Chapitre 15

7 minutes de lecture

Après une nuit d’insomnie ponctuée de cauchemars indistincts, Timmy se réveilla avec la sensation étrange qu’un poids invisible pesait sur lui. L’événement de la veille – ce bouquet de maïs, le symbole gravé, le murmure dans la maison – lui restait en tête comme une marque indélébile. Il avait besoin de réponses.

Son regard se porta sur son ordinateur, toujours allumé sur son bureau. Il savait qu’il ne trouverait aucun article rationnel expliquant ce qui lui arrivait. Mais peut-être que L’Épouvantail, dans sa nature étrange et troublante, détenait une clé.

Prenant une grande inspiration, il ouvrit le dossier contenant tous les épisodes de la série. Il parcourut rapidement la liste, cherchant celui qui parlait du symbole qu’il avait vu gravé sur la table. Mais alors qu’il faisait défiler les fichiers, son estomac se serra.

Un épisode inconnu était apparu dans la liste.

L'episode - 00.

Timmy fronça les sourcils. Il était sûr de ne jamais l’avoir vu auparavant. Il hésita, son doigt suspendu au-dessus du bouton de lecture. Est-ce une erreur ? Un fichier ajouté par accident ? Ou… autre chose ?

Finalement, il cliqua. L’écran devint noir un instant, avant qu’une image ne se fige à l’écran.

C’était sa maison.

La caméra tremblait légèrement, comme si quelqu’un la tenait à la main. L’image montrait son porche, son entrée… et le bouquet de maïs posé exactement comme il l’avait trouvé la veille. Timmy sentit son cœur s’emballer.

L’image changea. La caméra s’approcha lentement de la porte, comme si elle imitait la perspective d’un visiteur nocturne. Il entendit alors un souffle à peine audible, puis un chuchotement qui fit se hérisser tous les poils de sa peau.

« Regarde-moi, Timmy. »

Son souffle se coupa. C’était sa voix. Non, c’est impossible ! Quelqu’un, ou quelque chose, avait enregistré sa propre voix pour la rediffuser dans l’épisode.

L’image continua, montrant la porte de sa maison qui s’ouvrait lentement. La caméra entra. Timmy sentit une sueur froide couler dans son dos. Il reconnut immédiatement l’intérieur de sa maison, filmé de nuit, avec l’obscurité rendant chaque coin plus menaçant. La caméra balaya la pièce, capturant le bouquet sur la table, puis tourna lentement en direction des escaliers.

Au sommet des marches, une silhouette immobile l’attendait.

Timmy ne pouvait pas bouger. Il était paralysé, son cerveau incapable de traiter ce qu’il voyait. Il savait exactement ce qui allait se passer. L’image se brouilla légèrement, comme une vieille bande vidéo. Puis la silhouette descendit lentement une marche… puis une autre…

Timmy claqua son ordinateur portable d’un coup sec, projetant son souffle retenu dans un râle paniqué. Il le repoussa violemment sur son bureau et recula, comme si l’objet pouvait l’atteindre à travers l’écran.

C’était réel. Il n’avait plus aucun doute. Quelqu’un – ou quelque chose – jouait avec lui.

Et il devait comprendre pourquoi.

Tremblant encore, il attrapa son téléphone et fit défiler ses contacts jusqu’à un numéro qu’il n’appelait que rarement.

Tante Livia.

Il hésita à peine une seconde avant d’appuyer sur "appeler".

Il y eut trois tonalités, puis une voix fatiguée répondit.

« Timmy ? Tout va bien ? »

Sa gorge était sèche. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit immédiatement. Finalement, il parvint à articuler, la voix tremblante :

« Tata… Je crois qu’il se passe quelque chose d’étrange. »

Un silence s’installa à l’autre bout du fil. Puis, d’une voix plus grave, elle demanda :

« Qu’est-ce que tu as vu ? »

Timmy sentit un frisson lui parcourir l’échine. Il n’avait encore rien dit, mais elle semblait déjà savoir.

« Quelqu’un m’a laissé un bouquet de maïs devant la maison. Puis j’ai entendu des voix, et… » Il hésita, sa main se crispant sur le téléphone. « J’ai regardé un épisode de L’Épouvantail… un épisode qui n’existe pas. Il montrait la maison. Ma maison. Et… et il y avait quelqu’un à l’intérieur. »

Un autre silence. Timmy attendit un rire nerveux, un déni, un tu te fais des idées, mais il ne vint jamais.

Sa tante finit par dire, d’un ton lourd de sous-entendus :

« Timmy, tu es resté dans cette maison trop longtemps… Il faut que tu partes. »

Timmy déglutit, sentant son estomac se nouer.

« Quoi ? Pourquoi ? »

Sa tante prit une profonde inspiration. « Ce n’est pas la première fois que ça arrive. Avant toi, ton père a vu la même chose. Et avant lui… mon père. »

Timmy serra le téléphone plus fort.

« Alors, c’est vrai… L’Épouvantail… il est réel ? »

Livia ne répondit pas immédiatement, puis souffla enfin :

« Il n’a jamais été juste une légende. Nous l’avons condamné à errer. Mais aujourd’hui, il réclame ce qu’on lui a pris. »

Le sang de Timmy se glaça.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? Qui ça nous ? »

Mais avant qu’elle puisse répondre, un son grésilla à travers le combiné. La ligne était brouillée, comme si quelque chose interférerait avec la communication. Puis, un bruit plus clair se fit entendre :

Toc. Toc. Toc.

Trois coups.

Mais pas au téléphone.

Derrière lui.

Quelqu’un venait de frapper à la porte de sa chambre.

Timmy sentit son cœur tambouriner contre sa poitrine. Les trois coups contre sa porte résonnaient encore dans son esprit, mais il serra le téléphone plus fort, refusant de détourner son attention.

« Tata… Dis-moi la vérité. Tout de suite. Qu’est-ce que papa et grand-père savaient ? »

L’autre côté du fil resta silencieux un instant. Il pouvait entendre la respiration de Livia, légèrement saccadée, comme si elle hésitait à lui dire quelque chose qu’elle n’avait jamais osé formuler à voix haute.

« Timmy, écoute-moi bien. Cette maison… cette terre… elles ne t’appartiennent pas. Elles ne nous ont jamais appartenu. »

Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? » demanda-t-il d’une voix plus faible.

Livia reprit : « Avant que notre famille n’achète ces terres, elles appartenaient à un homme du village. Un fermier dont le nom a été effacé des registres. On l’a chassé. On l’a condamné pour sorcellerie. Et quand il a tenté de reprendre ce qui lui appartenait, on… »

Elle s’arrêta.

« Vous l’avez tué. »

Un long silence s’étira entre eux.

Finalement, elle souffla : « Oui. »

Timmy se sentit défaillir. Ses jambes flageolantes le contraignirent à s’asseoir au bord du lit.

« Mais pourquoi… pourquoi ça recommence avec moi ? Pourquoi maintenant ? »

La voix de Livia était pressante, presque suppliante.

« Parce que toi, tu cherches. Ton père n’a jamais posé de questions. Il a vu des choses, mais il s’est enfermé dans le silence. Il a préféré fuir. Mais toi, tu insistes. Tu regardes cette série, tu lis les symboles, tu veux comprendre… Et ça, il le sait. »

Timmy sentit son estomac se nouer.

« Il ? Tu veux dire… l’Épouvantail ? »

Livia ne répondit pas immédiatement, puis souffla :

« Ce n’est pas un simple épouvantail, Timmy. C’est une ombre de ce que nous avons fait. Il attend depuis longtemps. Et il t’a choisi. »

La peur l’écrasa si brutalement qu’il dut fermer les yeux pour ne pas paniquer.

« Mais… pourquoi moi ? »

Livia murmura :

« Parce que c’est toi qui l’as réveillé. »

Et juste à ce moment-là, un bruit strident envahit le combiné. Un grésillement haché, comme une interférence.

« Tata ?! » cria Timmy, mais la ligne se coupa d’un coup sec.

Un silence absolu tomba dans la pièce.

Puis un autre bruit se fit entendre.

Un grattement. Lent. Presque méthodique.

De l’autre côté de la porte.

Timmy sentit son souffle se coincer dans sa gorge. Son premier réflexe fut de reculer, son dos heurtant le mur. Son téléphone glissa de sa main et tomba sur le sol dans un bruit mat.

Le grattement continua, irrégulier, comme si des ongles traînaient sur le bois de la porte.

Ne bouge pas. Ne fais aucun bruit.

Son cerveau hurlait ces ordres, mais son corps tremblait violemment sous l’adrénaline. Puis, plus rien.

Un silence anormal s’étendit dans la pièce, plus oppressant encore que le bruit.

Timmy attendit. Cinq secondes. Dix.

Puis, un autre bruit.

Mais cette fois-ci, ce n’était plus à la porte.

C’était un son électronique.

L’écran de son ordinateur venait de se rallumer tout seul.

La lumière bleutée éclaira la pièce faiblement, projetant des ombres déformées sur les murs. Timmy tourna lentement la tête vers l’écran.

L’épisode 00 – La Vérité – venait de se relancer.

L’image affichée était différente de la première fois.

La caméra ne montrait plus la porte d’entrée.

Elle montrait sa chambre.

Timmy sentit son corps se figer. L’angle de la caméra semblait être celui d’une vision subjective, comme si quelqu’un se tenait là, juste devant sa porte, en train de l’observer en direct.

Un bruit grésillant accompagna l’image, puis une voix… cette voix rauque, grave, qui parlait lentement.

« Ouvre la porte, Timmy. »

Un long frisson d’horreur remonta le long de son échine.

L’image sur l’écran trembla légèrement, puis la caméra s’avança lentement vers la porte, toujours du point de vue de l’intrus.

Il ne voulait pas regarder, mais il était paralysé.

Dans l’épisode, la poignée de la porte bougea légèrement.

Puis, lentement, la porte s’entrouvrit.

Un flash blanc illumina l’écran, puis plus rien.

Noir complet.

Timmy sentit son cœur cogner contre sa poitrine.

Et soudain, la voix revint.

Un murmure, plus proche, plus intime, comme si elle était dans la pièce avec lui.

« Tu voulais savoir la vérité… Maintenant, regarde-moi. »

Timmy n’eut même pas le temps de crier.

L’écran de son ordinateur afficha une dernière image.

Un visage.

Un sac de toile en guise de tête, des boutons noirs cousus en guise d’yeux. Un sourire rapiécé par des fils noirs.

Et ces deux mains de paille tordue, qui semblaient vouloir sortir de l’écran pour l’attraper.

L’ordinateur s’éteignit brutalement.

Timmy était seul dans le noir.

Et dehors, dans les champs, un rire rauque s’éleva dans la nuit.

Annotations

Vous aimez lire Podqueenly ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0