“Dites-nous où ils sont cachés !”

Cette sous-merde ne nous dira rien. Pourtant, peu à peu, je le sens craquer. Son alter-ego le maintient en mode survie. Son esprit c’est un coffre fort, et à l’intérieur, les réponses.

“J-J-Je v-v-vous ai d-d-dit ce q-qu-que je s-savais j-j…

• Faux. Vous nous avez dit ce qu’on voulait entendre. Nous voulons une adresse.”

Cinq jours et cinq nuits que tout a commencé. Enfin, avec lui. Car notre affaire s’éternise depuis plus d’une année. J’en fais des cauchemars la nuit. Enfin, quand j’arrive à dormir. Je sais qu’il ne peut pas me faire craquer non. Moi, ancien commissaire ici-même, dans cette bourgade de Sunside, vingt neuf années de service. Douze ans en cabinet d’enquêteur hors de ce trou à rat. Non. il ne me fera pas craquer. Pourtant j’ai déjà craqué… Son arcade sourcilière ouverte et maintenant recousue me rappelle que j’ai déjà craqué. “C-c-c’est f-faux j-je vous ai déjà t-t-t…

• Vous nous avez menés aux photos ça oui on les a trouvé. Les carnets, les écrits, les liens avec les trafics,les dessins, tout ça dans votre appartement mais bon sang maintenant on veut une ADRESSE !”

C’est Nathan qui l’interroge. Après avoir frappé ce fils de pute, ils ne veulent plus de moi à l’intérieur. J’observe cette merde de derrière la vitre.

“Hmm...hmm…

• On n’aura rien putain. On aura que dalle.” C’est Nicholls qui grogne. Il se ronge les ongles. Comme toujours lorsqu’on n’arrive à rien. J’aurai bien envie de lui répondre : “Espèce d’idiot Nathan a même pas six mois de service, ça fait presque de lui un embryon dans ce monde pourri et vous le foutez à l’interrogatoire ? Demande toi pourquoi j’ai ouvert mon propre bureau d’enquêteur pour délaisser de bordel..!” En gardant les yeux fixés sur l’autre, assis en face de Nathan, bras croisés, je me dis que ça n’a aucun sens. Il prend son pied. “Hmm…
• Vous allez me donner une adresse, ou bien nous…
• Vous n’avez absolument rien pour m’effrayer…” Il a encore arrêté de bégayer. C’est sa double personnalité d’après les foutus psy. Moi je dis merde. Je me fous de savoir qu’il soit malade. Je veux ce cafard derrière les barreaux. Sa deuxième voix semble venir du fond de sa gorge pleine de glaire. “Vous savez...Il les dorlotera, là, en bas...C’est ce que j’ai vu...C’est ce qu’Il m’a dit…
• Il ? Le fameux hein ?
• OOOH que oui ! OUI !
• Et qu’est-ce que ce...Il compte faire ?”

Son sourire me dégoûte. Je me fous de savoir ce que son ami imaginaire est capable de faire, JE VEUX RETROUVER CES GOSSES ! Je me rue vers la porte. Nicholls me hurle quelque chose. Rien à foutre. Olsen m’agrippe, je le repousse sans ménagement. Il a vingt cinq ans. J’en ai cinquante six. Je me précipite d’un pas décidé vers la salle d’interro. J’ouvre la porte à la volée et le pédophile est surpris de me voir car son alter-ego se fige. Mais je jure avoir vu un sourire avant que son autre lui, le bègue, prenne le relais… Je me rends compte que j’ai serré les poings si fort depuis qu’ils m’ont forcés à ne pas l’approcher, que j’en ai la marque de mes ongles dans les paumes.

“Tu veux rien nous dire ?”

Je l’attrape par le col plein de sueur de sa chemise puante, le plaque contre le mur. Nathan n’osera rien faire. Le temps que les autres arrivent, je lui en aurai collé au moins quatre. Quatre qui vaudront la peine.

Un. Deux. Trois.

“OK ! OK ! C’est bon ! On va te dire où ils sont ces mômes ! C’est bon !” Seulement trois ? Je le fixe à terre, avec son pif de rat pissant le rouge il me regarde de cet air apeuré. Mais… “Forêt des Colombes. A 500 mètres après la vieille ferme.” Je lâche la prise sur son col. Sans plus attendre, j’agrippe mon imperméable…

...cette fois, il n’a pas bégayé…