8. Perruque blonde

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Carly

J’aimerai interroger Lukas avant de rencontrer cette femme pour la première fois, mais les battements de mon cœur se répercutent dans tout mon corps et un nœud prend forme dans ma gorge.

— Attends, demandé-je en mettant fin à notre progression quand j’abandonne sa main.

Je respire un grand coup, puis expire lentement. Je répète l’opération plusieurs fois, jusqu’à me sentir suffisamment apaisée pour affronter la harpie et sa copine. Son amitié n’aura finalement pas duré longtemps. Quelle surprise me réserve-t-elle, cette fois ?

La sorcière de sœur fait mine de s’inquiéter en bas des escaliers :

— Lukas, tout va bien ? Tu en mets du temps à descendre !

Mon compagnon répond en râlant, agacé :

— C’est bon, nous sommes là.

Je les vois, toutes les deux. Les mêmes. Sauf que l’une est brune et l’autre blonde. Même coupe soyeuse, même classe, même port altier qui vous fait frémir. Perruque claire est plus grande que son amie. Elle a les yeux bleus, un visage parfait, une silhouette digne d’un mannequin.

— Lukas ! s’écrie-t-elle avec emphase en s’approchant, les bras grands ouverts. Tu m’as terriblement manqué ! Il faut qu’on y remédie, trésor, qu’on se voit plus souvent ! Tu n’es pas d’accord ?

Angie épie son frère et affiche un sourire satisfait. Elle m’ignore complètement. Mon amant accepte l’invitation de blondasse et se réfugie dans son étreinte. Elle pose ses doigts parfaitement manucurés sur les épaules de sa proie tandis que ses mains à lui épousent sa taille fine. Le baiser sonore qu’elle dépose sur la joue de mon homme, trop près de ses lèvres, me hérisse les poils. Ainsi que les cheveux lorsqu’elle écarte sa bouche et que j’aperçois la trace de maquillage sur la joue de Lukas.

Leurs sourires sont éclatants, le regard de l'inconnue, envoutant. Je déglutis avec peine.

— Adeline, ma chérie. Tu n’ignores pas à quel point mes nombreuses activités me laissent peu de temps, n’est-ce pas ? Ton père souffre des mêmes obligations. À propos, comment se porte-t-il ?

Lukas tend enfin la main vers moi, et sollicite ma présence à ses côtés. Je me sens minuscule devant la perruque blonde nichée sur escarpins à talons.

— Il se porte à merveille. Il attend juste ta signature, pour conclure enfin l’accord entre nos deux familles, mon chéri.

Elle accompagne ses deux derniers mots d’une caresse du bout du doigt sur les lèvres du milliardaire, accompagnée d'un clin d’œil aguicheur.

— Je te présente mon amie Carly, commence-t-il en me souriant d’un air rassurant. Elle va passer quelques jours à Las Vegas en comp…

— Voici donc celle dont tout le monde parlait après la réception chez Eloïse ! coupe la créature en me scrutant avec hauteur.

Le ton qu’elle emploie avant de faire demi-tour et de se diriger vers l’intérieur de la maison résonne comme un avertissement. Une menace de quoi ? Angie s’efface dans son sillage, non sans me regarder d'un air triomphant, et je retiens Lukas, le temps d'enlever la trace rouge sur son visage. Mon paréo sera taché, tant pis, au moins la trace laissée volontairement par la blonde aura disparu de sa peau. À mon grand regret, nous empruntons le même chemin. J'aurai préféré retourner là d'où nous venons et éviter les deux clones, même si j'entends les voix surexcitées des enfants. Cette femme est une habituée des lieux pour traverser pièces et couloir sans guide, jusqu’au bord de la piscine où de gigantesques parasols ivoire ont été déployés au-dessus de plusieurs chaises longues. Je frémis à l’idée qu’elle puisse s’être déjà aventurée à l’étage, en particulier dans l’une des suites, sous les combles.

Les jeunes et mes amis ne nous ont pas attendus pour s’installer et les garçons ont démarré une partie de ballon dans l’eau.

Le double d'Angie, de l’autre côté du bassin, nous fait face. Elle défait sa robe portefeuille, sans quitter Lukas des yeux ! Putain, je suis là ! J’ai envie de le lui crier, mais quelque chose me retient. Une répartie très blessante que je pressens ? Je voudrais dire à mon amant de réagir, mais un nœud fait pression dans mon estomac et me coupe le souffle. Notre hôte est tout simplement en train de mater la blondasse ! Elle dévoile un corps parfait, bronzé, décoré d’un bikini aux couleurs vitaminées qui met ses courbes en valeur. Surtout lorsqu’elle se retourne et se penche pour étaler une serviette sur un bain de soleil. Lukas sourit d’un air approbateur. Même les adolescents ne font plus aucun bruit. Ils ont cessé de s’agiter et admirent le spectacle. Même les deux filles lorgnent l’intruse , envieuse d'une telle sculpture.

John regarde, comment s’appelle-t-elle ? Adeline ? John la contemple quelques instants, puis dévisage Lukas, amusé, avant de poser les yeux sur moi. Son regard se fait insistant, sa bouche s’entrouvre, mais ses lèvres ne remuent pas. En l’absence de réaction de ma part, ses sourcils se lèvent tandis qu’un léger mouvement de tête m’invite à me rebeller. J’en suis incapable. Je ne suis pas à ma place ici, ce luxe, cette femme. Elle veut Lukas, c’est sans équivoque. Là, tout de suite, maintenant, je ne me sens pas capable de rivaliser.

Je cherche un appui parmi mes amis. Sybille a chopé sa cigarette électronique et tire dessus, comme en insuffisance de nicotine, ses iris assassins dirigés vers la plus grande des deux sorcières. Paulo est subjugué, il va bientôt baver, totalement indifférent à son épouse qui tapote son épaule. Les yeux de la pauvre Léandra lancent des éclairs en direction de la poupée Barbie, mais aussi sur l’intéressé qui lui sert de mari.

La copine d’Angie s’étale avec grâce sur un transat, tend l’une de ses jambes tandis qu’elle replie l’autre en faisant mine de se redresser pour récupérer ses lunettes de soleil, préalablement déposées sur le guéridon, près d’elle.

J’ai déjà vécu cet arrêt sur image qui n’offre aucune possibilité de rembobiner. En France. Quand j’ai mis le couteau dans les mains de Lukas et que je lui ai demandé de couper l’ananas. Sauf que cet épisode, dans la cuisine, était anodin, comparé à l’humiliation que je suis en train de subir. Comment réagir ? De quelle manière les faire tous sortir de leur torpeur ?

Il parait que le ridicule ne tue pas.

Je quitte ma robe et saute avec fracas et éclaboussures au milieu des baigneurs.

J’ai réussi, toutes les têtes sont tournées vers moi.

Étape suivante…

— Venez dans l’eau, allez les filles ! clamé-je alors que j’arrose généreusement les richegirls qui se redressent en hurlant.

Elles vocifèrent, s’enroulent dans les draps de bain puis Angie me gratifie d’un magnifique doigt d’honneur, alors que l’autre m’insulte en anglais. M’en fous, je ne comprends pas. Je m’arrête quand la blondasse interpelle Lukas, en plein déboutonnage de son bermuda :

— Aurais-tu l’obligeance de faire cesser ton… amie, s’il te plait ? Je suis trempée, maugrée-t-elle, les tétons pointant à travers le cache nénés lorsqu’elle éponge avec sensualité le léger espace entre ses seins.

L'interpellé fronce les sourcils et ratache son vêtement avant de rendre son verdict: :

— Mes amis, je vous propose une visite des jardins, tranche-t-il, main tendue pour m’aider à me hisser hors de l’eau. Il fait un peu moins chaud, ce sera plus agréable.

Il me présente une serviette que je refuse d’un signe de tête avant de répondre à son regard interrogateur :

— Il fait encore bon, je vais sécher à l’air libre.

Je garde volontairement pour moi le reste de l’idée : ma robe, mouillée par le maillot de bain mettra mes formes en valeur. Parce que perruque blonde n’est pas la seule à posséder des atouts corporels. J’en suis pourvue aussi.

— Lukachou, tu serais un amour si tu acceptais d’étaler un soupçon de crème solaire sur mes épaules, intervient perruque blonde en écartant sa longue chevelure pour dévoiler sa peau satinée.

— Si tu veux bien attendre que je m’occupe d’abord de Carly, je n’y vois aucun inconvénient. Autrement, tu peux aussi demander à Angie.

Le dégout s’affiche sur les traits de l’enquiquineuse. Toujours face à nous, elle se recompose un visage, pince les lèvres sous l’effort quand elle tord son bras dans son dos. Le haut du bikini remonte soudain, dévoilant des seins fermes et bien ronds. Lukas secoue la tête et, la main sur ma taille, il me dirige vers l’angle de la maison.

— Au fait Lukas, comment sont les allées du parc ? m’intéressé-je soudain alors que je marque une pause et laisse volontairement nos amis nous dépasser.

— Recouvertes de graviers blancs, pourquoi ?

Je fais alors volte face et m’adresse aux deux pimbêches qui réajustent toujours leurs vêtements de marque.

— Oh mince, les filles ! Je ne saurais trop vous recommander de changer de chaussures ! Les talons ne sont guère adaptés à la pelouse et encore moins aux cailloux. À plus tard.

Ma dernière remarque a bien atteint ses cibles, pour preuve, le regard haineux qu’elles m’adressent, en réponse à mon sourire contrit.

La main de Lukas sur mon épaule, je glisse mon bras à sa taille, ravie de nous avoir octroyé quelques minutes de répit, sentiment assombri par une intense impression de retour de médaille imminent.

En effet, la guerre est déclarée.

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