.

L’écran devint noir, mais une voix rauque résonna, brisant le silence :
« Regarde. Comprends. La vérité n’attend pas. »

Puis, l’image réapparut. L’épouvantail était assis au bord du puits, sa tête penchée comme s’il regardait dans les profondeurs. Il chantonnait doucement, reprenant la même mélodie, mais sans paroles cette fois. Il leva lentement sa tête cousue vers la caméra, et ses boutons noirs semblaient briller d’une lumière inquiétante.

Timmy, paniqué, tenta d’éteindre la télévision, mais les boutons ne répondaient pas. Il arracha finalement le disque du lecteur, laissant la pièce dans un silence oppressant.

Timmy se leva précipitamment, son souffle court et ses mains tremblantes. Il fixa la télévision éteinte, comme s’il craignait qu’elle puisse s’allumer à nouveau d’elle-même. Il tourna la tête vers la fenêtre, et son cœur s’arrêta presque. Dans l’obscurité des champs de maïs, une silhouette sombre semblait se tenir immobile.

Cette fois, il n’essaya pas de rationaliser. Il recula lentement, ses jambes flageolantes, et murmura à lui-même :
« Ce n’est pas possible… Ce n’est pas possible… »

Mais il savait qu’il ne pourrait plus ignorer la vérité. La frontière entre la fiction et la réalité s’était brisée, et l’épouvantail semblait bien décidé à lui rappeler qu’il n’était pas simplement une histoire.

Après l’épisode terrifiant, Timmy sentit qu’il devait faire une pause et s’éloigner de ses pensées obsédantes. Il fixa son écran de télévision éteint un moment avant de se tourner vers son ordinateur, posé sur un vieux bureau en bois dont la surface était marquée par des griffures et des tâches d’encre. La lumière bleutée de son écran se refléta sur les murs de sa chambre, qui étaient couverts de posters de films et de séries qu’il adorait. Entre eux, quelques photos jaunies montraient sa famille, dont une prise avec son père lors d’une journée ensoleillée, bien avant qu’il ne parte en mission.

Sa chambre était modeste mais confortable. Une étagère branlante débordait de livres qu’il n’avait pas lus depuis des mois, coincés entre des figurines de monstres et de héros de jeux vidéo. Près de son lit aux draps à motifs géométriques, un casque de réalité virtuelle pendait sur un support, témoignant de ses heures passées à fuir dans des mondes imaginaires. Au sol, des câbles s’enroulaient comme des serpents, menant à une tour d’ordinateur dont les LED pulsaient doucement, illuminant la pièce dans des teintes changeantes. Cet espace, bien que désordonné, était son sanctuaire.

Il enfila son casque audio et se connecta au serveur habituel où ses amis jouaient. En voyant leurs avatars déjà en pleine action, un sourire apparut sur son visage. La voix d’Emy le fit sursauter à travers le chat vocal.
« Enfin ! Timmy est vivant ! » lança-t-elle avec un éclat de rire qui réchauffa l’atmosphère.

« Alors, prêt à mourir lamentablement pendant qu’on te porte ? » ajouta Horor, qui avait déjà équipé son personnage d’une arme imposante.

Timmy sourit, la tension de la journée s’estompant légèrement. « Je vous laisse gérer cette fois. Je suis là pour regarder. »

Pendant une heure, ils plongèrent dans leur jeu de survie préféré, où ils exploraient des forêts numériques, construisaient des abris de fortune et combattaient des hordes d’ennemis. Chaque victoire était ponctuée de cris enthousiastes, chaque échec, de rires moqueurs. Timmy se surprit à rire lui-même, oubliant pour un moment les champs de maïs oppressants et l’épouvantail.

Après avoir remporté une victoire particulièrement difficile, le groupe fit une pause. Le silence fut brièvement interrompu par Gracie, qui posa une question innocente mais lourde de sens.
« Hé, Timmy, ton père est toujours en déplacement, non ? Il revient quand ? »

Timmy posa doucement sa manette sur le bureau, son sourire s’effaçant légèrement. Il s’adossa à son fauteuil, dont les accoudoirs montraient des signes d’usure, réfléchissant un instant avant de répondre.
« Pas tout de suite, » dit-il d’un ton neutre. « Il revient dans trois mois. Sa mission n’est pas terminée. »

Le silence qui suivit était plus chargé que Timmy ne l’aurait voulu. Sa réponse, bien qu’honnête, avait laissé entrevoir une réalité qu’il préférait éviter : la solitude qui pesait sur ses épaules. Les posters, les figurines, et même les jeux vidéo qui remplissaient sa chambre ne suffisaient pas toujours à combler l’absence.

« Trois mois ? » murmura Emy, comme si elle mesurait soudain l’ampleur du délai. « Ça doit être dur. Tu tiens le coup tout seul ? »

Timmy haussa les épaules, bien qu’elle ne puisse le voir. Il chercha à alléger l’atmosphère. « Ça va. J’ai l’habitude maintenant. Et puis, j’ai vous pour m’occuper l’esprit. »

Horor tenta de détendre l’ambiance avec une blague. « Eh bien, on fera de toi un champion de survie numérique d’ici là. Peut-être que ton père sera impressionné à son retour. »

Gracie rit doucement, mais Timmy devina qu’ils s’inquiétaient pour lui. Leur amitié, bien qu’électronique, le rassurait. Pour un instant, il réussit à oublier les murmures des champs et la silhouette immobile qui semblait l’attendre. La lumière bleutée de son écran, accompagnée des rires de ses amis, créait une bulle fragile mais réconfortante dans la noirceur de ses pensées.

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