Chapitre 13
Pour la première fois depuis des jours, Timmy se réveilla sans la sensation oppressante de tension qui lui nouait habituellement l’estomac. La lumière douce du matin filtrait à travers les rideaux de sa chambre, peignant les murs d’une teinte chaleureuse. Il resta un moment immobile, écoutant les bruits familiers de la maison. Aucun bruissement inquiétant dans les champs, pas de présence étrange à l’horizon – juste le calme. Ce silence presque surnaturel lui permit de respirer plus facilement.
Sa chambre, bien que légèrement désordonnée, avait quelque chose de rassurant. Les posters qui tapissaient les murs représentaient ses films et séries préférés, des univers fictifs dans lesquels il s’évadait souvent. Son bureau, un meuble en bois ancien avec des gravures légèrement effacées, était couvert de cahiers ouverts, de stylos éparpillés, et d’un mug à moitié vide contenant les restes d’un café de la veille. Une lampe de bureau, dont l’abat-jour penchait légèrement, était son principal compagnon de nuit. Sur une étagère branlante, des livres poussiéreux étaient empilés de manière anarchique à côté de figurines de collection et de quelques trophées d’enfance. Cet espace, bien qu’en désordre, était son refuge.
La maison elle-même portait les marques d’un long vécu. Construite en pierre grise, elle donnait l’impression d’être enracinée dans le paysage, comme si elle faisait partie des champs qui l’entouraient. La cuisine, où Timmy se rendit après s’être étiré, était petite mais fonctionnelle. Les armoires en bois, aux poignées patinées par le temps, abritaient une vaisselle dépareillée. Sur le comptoir, un vieux grille-pain et une cafetière qui semblait avoir traversé plusieurs générations complétaient l’ensemble.
Le sol de la maison, en planches de bois massif, grinçait légèrement à chaque pas, un son familier que Timmy associait à la sécurité de son foyer. Les fenêtres, petites et carrées, encadraient des vues sur les champs de maïs environnants. Bien que l’atmosphère de la maison soit accueillante, il y avait quelque chose de mélancolique dans sa structure vieillissante, comme si elle portait le poids des histoires oubliées qui l’avaient habitée.
Alors qu’il s’installait à table pour prendre un petit-déjeuner simple – un bol de céréales accompagné d’un verre de jus – son téléphone vibra. Un message de Clement s’afficha :
"Hey, j’ai pensé qu’on pourrait bosser sur le projet ensemble. Ça te dit que je passe ?"
Timmy hésita, les yeux fixés sur l’écran. Bien qu’il ne soit pas d’humeur à voir du monde, Clement était probablement l’ami avec qui il se sentait le plus à l’aise. Il tapota une réponse rapide :
"Oui, passe quand tu veux. Je suis dispo toute la journée."
Clement arriva une heure plus tard, son sac en bandoulière rempli de livres et de cahiers, et un sourire légèrement nerveux sur le visage. Timmy l’accueillit avec un hochement de tête et le guida jusqu’à la table de la cuisine. La lumière du jour baignait la pièce, illuminant la surface en bois usé où les deux garçons s’installèrent. Clement sortit immédiatement ses affaires, empilant méthodiquement ses notes, tandis que Timmy déposait les siennes dans un coin désordonné.
Le projet sur lequel ils travaillaient portait sur les influences historiques et culturelles dans les communautés rurales. C’était un sujet banal à première vue, mais Clement, avec son enthousiasme contagieux, parvint rapidement à orienter la discussion vers les légendes locales.
« T’as déjà pensé à ce que tu voudrais faire après le lycée ? » demanda Clement, feignant de se concentrer sur ses notes.
Timmy haussa les épaules, cherchant ses mots. « Pas vraiment. Peut-être quelque chose en sciences, ou en environnement. Je sais pas trop. »
Clement posa son stylo, le regardant avec insistance. « Et l’histoire ? Ou même l’anthropologie ? Tu sembles toujours captivé par les légendes et les mystères. Peut-être que c’est une piste ? »
Timmy fronça les sourcils, surpris par la suggestion. Il n’avait jamais envisagé cela sérieusement, mais il devait admettre que l’idée lui plaisait. « Tu crois ? Je veux dire… je suis juste curieux, c’est tout. Je sais pas si c’est assez pour en faire une carrière. »
Clement sourit doucement. « La curiosité, c’est souvent le point de départ des meilleures choses. »
Au fur et à mesure que l’après-midi avançait, Clement faisait tout pour maintenir la conversation vivante. Il lançait des anecdotes sur ses propres recherches, riait à ses propres blagues et faisait des efforts visibles pour détendre l’atmosphère. Cependant, à chaque tentative de rapprochement, Timmy semblait inconscient des intentions de son ami, répondant de manière cordiale mais distante.
Alors qu’ils prenaient une pause, Clement observa Timmy du coin de l’œil. Il remarqua la manière dont la lumière de la fenêtre jouait dans ses cheveux ébouriffés et la concentration tranquille qu’il affichait en parcourant un livre. Clement, les joues légèrement rosées, se força à détourner les yeux avant que Timmy ne remarque son regard.
« Tu es vachement sérieux quand tu bosses, » dit-il finalement pour briser le silence.
Timmy sourit sans lever les yeux de sa page. « C’est juste que je veux finir vite pour avoir le reste de la journée libre. »
Clement rit doucement, mais une légère pointe de déception perça dans son expression. Il était évident pour lui que Timmy ne voyait que l’amitié dans leurs interactions, et il n’était pas sûr de savoir comment aborder ses sentiments sans risquer de tout gâcher.
Alors que le soleil déclinait, Clement finit par ranger ses affaires, satisfait de leur progression. « Merci pour cette session, » dit-il en mettant son sac sur son épaule. « Ça m’a fait du bien de bosser ici. »
« Pas de problème, » répondit Timmy en l’accompagnant jusqu’à la porte. « On a bien avancé, c’est cool. »
Clement hésita un instant sur le seuil, comme s’il voulait dire quelque chose d’important. Mais au dernier moment, il se contenta d’un sourire. « Si jamais tu veux reparler de ce que tu veux faire après le lycée… tu sais où me trouver. »
Timmy hocha la tête, confus par le ton de Clement, mais il n’y pensa pas davantage une fois qu’il referma la porte. Ce n’est que plus tard dans la soirée, en repensant à leurs discussions, qu’il commença à se demander si Clement ne voyait pas leur relation sous un angle différent. Mais avant qu’il puisse approfondir cette idée, la fatigue le submergea, et il s’endormit avec un léger sourire, apaisé par cette journée normale.
Après le départ de Clement, Timmy s’installa dans son lit, les bras croisés derrière sa tête, fixant le plafond jauni par le temps. Les mots de son ami résonnaient dans son esprit : « La curiosité, c’est souvent le point de départ des meilleures choses. » Clement avait peut-être raison. Ses pensées le ramenaient sans cesse aux légendes et mystères qui l’avaient toujours fasciné, bien avant que L’Épouvantail ne s’insinue dans sa vie. Il repensa aux récits que sa grand-mère lui racontait autrefois, aux livres qu’il avait feuilletés sur les contes et les superstitions rurales. Ces souvenirs, qu’il avait longtemps considérés comme des distractions, semblaient aujourd’hui plus importants.
« Et si c’était vraiment ça ? » murmura-t-il pour lui-même. « Et si je pouvais en faire quelque chose ? »
Poussé par une soudaine détermination, Timmy se leva et s’installa à son bureau, réveillant son ordinateur. Alors que l’écran s’illuminait, il sortit une vieille paire d’écouteurs de son tiroir et lança une playlist de musique instrumentale relaxante. Les premières notes d’un piano mélancolique emplirent la pièce, créant une ambiance propice à la réflexion.
Il ouvrit son navigateur et commença à taper : « Études en anthropologie culturelle », « folklore et légendes locales », « universités spécialisées dans les mythes ». Les résultats étaient nombreux, mais il prit le temps de parcourir chaque lien avec attention. Il découvrit que plusieurs universités proposaient des programmes centrés sur l’histoire des croyances populaires et leur impact sur les sociétés modernes. Certaines offraient même des modules sur l’interprétation des contes et des traditions orales.
Chaque page qu’il lisait renforçait son intérêt. Il se surprit à sourire en imaginant une carrière où il pourrait explorer ces récits oubliés, comprendre leur origine et leur signification. Mais une partie de lui restait sceptique : était-ce réaliste ? Pouvait-il vraiment transformer sa fascination en métier ? Ou était-ce juste une excuse pour échapper à ses responsabilités ?
S’arrêtant un instant, Timmy augmenta le volume de sa playlist. Les violons se mêlaient aux accords du piano, créant une mélodie douce qui calmait ses nerfs. Il ferma les yeux, laissant la musique l’emporter loin des champs, des ombres inquiétantes et de ses propres doutes. Ces moments de tranquillité lui rappelaient qu’il avait besoin de pauses, même dans ses réflexions les plus intenses.
Il prit une profonde inspiration, puis rouvrit les yeux, son regard se posant sur un livre posé à l’extrémité de son bureau. C’était un vieil ouvrage sur les contes de son village, offert par sa grand-mère. L’idée de l’ouvrir le traversa, mais il décida de se concentrer sur ses recherches en ligne pour le moment. Il savait qu’il aurait le temps de redécouvrir ces récits plus tard.
Après une heure passée à naviguer sur des sites universitaires et à noter des programmes intéressants, Timmy se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Sa tête bourdonnait d’idées, mais pour la première fois, ce n’était pas désagréable. Il avait l’impression de voir une nouvelle direction s’ouvrir devant lui, une route qu’il n’avait jamais envisagée.
« Peut-être que Clement a raison, » pensa-t-il en fermant doucement son ordinateur. « Peut-être que je peux vraiment faire quelque chose avec tout ça. »
Alors qu’il se déconnectait, les derniers accords de sa playlist résonnaient encore dans la pièce. Timmy sentit une étrange chaleur dans sa poitrine, comme si, malgré toutes les incertitudes, il venait de franchir une étape importante. Il se promit de parler à Clement de ses recherches la prochaine fois qu’ils se verraient. Après tout, c’était son ami qui l’avait encouragé à explorer cette idée. Et quelque part, il savait que Clement serait heureux de l’aider à avancer.
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