6. L'étage

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Lukas

Je voudrais courir dans les escaliers, mais ils avancent si lentement ! En plus, Carly est devant. À côté de sa copine et de mon bro. Je n’ai aucune idée de ce qu’elle peut bien penser. Je ne vois qu’une partie de son dos, caché par ses cheveux et la tête de Paulo ! Leur attroupement forme un bloc devant moi, impossible de me frayer un passage et de les dépasser. Je trépigne d’impatience :

— Accélère, John !

Au lieu de m’écouter, mon bro s’arrête, se tourne vers moi d’un air interrogateur et met fin à la progression de tout le groupe par la même occasion.

— On se calme, mon pote, répond-il, ses billes vertes me transperçant.

Je joue des bras pour me créer un chemin.

— Poussez-vous !

Carly s’inquiète quand je la rejoins et que j’entoure sa taille de mon bras.

— Je ne veux pas t’infliger une nouvelle ennuyeuse visite, avoué-je en l’entraînant vers le palier.

Elle m’interroge du regard et se veut rassurante :

— Ta maison est magnifique, Lukas.

— Mais tout ce luxe t’agace, n’est-ce pas ?

Ma poupée dodeline de la tête et avoue timidement, avec le sourire :

— Disons plutôt que je n’ai pas l’habitude d’être autant éblouie.

Je me mets au garde à vous et apporte une solution :

— Message reçu, Votre Excellence. Je vous propose de découvrir uniquement la chambre réservée à votre progéniture, ainsi que la nôtre.

Un voile fugace passe devant ses yeux. Merde ! J’ai encore dû dire quelque chose qu’il ne fallait pas.

— La nôtre ? répète-t-elle, l’air gêné, voire inquiet.

Ses enfants ! Elle est encore réticente à se montrer devant eux. C’est ridicule !

Je la prends dans mes bras et l’embrasse avec tendresse, sur la toute dernière marche. Elle ne me repousse pas, au contraire, sa langue danse langoureusement autour de la mienne tandis que ses doigts caressent ma nuque. Je la laisse choisir quand mettre fin à notre baiser. Moi, je savoure. À mon grand regret, elle s’écarte et me sourit. Elle se tourne vers l’attroupement qui s’est formé derrière nous. En pleine admiration du ciel bleu, sous la verrière, ils ne nous prêtent aucune attention. Je désigne Thomas et Cyril du menton.

— D’après toi, chuchoté-je à l’oreille de ma belle, n’ont-ils toujours pas compris qu’on couche ensemble ?

— Lukas !

Elle panique et s’assure que les ados n’ont pas entendu. Je les appelle et les invite à nous rejoindre.

— Votre chambre se trouve derrière la première porte, après le couloir, annoncé-je en progressant sur le palier de marbre blanc.

Les deux frères se montrent insensibles à la qualité de l’ameublement, comme à la décoration. Le plus jeune teste quand même le confort du matelas en sautillant du fessier dessus, alors que son ainé s’intéresse au salon.

— Les lits une place ont été remplacés il y a longtemps, développé-je en ouvrant les rideaux de velours couleur chocolat. Je suis navré, les gars, mais vous allez devoir partager. Chaque studio possède sa salle de bain, son salon équipé d’une télévision, son espace déjeuné et son minibar. Vous comprendrez que nous n’avons laissé dans celui-ci que des jus de fruit et des bouteilles d’eau.

J’étais persuadé qu’ils ne m’écoutaient qu’à moitié, mais Thomas se jette sur le petit réfrigérateur.

— Manman ! Tu as vu ça, Cyril, ils ne nous ont même pas laissé une bière !

Interloqué, je me tourne vers leur mère, surpris qu’elle les autorise à consommer une boisson alcoolisée, même avec un taux si bas.

Le rappel à l’ordre vocal et le regard indigné qu’elle lui adresse me rassurent. Quant à son frère, il a compris depuis le début qu’il s’agissait d’une boutade. Je suis tombé dans le panneau, ok. Ce dernier, totalement indifférent, m’interpelle :

— Tu as dit à maman qu’il était inutile qu’on ramène notre console de jeux.

— En effet, vous trouverez Playstation, Xbox et Wii dans la salle vidéo. Je vous y conduirai tout à l’heure. En attendant, installez-vous et enfilez vos maillots.

Ma Carly, immobile, admire le tableau qui décore le mur, au-dessus du lit. Je m’approche et me colle à son dos pour la serrer dans mes bras.

— C’est magnifique ! s’exclame-t-elle. Cette toile est si lumineuse qu’elle fait ressortir les couleurs. Cette peinture a un cœur, le lys, et une âme. Elle s’accorde si bien avec les tons de la décoration qu’on la croirait réalisée exclusivement pour cette pièce.

— C’est le cas. Ce triptyque fait partie de la collection Lyslodge* d’une artiste française. Elie, c’est son prénom, était une amie de ma mère. Sa société s’appelle Feux d’artifice**.

— Elle possède un véritable talent ! On ressent à travers son travail tout le plaisir qu’elle prend et toute l’énergie qu’elle y met. Je visualise bien la scène, affirme-t-elle en exécutant de grands gestes gracieux devant un pupitre imaginaire. Et j’entends presque la musique dont elle s’inspire.

Son enthousiasme m’amuse autant qu’il m’émeut. Qu’elle parvienne à voir une femme armée d’un pinceau, en pleine euphorie artistique, dans ces courbes et lignes, me prouve l’étendue de son imagination. Qu’elle puisse comprendre et éprouver les effets de cette frénésie démontre l’étendue de son empathie, parce que moi, je ne distingue qu’une fleur, entourée de bulles et d’étoiles, autour d’une ligne centrale.

— Chaque studio est décorée de l’une de ses toiles, réalisées en exclusivité pour Lyslodge. On visitera son site, si tu veux.

Tu me diras lequel tu préfères et je me ferai une joie de te l’offrir.

— Les garçons, on vous laisse, je préviens. J’emmène votre mère dans sa chambre.

— Elle ne dort pas avec toi ? réagit Thomas, du tac au tac, surpris.

Le benjamin me regarde aussi, vivement intéressé. Je suis seul, sur ce coup là. Carly me dévisage quelques secondes avant de cacher son sourire en baissant la tête.

— On n’est pas débiles, poursuit l’adolescent. On a bien compris que vous sortez ensemble.

Ma belle alterne entre pincement de lèvres et camouflage avec sa main avant de se précipiter vers la porte puis le palier. Je souris bêtement et tourne les talons pour m’enfuir à mon tour.

— Viens, proposé-je, main tendue. Nos appartements sont à l’étage supérieur, Madame.

Je dépose un baiser sur ses lèvres et l’entraine à grandes enjambées au fond du couloir, où nous empruntons un escalier métallique, en colimaçon. Nous débouchons dans le minuscule vestibule qui sépare mes quartiers et ceux de ma sœur.

Je laisse le soin à ma poupée d’ouvrir la porte de gauche, pour mieux apprécier ses réactions. J’espère qu’elle va aimer.



*Collection Lyslodge : Collection de tableaux fictifs, inspirés par les collections de Etincelles de couleurs.

**Feux d’artifice : Nom de société purement fictif, tout comme Elie, le prénom de l’artiste peintre. Vivement inspiré par les réalisations de Etincelles de couleurs et de leur créatrice, Kris.

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