Chapitre 2 - Le Vieillard (III)
Le festin, l'homme au fusil n'y fit pas attention, il mangeait mais sans jamais sentir le moindre goût. Il n'avait qu'une seule chose en tête : sa fille. Carmen déchirait la chair et brisait les os du fond de sa marmite qu'elle avait amené au sol. Monsieur Ouest, lui, semblait les admirer de ses yeux vides. Boissons, viande, pain, tout y était. Mais l'homme au fusil n'y pensait pas. Tel une machine automatique.
Puis, après un moment de chorale de cliquetis de couverts :
- Vous croyez donc en votre Seigneur.
Ce n'était pas une question.
- Évidemment.
- Je n'ai pas rencontré de disciple de la Croix depuis des années.
- Je pensais avoir le titre de Chrétien. Ma foi à été enterré par des millénaires d’appellations étranges.
- A vrai dire c'est comme ca qu'on vous appelle par chez moi.
- Ah Oui ? Et par chez moi on vous appelle des vagabonds. Pauvre fou.
C'était de bonne guerre.
- Je ne erre pas sans but je sais parfaitement où je vais.
- Tu me parais pourtant bien perdu pauvre fou.
- C'est un détail, je ressens les choses. La route en somme n'est qu'un détail.
- Tu paraît habité par une foi et pourtant tu dis ne pas croire en notre Seigneur.
- Je n'ai foi qu'en moi même. Et les miens.
- Pourtant ma Carmen ta bien retrouvé inconscient dans la tempête. A moitié fou, voilà comment je t'ai trouvé. Une chance qu'elle t'ai senti n'est ce pas ? Non il n'y a pas de chance, et le Seigneur ne trace pas de ligne droite.
La chienne avait attend le plus gros os mais ne parvenait pas à le sortir de la marmite.
- Le fait que tu te trouves ici aujourd'hui, pratiquement aux portes du mur me prouve ton ignorance.
- Qu'est ce que c'est ce mur ?
- Que penses tu que ce mur puisse être ?
- Un énième obstacle entre moi et ma fille.
- Ha…
Monsieur Ouest se frotta le visage de sa main gauche l'air consterné.
- Eh bien…
- Et que crois tu qu'il puisse se trouver au delà ?
- Ma fille.
- Crois moi sur parole, mon pauvre fou, tu ne veux surtout pas que ta fille se trouve de l'autre côté.
Tant de questions dans l'esprit de l'homme au fusil. Mais tant d'autre serait soulevé s'il poussait la curiosité.
- Le fait est que j'y suis à présent, et que si ma fille se trouve la bas, c'est la bas que j'irais.
- Pauvre fou… ta foi causera ta perte ! Crois tu qu'il te laissera passer ? A la minute ou tu franchiras ma porte, ses chiens te renifleront de la haut. Et alors il te sera impossible de passer sans être vu.
- Ton gardien ?
- Ce sont ses terres, il n'aimerait pas que je parle de cela. Je t'en ai déjà trop dit.
- C'est le Diable que je poursuis tu ne me feras craindre personne vieil homme.
Soudain, les mastications intempestives de Carmen devinrent la seule conversation. Le vent à l'extérieur s'était calmé. Ainsi, une fois que la chienne eut terminée, le calme plat résonna dans la pièce.
Puis :
- Que comptes tu faire à présent pauvre fou ?
- Je vais suivre les traces, encore et toujours. Jusqu'à la trouver.
- Certes. Et après ? Retrouver ta fille demeure la première étape de ton périple. Tu sais, il fut un temps ou j'étais bien plus que cet homme délabré que je suis. Un temps bien trop lointain où la sentait des fleurs envahissait les jardins de Pastry Tree, où les chants des chorales d'église résonnaient dans les rues de Saint Paul et où Carmen courait librement avec sa meute sur mon terrain de Palm Hill. Une époque bénie pauvre fou. Où Jill était mon étoile, ma reine. Où nous étions capable d'enfanter sans recours extérieur. Où le ciel était bleu, où les rivières l’étaient toute autant et le chant des oiseaux baignaient la mère que l'on appelait encore “mer” de sa bénédiction et sa mélodie. Où le monde était baigné dans le Krhi, la Bonté et là Merveille. Un temps où la voix divine me parvenait. Un temps non pas de Chrétienté comme nous avons été surnommé bien plus tard, à tort d'ailleurs. Une ère de paix et de prospérité. Un temps où les voies du Seigneurs me parvenait à moi et aux autres comme ce souper me parvient clairement dans mon esprit. Un temps ou les airs de chanson du radiophone envahissait la cuisine de ma tendre Jill. Un temps…
Et le vieux monsieur Ouest repassa ainsi des siècles d'une époque oubliée qui donnerai à nos lecteurs un indice plus ou moins précis de l’âge actuel de ce récit. Mais comme cette description passant peu à peu dans l’oreille d'un sourd - ici, l'homme au fusil qui avait mieux à faire et à penser -, nous passerons sur la nostalgie du vieux Ouest. Malgré l'importance capitale de certaines informations qui aurait pu aider son interlocuteur pour les événements à venir… s'il avait écouté.
Cet homme est cinglé. Nostalgique d'une époque qui n'a jamais eu lieu. Je dois sortir d'ici. Au plus vite.
- ...és flamboyantes nous parvenaient d'un monde, d'un temps que l'on ne comprenait pas. Pas encore.
- Monsieur.
Le vieillard avait été interrompu. Mais cela ne semblait le déranger outre mesure. Jusqu'à ce que l'homme au fusil cru distinguer une larme s'écouler de l'oeil gauche du vieux Ouest.
Puis, après réflexion qui lui inspira une pitié profonde, il regarde la conversation avec le soin d'un parent ne souhaitant pas vexer son enfant.
- Pourquoi me raconter cela ?
Toujours ce même calme dans la voix de velours effaçant instantanément tout sentiment de pitié.
Et après un moment de silence :
- Je ne te conte pas cela parce que je perçois en toi le quelconque souvenir de ces choses. Encore moins parce que tu me ramènes à ces temps de magnificence. Non. Mais parce que tu me rappelles un homme. Un homme qui vient souvent me hanter. Et qui à brûler tout ce dont je t’ai parlé.
L'homme au fusil ne sut réellement ce qui le dérangeait le plus : que le vieux Ouest parviennent à lui faire ressentir sa haine et sa peine en un regard vide qui lui perçait l’âme ? Où bien qu'il sache exactement de quel homme il était question ici.
Quoi qu'il en ait été, l'homme au fusil reprit son arme, son ceinturon et ses biens et puis la route quelques heures plus tard.
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