Chapitre 44

6 minutes de lecture

Les jours qui suivirent, Océane échangea de nombreux messages avec Alexandre, mais aussi Anaëlle qui semblait réellement l’apprécier. Elle eut également des nouvelles de Madison et Noëmie ; les jumelles étaient déçues de ne pas l’avoir vu à leur anniversaire et lui demandaient ses disponibilités pour se retrouver autour d’un verre.

Alors qu’elle avait craint de tomber dans l’oubli et la monotonie de son quotidien de jeune travailleuse, cette résurrection de sa vie sociale lui fit le plus grand bien. Cependant, bien consciente des responsabilités qui étaient désormais les siennes, elle limita ses sorties pour s’occuper de son foyer et de sa famille, ce que sa grand-mère ne manqua pas de lui reprocher !

Contre toute attente, le plus difficile à gérer fut son « amitié » avec Alexandre.

Malgré ses efforts pour garder ses distances et sa méfiance liée à son manque d’honnêteté, elle se surprenait de plus en plus à sourire lorsqu’il lui envoyait un message, lorsqu’elle savait qu’elle allait le retrouver après le travail ou tout simplement lorsqu’elle pensait à lui… Il avait promis de lui laisser le temps de tomber sous son charme et elle craignait qu’il ne finisse par remporter ce pari.

Le mois d’août touchant à sa fin, il fallut préparer le mois de septembre. Entre la rentrée de Diane en CP et celle de Daphné qui poursuivait le collège, sans oublier l’achat de nouveaux vêtements pour la benjamine qui commençait à être serrée dans les siens ; les quelques heures supplémentaires d’Océane semblèrent partir en fumée lorsqu’elles firent les courses. Pourtant, elle tira une grande satisfaction de pouvoir réaliser de telles dépenses, d’être capable de subvenir aux besoins de sa famille.

Après avoir atteint des records de température, la canicule arrivait à bout de souffle, laissant lentement la place à un climat plus doux. La pluie s’invita même le dernier week-end d’août, alors qu’Océane travaillait à l’hôpital.

C’était la dernière chambre qu’elle avait à faire, elle vérifia une dernière fois que tout était propre, qu’elle n’avait rien laissé traîner.

— Tu es drôlement consciencieuse dis donc ! Je peux te garantir que ce n’est pas le cas de toutes tes collègues…

Le cœur d’Océane rata un battement, tandis qu’un serpent froid glissait sur sa nuque la glaçant de la tête au pied. Elle n’avait pas besoin de se retourner pour savoir à qui appartenait cette voix. Prenant une profonde inspiration, elle se résolut à lui faire face, s’efforçant d’arborer un visage avenant.

— Salut mistinguette !

Le sourire qu’il lui adressa lui parut étrange, elle ne parvint pas tout de suite à identifier ce qui la dérangeait dans celui-ci.

— Bonjour Joaquin ! Vous allez bien ?

— Très bien et toi ? Si j’avais su plus tôt que tu travaillais ici, je serais venu te voir avant !

— Ah… Vous travaillez aussi dans cet hôpital ?

Tant bien que mal, elle luttait contre son cœur qui s’affolait. Gobelets propres, serviettes propres, draps lissés… Elle s’accrochait à finir ses tâches dans les moindres détails pour ne pas avoir à le regarder.

— Hum-hum… Entre autres, dit-il dans un murmure avant de se taire.

Si sa voix la mettait mal à l’aise, son silence l’angoissa. Elle se retourna et croisa son regard. Il attendait visiblement quelque chose d’elle, mais elle refusait de lui demander ce dont il avait besoin. Après avoir rassemblé ses lavettes et ses produits dans son chariot, elle tenta innocemment de quitter la pièce, mais sa large carrure ne bougea pas de l’encadrement de la porte.

— Je m’excuse, mais je dois…

— J’avais pris la peine de te trouver un rendez-vous pour un EEG il y a un peu plus d’une semaine, j’ai été un peu contrarié d’apprendre que tu ne l’avais pas honoré.

Son sang se glaça dans ses veines, son cœur se mit à battre jusque dans ses tempes. C’était donc ça qu’il voulait : lui faire passer d’autres examens.

Il en était hors de question.

Ayant plus ou moins inconsciemment oublié ce rendez-vous, elle n’eut pas trop de difficulté à paraître surprise.

— Oh ! Je suis vraiment désolée, Joaquin ! Je… Entre l’hôpital, le fast-food et l’intérim, j’avoue que j’ai complètement oublié…

Elle afficha une mine contrite tout en se grattant nerveusement le cou.

L’air sévère de son interlocuteur s’adoucit.

— Je te pardonne, céda-t-il. Par chance, je connais bien le neurologue qui s’occupe de ça ici, range tes affaires, change-toi et on y va.

Le ton ne souffrait aucune réplique, pourtant Océane trouva la force de s’opposer.

— C’est gentil de vous soucier, mais tout va bien ! Cet examen n’est pas nécessaire ! En plus, on est dimanche ; on ne va pas ennuyer votre collègue pour ri…

— Cet examen est nécessaire, coupa froidement Joaquin.

— Et moi je n’ai plus envie de passer le moindre examen ! répondit sèchement Océane, puisant dans ses dernières forces.

La mâchoire de Joaquin se contracta et elle vit clairement le halo jaune dans ses yeux s’élargir, trahissant ses émotions, avant de revenir à une taille normale. Océane était terrifiée, mais elle refusait d’être à nouveau réduite à l’état de cobaye.

L’aîné des Jorique expira bruyamment avant de reprendre la parole de façon plus douce.

— Bien… Je comprends. Les prélèvements que nous avons réalisés la dernière fois n’étaient pas des plus agréables pour toi et ils étaient plutôt invasifs. Là, c’est différent. EEG signifie électroencéphalogramme, il s’agit simplement de poser un casque avec des capteurs sur ta tête et d’observer les ondes qui sont transcrites sur l’ordinateur. C’est tout.

Présenté de cette façon, cela semblait effectivement inoffensif. Pour autant, elle ne souhaitait pas se retrouver de nouveau seule avec lui dans une pièce fermée. Malgré l’intimidation que lui inspirait Rafael, elle lui faisait étrangement plus confiance qu’à lui.

— Je vois… commença-t-elle. Mais cela ne change rien. Je suis désolée, mais je ne veux pas passer plus d’examens. Cela ne m’intéresse pas.

Il ne bougea toujours pas, l’empêchant de sortir, la fixant d’un regard prédateur.

Dans son ventre, la peur se tordit, se mua pour prendre les traits de la panique. Malgré sa terreur, elle refusait de baisser les yeux, d’admettre sa faiblesse face à lui. Elle frotta nerveusement ses mains moites contre sa tunique.

— Océane, dit-il calmement. Je m’excuse d’insister, mais il ne s’agit pas que de toi. Ton identité restera cachée, mais notre communauté a besoin d’en savoir plus sur ton cas. Tu n’es peut-être pas la seule dans cette situation, tu y as déjà pensé ? Tu as souffert de ton baptême et tu as été terrifiée par nous, imagine qu’une autre jeune femme se retrouve dans cette situation sans personne pour la prendre en charge et lui expliquer ce qu’elle est devenue !

Lentement, la culpabilité parvint à se frayer un chemin à travers l’armure que s’était construite Océane.

— Cet examen est indolore et ne prend pas plus de quarante-cinq minutes. Pense un peu aux autres !

Le mépris était presque palpable à la fin de sa phrase, ancrant un peu plus profondément la culpabilité dans le cœur d’Océane. Elle finit par détourner le regard.

— Ok. Laissez-moi le temps de ranger mes affaires et de me changer. Je vous suivrai.

— Ah ! Très bien ! Je savais que je pouvais compter sur toi ! s’exclama-t-il avec une joie non dissimulée.

— Mais c’est la dernière fois que j’accepte de faire des tests, imposa-t-elle fermement.

Joaquin acquiesça avant d’enfin libérer le passage.

— Je t’attends à l’entrée de l’aile E, au service de neurologie, dit-il avec un grand sourire avant de s’éloigner.

Alors qu’elle quittait le vestiaire après s’être douchée et changée, elle hésita. Elle pouvait toujours rentrer chez elle, ne jamais revenir, prendre un temps plein au fast-food ou trouver un autre complément de salaire.

Oui, mais… il m’a trouvée ici… il me trouvera ailleurs… et alors là… Là elle n’était pas sûre qu’il parviendrait aussi bien à maîtriser sa colère.

Résignée, angoissée, elle se réengagea à l’intérieur des couloirs de l’hôpital.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pattelisse ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0