Chapitre 53

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Voici venir les derniers chapitres ! Ils sont un peu plus long que les précédents, mais je n'ai pas le courage de retravailler le découpage...

Enjoy ;)

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Elle reprit connaissance au bout de quelques minutes, doucement secouée par sa cadette. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle découvrit qu’elle avait repris forme humaine. Une épaisse couche de cendre la recouvrait et s’étendait autour d’elle.

Océane se redressa pour se jeter sur sa grand-mère à un mètre d’elle. Sa peau, glacée par le vol en altitude, lui fit craindre le pire, mais elle fut rassurée en la voyant ouvrir son œil valide.

— Oma ! Oma , je suis tellement désolée ! Tout est ma faute ! s’exclama-t-elle d’une voix particulièrement enrouée, tout en la prenant dans ses bras.

La vieille femme la regarda tristement.

— Il faut l’amener dans l’eau… murmura Daphné.

Paniquée, Océane examina le corps de sa grand-mère couvert d’entailles, de brûlures et autres blessures, elle examina également ses sœurs blessées.

— Non ! Le sel va lui faire encore plus mal ! gémit-elle en secouant la tête.

Sa cadette lui adressa un sourire triste.

— Non, l’océan va la soulager…

La jeune femme la dévisagea un instant avant de comprendre.

Ensemble, elles portèrent leur grand-mère dans l’eau, suivies de Diane. Elles s’arrêtèrent lorsque les vagues leur arrivèrent au-dessus de la taille. Océane vit sa benjamine nager sans difficulté à ses côtés.

Au clair de lune, Anika paraissait encore plus pâle, plus mal en point. Pourtant, l’immersion semblait l’avoir soulagée. Océane se mit à espérer sa guérison. Elle ne pouvait pas la perdre, pas après avoir traversé tout ça.

La vieille femme se tourna vers elle.

— Le Chant…

— Non, Oma… Je m’en fous de ces histoires ! Je veux juste que tu guérisses !

Son aïeule eut un semblant de rire qui la fit grimacer de douleur.

— Je ne vais pas guérir… Océane… Je lutte déjà contre ma fin…

— Oma, non… gémit la jeune femme. Ne nous abandonne pas…

— Pour sauver l’âme d’un dragon… le Chant… doit être un chant d’amour…

De l’écume commença à se former autour d’elles, l’océan la réclamait. Mais Océane n’avait d’yeux que pour sa grand-mère.

Si seulement j’avais été plus rapide… Si je n’avais pas perdu le contrôle… J’aurais dû la protéger, elle n’aurait jamais dû prendre cette balle !

— Oma, pardon ! C’est à cause de moi s’ils vous ont trouvé… Je n’ai pas réussi à vous protéger !

D’un geste incertain, Anika leva le bras pour caresser doucement le visage de sa petite-fille. Puis ignorant son intervention, elle reprit.

— Ta maman t’aimait fort, Schatz… Et moi… Même avec tes yeux de feu… je n’ai jamais cessé… de t’aimer.

Le bras de la vieille femme retomba doucement dans l’eau.

— Je suis fière de toi…

Son regard se tourna vers les étoiles, capturant une dernière fois la beauté du firmament avant de se voiler. La jeune femme réalisa alors seulement la présence importante de l’écume les entourant. La peau d’Anika se grisa avant de s’assombrir, prenant lentement la teinte de l’océan.

Tandis que les larmes de ses sœurs se mêlaient aux vagues, Océane se rappela la demande de sa grand-mère, elle réalisa l’importance de lier son souvenir à la joie. Elle ne pouvait pas la laisser partir sans un dernier éclat de vie.

— On n’a même pas sa recette des crêpes au sel ! lâcha-t-elle dans un rire brisé.

Quelques mois plus tôt, Anika avait acheté deux pots très similaires dans lesquels elle avait mis le sel dans l’un et le sucre dans l’autre. Ce devait arriver, arriva, rendant les crêpes, préparées avec amour, immangeables. Un maigre sourire étira les lèvres de Daphné.

— Elle avait osé m’accuser d’avoir saboté sa pâte dans son dos !

— Quand elle a compris son erreur, elle a tout de même essayé d’en manger une entière…

Le sourire de Daphné s’élargit légèrement, les yeux brillants en évoquant ce souvenir. Diane, bien que silencieuse, souriait un peu, elle aussi.

— Elle n’a jamais bu autant d’eau en une soirée ! acheva Océane, satisfaite d’avoir honoré le vœu de sa grand-mère.

Doucement, le corps dans les bras d’Océane s’allégea, sa densité se dilua. La main d’Anika, autrefois si forte, glissa lentement de la sienne. Un filet d’eau s’infiltra entre leurs paumes, effaçant leur dernier contact. Le visage tant aimé disparut doucement dans l’écume, ne laissant que la douleur du vide.

Luttant contre ses émotions, Océane prit ses sœurs dans ses bras. Diane s’en extirpa doucement avant de s’éloigner vers le large, paniquant son aînée qui voulut la rattraper.

— Diane ! Non ! Reviens ! cria-t-elle affolée.

Contre toute attente, Daphné la retint calmement.

— Elle va revenir, ne t’inquiète pas.

Océane la dévisagea sans comprendre, puis reporta son regard sur la petite, juste à temps pour la voir disparaître sous l’eau. Terrifiée, elle voulut se défaire de l’emprise de sa cadette qui la retint.

— Elles vont la soigner !

Elle se figea, plongeant son regard dans celui de sa sœur.

— Elles ?

— Les ondines. Les sirènes qui ont choisi de rester dans les océans. Sous ta forme de dragon, tu as des compétences spéciales et tu en développerais sûrement d’autres si tu prenais cette forme plus souvent, plus longtemps… Les ondines ont aussi leurs propres capacités, comme celle de soigner par leur chant…

— Pourquoi n’ont-elles pas sauvé Oma, alors ? coupa Océane soudain révoltée.

Le visage de sa cadette se crispa de douleur, de détresse.

— Parce que c’était déjà trop tard pour Oma ! cria-t-elle. Elle ne s’est accrochée à la vie que pour te dire au revoir !

Les larmes coulèrent à flots cette fois-ci sur les joues de l’adolescente.

Désemparée, Océane cessa de lutter et prit à nouveau sa sœur contre elle, caressant doucement son dos pendant que son corps tremblait, ravagé par le chagrin. Elle se mit à culpabiliser, les adieux de sa grand-mère n’avaient été que pour elle, ignorant ses petites sœurs.

Comme devinant son inquiétude, Daphné reprit la parole, plus calme.

— Elle nous a fait ses adieux dans les airs, en utilisant la Voix des Abysses… C’est la façon dont on communique entre nous, en infrason…

— Tu n’as pas à me révéler vos secrets, lui répondit Océane dans un murmure. Je ne les ai jamais convoités…

Après un temps qui parut infini, Diane refit surface pour les rejoindre. Ce n’est qu’alors qu’Océane réalisa leur situation précaire : elle était nue, ses sœurs en haillons et elles étaient sans argent ni papier au milieu de nulle part. Pire, lorsqu’elle se tourna vers le rivage pour sortir de l’eau, elle aperçut plusieurs silhouettes. L’une d’entre elles brossait le sable là où elle avait chu, effaçant les traces de cendre trahissant l’immense créature qu’elle avait été un peu plus tôt. Trop loin pour les distinguer, elle envisagea immédiatement le pire.

Comment ont-ils réussi à nous retrouver ici ? Qui les a envoyés ?

Malgré son état d’extrême faiblesse, elle se plaça devant ses sœurs tout en remontant sur la plage, puisant dans ses dernières forces, elle invoqua son dragon. Elle se retrouva rapidement à quelques mètres des intrus qui se révélèrent être des femmes, celles-ci paniquèrent face à son regard ardent, levant les bras en signe de soumission. Daphné s’empressa de la dépasser pour se dresser entre elles.

— Elles sont là pour nous aider ! Calme-toi s’il te plaît ! la supplia-t-elle paniquée. C’est Oma qui les a appelées !

Se promettant de rester sur ses gardes, Océane expira lentement, étouffant doucement le feu qu’elle avait invoqué.

Rassurées, les femmes s’approchèrent en leur offrant de grands draps de bain, puis se présentèrent.

Malika, infirmière, habitait à quelques kilomètres de là avec sa fille Louane, étudiante en médecine. Thérèse et Jeanine, voisines, toutes deux retraitées habitaient le hameau le plus proche.

Malgré leur bienveillance, Diane refusa de s’approcher d’elles, s’accrochant avec désespoir à la robe abîmée de leur grand-mère, cachée derrière Océane. Cette dernière se pencha vers elle en tenant la serviette qui lui était destinée, elle remarqua alors la robe tachée de sang entre ses mains.

— Fais-moi voir ton dos, ma puce, demanda-t-elle avec douceur.

La petite s’exécuta. Même si de longues cicatrices restaient et resteraient probablement à jamais, les ondines avaient fait des miracles sur ses blessures. Une bouffée de reconnaissante serra la gorge d’Océane qui regrettait de n’avoir aucun moyen de les remercier.

— Ton dos est guéri, tu n’auras pas mal avec ça. Je ne veux pas que tu attrapes, froid.

L’enfant accepta finalement d’être emmitouflée dans la serviette moelleuse, mais garda son regard inquiet rivé dans celui de son aînée.

— Quoi qu’il arrive, je reste avec vous deux, d’accord ? Je vous protégerai toujours.

Les mots semblèrent la rassurer, elle n’en resta pas moins cacher derrière sa sœur.

Après quelques échanges succincts, elles convinrent de se rendre chez Malika ; Océane et ses sœurs montèrent en voiture avec elle et sa fille, tandis que Thérèse et Jeanine rentraient chez elles, promettant de les retrouver le lendemain.

La nuit était déjà bien avancée, pourtant leurs hôtes prirent le temps de s’occuper d’elles, leur donnant accès à leur salle de bain, leur fournissant des vêtements propres pour la nuit et leur préparant un repas chaud. Malika soigna les blessures de Daphné, tandis que Louane s’occupait de celles de Diane, elle cacha difficilement son trouble face à la cruauté dont l’enfant avait été victime. Puis vint le tour d’Océane.

— Je ne suis pas blessée, merci, répondit-elle sans force, la voix brisée.

La future médecin la dévisagea, le regard insistant sur son cou ainsi que son buste.

— Ce n’est pas l’impression que tu donnes… Qu’est-ce qui t’est arrivée là ?

— Une balle… Elle a ricoché sur mes écailles…

Je n’aurais jamais cru dire ça un jour… pensa-t-elle sombrement.

L’image d’Alexandre, l’arme pointée sur elle lui serra le cœur. Elle eut aussitôt une autre pensée pour son père, dévasté par le sort terrible qu’elle avait infligé à son fils.

— Je vois… commenta Louane. Je pense quand même qu’il faut au moins mettre du froid, peut-être aussi une minerve, pour soulager les muscles de ton cou, le temps de guérir…

Elle palpa doucement la peau, faisant grimacer la jeune femme.

— Il n’y a pas l’air d’avoir de nécrose des tissus pour l’instant, mais cela reste à surveiller…

Océane ne s’opposa pas, décidant de faire confiance à celles qui avaient répondu aux appels à l’aide de sa grand-mère.

Aucune conversation inutile ne fut échangée, laissant les orphelines faire le deuil de leur dernier parent avant de dormir dans le canapé-lit du salon. Entrelacées sous une couverture, elles laissèrent le silence leur murmurer ce qu’aucune n’osait dire : Anika ne reviendrait pas.

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