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Écrit en écoutant notamment : Delete x Hardstyle Mafia – Extraterrestrial

Les semaines suivantes avaient été très compliquées. Aymeric ne parvenait plus à se concentrer sur le moindre cours, même ceux de physique-chimie, qu’il avait toujours adorés.

Afin d’éviter toute question gênante, il avait dissimulé ses médicaments dans son casier du lycée. Pas question de se risquer à les transporter dans son sac de cours. Ainsi, à chaque pause de dix heures, il allait récupérer le nécessaire et s’enfermait dans les toilettes. Deux comprimés bleus et un rouge, c’était facile. Le problème était, outre son angoisse devenue chronique, que les médicaments le fatiguaient et lui donnaient des crampes d’estomac absolument terribles. Au plus mal, il avait joué la carte de la gastro pendant quelques jours avec ses parents, mais il n’aurait pas fallu que les effets indésirables durent beaucoup plus longtemps.

Chapitre 10

15 mai 2013, 11h55

  • Aymeric ? Vous pouvez entrer. Tenez, asseyez-vous.

Devant moi, Mme. Hoffmann montre un sourire qui se veut bienveillant même si j’y lis une forte préoccupation. En plus d’être ma prof de maths, c’est surtout la prof principale de notre classe. J’espère qu’elle ne me retiendra pas trop longtemps. Ce n’est pas que j’ai réellement faim, mais je ne veux pas que mes amis me posent trop de questions sur ma situation. Même Loïc, je n’oserais jamais le mettre au courant.

  • J’ai corrigé vos devoirs de la semaine passée… dit-elle, l’air concerné. Si tu savais comme je suis désolée d’avoir dû te mettre 5,5/20… Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu as toujours été parmi les meilleurs de classe, et ce depuis plusieurs années.

Je n’ose pas dire le moindre mot. Mon angoisse est en train de se doubler d’une tristesse intense.

  • Nous avons pas mal discuté en salle des profs, avec mes collègues. Et comme tu es presque un adulte, je préfère te parler directement. M. Lavergne a noté que tu dormais régulièrement pendant ses cours de SVT ; pareil en anglais et philosophie, ils te trouvent tous… absent.

Je la regarde avec des grands yeux désespérés avant de m’effondrer sur la table de cours. Je ne me souvenais plus de la sensation de ne pouvoir retenir ses larmes. Quel spectacle pitoyable. J’ai sûrement besoin de parler de ces affaires à d’autres personnes que celles des urgences de l’hôpital.

Des mains viennent couvrir maladroitement mes épaules.

  • Je suis vraiment désolée si je n’ai pas choisi les bons mots. La seule chose dont tu peux être sûr est que je ne te jugerai pas et que je ferai de mon mieux pour t’aider.

[...]

À ce jour, Aymeric ne savait toujours pas comment il avait eu le courage de dire la vérité à sa prof de maths. Celle-ci avait réussi à le ramener dans un état de stabilité très précaire en l’assurant du soutien de la majorité de ses collègues.

La semaine suivante, le jour de réaliser son premier test était arrivé. Évidemment, il n’avait pas pu dormir la moindre seconde de la nuit suivante, dans l’attente du résultat. Il avait fallu à nouveau se rendre aux urgences en pleine journée (merci à Mme. Hoffmann pour les mots d’excuse). Les vingt minutes dans la salle d’attente lui avaient paru une éternité ; il se sentait défaillir à chaque claquement de porte, à chaque blouse blanche qui passait dans le couloir. Sa vie pouvait basculer d’une minute à l’autre.

Enfin, on était venu le chercher. Le médecin avait le visage fermé et avait fermé précautionneusement la porte derrière eux. Aymeric s’était littéralement décomposé sur place. Sans jeu de mots. Le médecin avait dû le secouer pour le refaire revenir à lui.

  • Votre test VIH est négatif.

Les yeux d’Aymeric s’étaient ouverts très grands.

  • Attention, à ce stade, la sensibilité du test n’est que de soixante-cinq pour cent. Cela signifie qu’en cas d’échec du traitement, vous avez une chance sur trois d’être passé entre les mailles du filet. Ce que bien sûr, nous n'espérons pas.
  • D’accord… avait-il seulement pu dire.
  • Cependant, vous feriez mieux de renoncer à ce genre de pratiques douteuses. Le jour où vous aurez un vrai souci, vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-même.

Aymeric avait regardé l’homme, choqué par les propos qu’il venait de tenir. Comme si c’était de sa faute s’il était gay ! Et surtout, comme s’il avait fait exprès que le préservatif se rompe ! Il s’était enfui dès qu’il avait pu. Ce con aurait au moins pu lui demander comment il allait...

Chapitre 14

Le 17 juin 2013, 7h45

J’essaie de me concentrer en arrivant dans la salle d’examen. C’est le jour le plus important du bac, avec les maths, coefficient 7. Les conseils de Mme. Hoffmann me reviennent en tête. Y aller tranquillement, d’abord sur les questions les plus faciles, sur les chapitres du début d'année, ceux que je maîtrise le mieux. Le but est d’assurer une note légèrement au-dessus de la moyenne. Malgré le léger mieux des dernières semaines, il est évident que je ne suis pas prêt.

[...]

9h15

Comme depuis le début des épreuves, mes pensées dérivent vers des scénarios plus sombres les uns que les autres toutes les trois minutes. Et si le test du mois dernier avait raté quelque chose ?

Je ferais mieux de réussir à dériver cette foutue fonction si je veux avoir dix. En même temps, je jette des regards par la fenêtre. À peine neuf heures du matin et déjà ce soleil éclatant qui présage une chaude journée. Dans quelques jours, une fois ces dernières « formalités » terminées, l’ambiance sera à la fête pour tout le monde, sauf pour moi.

[...]

11h15

Je n’ai plus envie. Et surtout, je ne peux plus. Mon t-shirt est trempé et colle au dossier de ma chaise. Des gouttes perlent de mes bras et font baver l’encre de ma copie. Je me remets à trembler alors qu'il doit faire vingt-cinq degrés.

Je décide d’arrêter le carnage avant de refaire un malaise. Je ne ferai pas mieux, seulement pire. Je me lève sous les regards surpris et amène mes deux copies doubles au bureau du surveillant. Ensuite, je me dirige vers les toilettes de l’étage et m’asperge le visage d’eau froide. Puis je quitte le lycée et erre sans but jusqu’à midi dans les rues de Valenciennes.

Déjà sept heures moins dix ! Aymeric releva son nez de l’écran. Sa lecture l’avait entraîné dans un flot de souvenirs inarrêtables. Il était ému par les nombreuses réactions et commentaires à ses publications. Dans le feu de l'écriture, il n’avait même pas pris la vraie mesure de la gentillesse de tous ces gens. À côté de ça, son topic s’était transformé en une foire publique, où des discussions plus ou moins sérieuses s’entrecroisaient entre les chapitres.

De bons souvenirs, même si se dévoiler aussi ouvertement, aussi intimement, avait parfois été effrayant. Il se demanda si cet effort avait au moins permis de sensibiliser des jeunes de cet âge-là aux risques existants. C'est si vite arrivé...

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