12. Le programme
Lukas
Après une rapide visite de l’écurie, je libère mes invités afin qu’ils se préparent pour notre première soirée à Las Vegas, et c’est avec soulagement que Je réponds au salut d’Adeline. Elle se déclare navrée de devoir déjà nous quitter, ce dont je ne doute pas, et nous assure tout mettre en œuvre pour nous revoir rapidement.
— Prends ton temps, surtout, ne te presse pas pour nous, envoie l’ourse, exagérément compatissante.
Ce à quoi mon ex-copine répond par un haussement d’épaule condescendant.
Une demi-heure plus tard, je retrouve mon bro dans le salon d’accueil, près du hall.
— Toi aussi tu t’es fait jeter de ta chambre, demandé-je en riant.
— Non. Sybille est allée voir où en sont ses gamins. Pourquoi ? Ta belle t’a foutu à la porte de chez toi ?
— Elle ne veut pas que je la regarde s’habiller et se maquiller, tout le tralala des femmes.
Mon frère baisse la tête sur ses ongles, les examine un instant en effectuant quelques pas, puis se redresse et pose son regard vert, intense, sur moi. Ses yeux scrutent mon visage, et il me demande, hésitant :
— Adeline, la barrière qu’elle érige entre Carly et toi n’est pas un peu haute ?
— Qu’elle essaie d’ériger, John. Carly est intelligente, elle a très bien compris à qui elle a à faire. Pourtant j’ai peur qu’elle n’ait pas les nerfs assez solides face à une femme de la trempe d’Adeline. Quoi qu’il en soit, je la soutiendrai.
Des voix nous parviennent de l’escalier et nous distraient.
— Les voilà, précisé-je.
Sous-entendu, changeons de sujet.
Les garçons ont troqué les tee-shirts et bermudas contre des jeans, polos et vestes, tandis que les minettes ont échangé leurs vêtements d’adolescentes tendances pour des robes et des ballerines aux talons à ras du sol.
— Maman, mes pieds sont trop serrés, râle Killian en secouant la jambe.
— On ne tiendra jamais toute la soirée, ajoute Thomas alors qu’il se laisse tomber dans un fauteuil.
— Lukas, pleurniche Linda, une grimace sur la bouche, le nœud dans les cheveux est vraiment nécessaire ?
Je retiens un rire quand elle se tourne pour me montrer le ruban rose qui noue sa chevelure blonde au niveau de la nuque. Ce genre de coiffure se fait encore ? À cet âge ?
— Ta mère fait ce qu’elle pense être le mieux pour toi, réussis-je à répondre en conservant mon sérieux avec peine.
Deux coupes de champagne à la main, je m’approche de ma poupée et lui en propose une. Qu’elle est belle dans cette robe noire, en velours ! La coupe droite épouse ses formes à merveille et ses escarpins à talons aiguilles mettent en valeur le galbe de ses jambes. Aucun accessoire, aucun bijou. Elle n’en a pas besoin, son sourire et l’éclat de ses yeux remplacent tout artifice.
— Quel est le programme ? s’enquiert Sybille, curieuse.
— Nous allons visiter rapidement le Circus Circus, mais surtout nous allons nous y amuser jusqu’à environ vingt-deux heures, commencé-je.
— On va jouer aux machines à sous ? s’enflamme Thomas.
Sa mère le gronde et lui rappelle qu’il est trop jeune pour s’adonner à ce vice, que son addiction aux consoles vidéo est déjà largement suffisante.
— Rassurez-vous, j’ai prévu autre chose que les jeux d’argent, précisé-je en adressant un clin d’œil à mon bro.
Il soupire et sourit, il a compris.
— Tu t’es assuré des horaires ? ose-t-il me demander.
— John, je suis Lukas Sullivan. Tout est prévu, organisé, dans le moindre détail.
— Comme la surprise Adeline, marmone Sybille, tout bas.
Tout le monde a entendu sa remarque, mais personne ne relève. Je ne laisse pas le blanc s’installer et poursuis, après avoir pris une profonde inspiration :
— Nous nous rendrons ensuite à la Stratosphère, où nous apprécierons la vue un moment, puis où nous dînerons. Et pour finir, nous admirerons Las Vegas à 168 mètres de haut.
— Mais, quand allons-nous diner ? s’inquiète Leandra. L’heure est déjà avancée et si nous pratiquons des activités avant, les restaurants vont être fermés !
John se charge de la rassurer. Il lui explique que c’est la nuit qu’on découvre Las Vegas et que ses enfants ne vont pas mourir de faim.
Kevin m’avertit que les voitures sont prêtes et j’invite ma bande à se diriger vers elles.
— Ta sœur ne vient pas ? s’étonne Paulo en jetant de furtifs coups d’œil vers l’intérieur de la maison.
Est-il surpris ou intéressé ? Elle est une belle femme, superficielle, mais très belle.
— Je l’avais oubliée, avoué-je en riant. Angie !!! On y va !!!
Comme d’habitude, elle se fait attendre.
— Manman ! Une limousine ! s’exclame le fils de l’ourse, sur le perron.
— Ne rêve pas mon frère, ce n’est pas pour nous, maugréé sa sœur en nous désignant du menton, Carly et moi.
Même si la réflexion de la gamine énonce une certaine logique, ce n’est pas tout à fait ce que j’avais prévu. J’entoure les épaules de mon bro avant de fournir quelques explications :
— Nous ne tiendrons pas tous dans le Suburban. J’ai donc jugé préférable de louer un autre véhicule. Avec chauffeur, tant qu’à faire.
— Il n’y avait pas moins voyant ? critique déjà le fauve.
Je l’ignore. Jamais contente celle-là. En particulier quand les propositions viennent de moi. Hélas, elle n’en a pas terminé avec moi et continue son interrogatoire :
— Vous avez bien deux chauffeurs ? J’ai vu plusieurs voitures dans le sous-sol.
Ma patience atteint ses limites et je grince des dents quand je lui réponds :
— Même avec le Suburban, un autre de nos véhicules n’aurait pas été suffisant, Sybille. J’ai également donné sa soirée à Ryan. Autre chose qui te déplairait ?
Tandis que les autres se réjouissent, je reprends, nullement impressionné par sa mauvaise foi :
— L’ivresse au volant est sévèrement sanctionnée, alors ne prenons pas de risques.
— Sans oublier qu’on pourrait renverser et tuer un innocent, souligne encore la bête en appuyant sa remarque de ses sourcils levés.
Les dents serrées, je me tourne vers mon bro pour fulminer :
— John, pourrais-tu demander à ton chien de garde de me laisser finir !
Il vaut mieux qu’il s’en charge lui-même car si je devais faire taire cette ourse de mauvais poil, je risquerais fort de montrer extrêmement impoli.
Je savais pouvoir compter sur lui. En effet, il prend aussitôt cette femelle par la taille et s’exécute :
— Ma biche, laisse tomber et profite de la soirée.
Je ne comprendrai jamais où est la ressemblance avec une biche, d’autant plus que Carly semble plutôt partager mon point de vue puisqu’elle pose un regard appuyé sur sa copine. Je patiente encore quelques secondes pour m’assurer que le message soit bien passé puis soupire de soulagement avant de reprendre la parole :
— Nous alternerons. De cette manière, tout le monde aura le loisir de découvrir le confort de ce carrosse. À qui l’honneur ?
Les enfants voudraient partager ce moment ensemble, « tel un groupe de musique connu », disent-ils, et Leandra avoue être tentée par cette expérience grisante. D’un commun accord, nous acceptons de laisser les ados découvrir les premiers le plaisir d’une arrivée remarquée à Las Vegas. Angie souhaite visiblement faire partie de l’intérêt journalistique puisqu’elle daigne enfin apparaitre et se précipiter vers l’habitacle où elle s’engouffre avant les jeunes, sans autre considération.
J’avais prévu de leur tenir un petit discours sur l’interdiction de toucher aux alcools, mais je me ravise. Le fait d’insister ne poussera-t-il pas leur curiosité ? Ne les incitera-t-il pas à la désobéissance ? À leur âge, je l’aurais pris comme une règle à transgresser, c’est certain.
Ma belle pose avec délicatesse l’index sur mon menton et dépose un baiser sur mes lèvres.
— Pas de roses aujourd’hui ? demande-t-elle en m’adressant un clin d’œil.
— Non, pas aujourd’hui, ma chérie. Ces fleurs m’ont marqué, tu te rappelle ? Je conserverai leurs traces à vie.
Elle caresse mon torse à travers la chemise, glisse discrètement un doigt entre les boutons, puis rencontre ma peau. Je frémis.
— Allons-y, commandé-je.
Avant que je ne change d’avis et que je ne décide de rester ici.
*****
Les chauffeurs s’arrêtent près de l’aéroport pour nous permettre de faire une séance photos sous le fameux panneau « Welcome to Fabulous Las Vegas ». Séance que j’avais prévue en dix minutes, quinze max, mais qui s’éternise puisque chacun cherche le cliché parfait. Même moi, je me prends au jeu, pour ma poupée.
Nos conducteurs s’élancent ensuite sur le strip, émerveillant mes amis qui ne savent pas où donner de la tête, éblouis par les lumières, impressionnés par la largeur des bâtiments ou par leur architecture, quand ce n’est pas par leur hauteur. Ils n’ont guère le temps d’admirer les fontaines, mais nous y reviendrons. Ils écarquillent les yeux en reconnaissant la reproduction de la statue de la liberté et sont ravis quand apparait celle de la tour Eiffel.
Ce soir, nous nous rendons dans des établissements riches en divertissements. Quelques flashes, attirés par la limousine, nous reçoivent à notre arrivée aux abords du premier casino et c’est alors que je la vois. Adeline ! Elle sort du hall et vient vers nous, tout sourire, les bras écartés. Indifférente à Carly et à nos doigts entremêlés, elle m’enlace, pour le plus grand plaisir des paparazzis. À contrecœur, j’abandonne la main de ma belle pour déposer la mienne dans le dos de sa rivale.
— Je vous attendais ! s’exclame la fille de Robbie.
— Comment as-tu su que nous venions ici ? demandé-je, surpris.
Mes projets pour la semaine sont restés secrets. Aucune de mes connaissances, aucun de mes proches n’était dans la confidence, pas même John ou ma soeur.
— Aurais-tu oublié à qui appartient cette société ? me rappelle-t-elle en caressant discrètement mon bras sans me quitter des yeux. Angie m’a avertie que vous arriviez lorsque vous attendiez vos amis, à l’aéroport. Au fait, depuis quand abandonnes-tu la limousine aux autres ?
Comment ma sœur a-t-elle deviné mes intentions ? Avant même que j’ai retouvé Carly, en plus. Depuis quand je moque-t-elle de moi ainsi ? De quoi d’autre est-elle au courant ?
Carly, à l’avant, près de ses enfants, franchit déjà les portes du casino. J’abandonnerai le bras d’Adeline dès que nous serons à l’abri, à l’intérieur, nous aussi. Kevin et Ryan prêteront main forte aux vigiles pour tenir les photographes dehors.
Annotations
Versions