Chapitre 8

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Le lendemain, Anika déposa sa petite-fille chez son amie avec toutes ses affaires et repartie aussitôt pour emmener les cadettes en promenade. En voyant les deux packs d’eau et le sac de provisions, Sonia sembla partagée entre la gêne et le rire.

— T’avais peur qu’on t’affame ? questionna la jeune femme en rigolant.

Océane n’eut pas le loisir de répondre, Sofines apparut et eut une exclamation de surprise en voyant elle aussi toutes les affaires de leur invitée.

— Bonjour Océane ! Mon dieu, mais pourquoi tu as amené tout ça ? Tu sais bien que l’on prévoit aussi pour toi, ma belle ?

— Je voulais aussi participer aux dépenses, ça me gênait de venir sans rien…

Sofines la dévisagea en secouant doucement la tête, certainement bien consciente de la dépense que cela devait représenter pour leur foyer.

— Il n’y pas de produit frais ?

— Heu… non ?

— Très bien, tu peux prendre les bonbons et gâteaux que je vois dépasser ici, mais tu laisses le reste, tu le récupéras au retour.

— Mais je…

— Pas de mais ! coupa la mère de son amie.

Se rendant compte que son ton était plus sec que nécessaire, elle rajouta à voix basse :

— Y a pas de raison que Sonia et moi soyons les seules à souffrir des talents de pêcheur de mon mari et de mon fils !

La boutade eut l’effet escompté et détendit Océane qui accepta à contrecoeur de laisser ses provisions, il y avait une part de vérité dans la répartie de Sofines : elle avait espéré éviter le poisson trop cuit et plein d’arrêtes…

Les derniers préparatifs se mirent rapidement en place, la voiture familiale fut chargée et vint le moment de décider qui occuperait la place du milieu à l’arrière. Malgré la place disponible, Maxime était clairement contrarié de devoir « se serrer » avec deux autres personnes, son père avait refusé qu’il prenne sa voiture.

Océane espéra que son amie allait faciliter les choses en se mettant au milieu, après tout, elle lui avait confié ses sentiments quant à son frère… Il n’en fut rien, cette traîtresse tenait la portière grande ouverte pour inciter Océane à s’installer à côté de son aînée. Elle trépigna, elle n’avait vraiment pas envie de passer plusieurs heures à côté de Maxime et de le contrarier, mais lorsque Rafael commença à se racler la gorge, signe qu’il attendait que les choses se débloquent et tandis que Sonia lui faisait les gros yeux pour qu’elle monte, elle céda et prit place sur le siège central. Elle ne manqua pas d’ailleurs le petit sourire satisfait de son amie ; elle se promit de se venger de cet affront.

A peine eurent-ils quitté la ville que Sonia s’était déjà endormie, la tête posée sur l’épaule de son amie, la contraignant à rester immobile. Quant à son voisin, il profitait d’avoir encore du réseau pour explorer les réseaux sociaux sur son téléphone, une œillade presqu’involontaire lui permit de voir qu’il explorait également les sites de rencontre. Océane se tourna un peu plus vers son amie et décida de poser sa tête par-dessus la sienne, songeant que la route serait effectivement moins longue en dormant un peu.

Après plusieurs heures de trajet entrecoupées de pauses pipi, ils quittèrent les grandes routes, puis les nationales avant de s’engager sur chemins à peine goudronnés. Enfin, ils arrivèrent à destination : l’immense propriété des De Lavargne, famille de vieille noblesse à laquelle était rattachée les Jorique. Rafael arrêta la voiture dans ce qui s’apparentait à un espace de stationnement, deux autres véhicules y étaient déjà garés.

— Tes frères sont déjà là visiblement ! s’enthousiasma Sofines. Allez mauvaises troupes, on y est presque ! Vous connaissez la règle : téléphone éteint dans la voiture !

Océane sentit soudain une peur froide glisser le long de sa colonne vertébrale, elle avait oublié cette tradition ; et s’il arrivait quelque chose à sa grand-mère ? Elle sortit de la voiture à la suite de son amie qui peinait à se réveiller et alla à la rencontre de M. Jorique. Elle évitait toujours d’avoir à lui parler, mais il était médecin, il comprendrait, non ?

— Rafael ?

L’homme qui était en train de vider le coffre se redressa, surprit d’entendre la jeune femme s’adresser à lui.

— Un souci, Océane ?

Elle jeta un rapide coup d’œil pour s’assurer que personne n'écoutait.

— Je connais bien la règle, mais est-ce que je pourrais quand même garder mon téléphone, s’il vous plaît ? Ma grand-mère a des problèmes de santé, les médecins ont parlé de parkinson ou de syndrome, ce n’est pas encore très clair… Bref, je voudrais pouvoir être joignable s’il arrive quelque chose…

— Sans vouloir t’offenser, s’il arrive quelque chose à ta grand-mère, tu ne pourras pas lui être d’une aide, trancha-t-il doucement.

— Pour ma grand-mère, non. Mais pour mes sœurs, oui. Avec Oma on a commencé les démarches pour que je sois leur responsable légal. Elles ne le savent pas, personne ne sait pour tout ça…

Elle eut une légère œillade en direction de son amie pour faire comprendre que même elle n’était pas au courant. Elle vit le regard de son interlocuteur s’assombrir légèrement. De la tristesse ? De la compassion ? Elle n’en avait aucune idée et s’en moquait, elle voulait juste garder son téléphone.

— Je ne veux pas qu’elles se retrouvent en foyer, même temporairement.

M. Jorique finit par acquiescer, ce qui fit naître un sourire sur les lèvres d’Océane.

— Je vais envoyer un message à ta grand-mère pour qu’elle me mette en contact d’urgence. Je serais donc informé s’il devait arriver quelque chose. Je passerai une ou deux fois pour vérifier que je n'ai pas de message.

Le sourire d’Océane s’étiola.

— Ne sois pas déçue. Je ne veux avoir affaire à une guerre entre mes enfants et mes neveux qui n’auront pas leur téléphone ! Et de cette façon, ton secret reste préservé.

Il tendit sa main vers Océane qui y déposa son cellulaire à contrecoeur. Elle rejoignit ensuite son amie qui râlait sur son sac à dos trop lourd.

— T’avais qu’à moins le charger, bécasse ! lui murmura son frère en passant devant elle, commençant la marche jusqu’au campement, lui-même bien chargé.

Océane eut un regard compatissant envers son amie, elle se saisit de ses propres packages et suivit la famille Jorique à travers les bois.

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