13. Circus Circus / Adventuredome
Carly
L’édifice qui nous fait face est splendide, on dirait le chapiteau d’un gigantesque cirque. Son avancée, éclairée de milliers de lumières annonce Circus Circus. Logique.
Subitement, une femme à la voix cristalline, bras écartés, attire mon attention. Adeline ! Elle s’approche rapidement de nous et fixe Lukas en souriant. Les muscles du milliardaire se tendent, la pression de ses doigts sur ma peau se fait plus forte. Parvenue à notre hauteur, elle étreint mon amant, sous les flashs énervés des reporters photographiques. Sa bouche frôle l’oreille du milliardaire lorsqu’elle lui parle, et alors que leurs regards se croisent, ses lèvres brillantes, parfaitement dessinées s’entrouvrent avec sensualité en même temps que ses paupières se lèvent comme si elle était émerveillée.
Cette peste va me mener la vie dure, je l’ai bien compris. Elle rappelle à l’homme qu’elle convoite à quel point ils sont assortis, et m’ignore complètement, encore une fois. N’y aurait-il pas une fontaine dans laquelle la pousser ?
Je décide d’ignorer cette nouvelle provocation et me réfugie auprès des enfants, puisque Lukas m’abandonne pour se pavaner devant les photographes avec la blondasse. Je refuse de laisser voir mon humiliation. Les nerfs en pelote, j’essaie de me concentrer sur ce décor fascinant, à commencer par les voituriers qui réceptionnent les véhicules des clients, pour les garer… sur un parking ? Dans un garage ?
Des portes vitrées leur ouvrent le passage vers l’antre du casino. Nous leur emboitons le pas, les yeux écarquillés.
Les paparazzis n’ont pas eu l’autorisation d’entrer et le milliardaire a quitté perruque blonde pour revenir à mes côtés. Une caresse sur le visage, un tendre baiser et une excuse qui m’a parue sincère, déclarée les yeux dans les yeux, ont suffit à apaiser ma tension, mais aussi l’inquiétude que je lisais dans son regard.
Nous suivons le guide, Lukas, à travers les salles, les restaurants et les boutiques. La quantité de machines à sous m’impressionne. On en trouve dans chaque salon, chaque couloir, chaque recoin. Après avoir franchit quelques marches, nous croyons être arrivés dans une zone de restauration, mais là encore, les appareils attirent l’œil, avec leurs lumières clignotantes.
Plus loin, un panneau lumineux indique la direction de Midwayland. Nous empruntons un couloir qui nous mène à… une fête foraine ! Remplie d’attractions pour enfants telles que pêche aux canards, pinces à peluches, jeux d’arcades et de simulation, elle abrite aussi des tables de palets et autres divertissements. Les filles et moi restons un moment en admiration devant un spectacle de voltige, tandis que les jeunes et les américains disputent une course de chevaux à quelques pas. C’est en les entendant crier que je me rends compte de l’ambiance différente de ce quartier dédié aux plus jeunes. Les « espaces machines à sous » sont beaucoup plus calmes, la musique classique diffusée à peine recouverte par quelques voix, par-ci par-là.
Soudain, les bras de Lukas entourent ma taille quand il se colle à mon dos.
— Qu’est-ce que tu en penses ? me demande-t-il, doucement. Le casino est à ton goût ?
— Pourquoi, c’est le tien ?
— Non. Celui-ci appartient au groupe de la famille d’Adeline.
— Arf, il est affreux. Viens, on s’en va avant de s’ennuyer.
Mon richeman préféré pouffe dans mon cou et je me tourne pour rire avec lui. Il reprend son sérieux et me regarde d’une manière intense, brûlante, avant d’incliner la tête et de m’embrasser avec douceur. Je me laisse aller à explorer sa bouche en gémissant de plaisir. Il me serre, me rapproche de son corps autant qu’il le peut. Mes ongles se contentent d’effleurer sa nuque, pour ne pas briser la tendresse de notre étreinte.
— C’est dégueulasse ! s’écrie Angie, derrière nous, grimaçante, les mains sur les yeux.
Sa copine, l’effet de surprise passé, me regarde avec un mépris dont je me moque éperdument. Pour l’instant. Encore sous le charme de notre complicité et de notre élan d’affection, je presse mon amant :
— Alors, quelle est la surprise que tu nous as concoctée, mon cœur ?
Un éclat brille subrepticement dans ses yeux, aussitôt effacé par un clignement de paupières.
— On bouge, avertit-il d’une voix un peu forte.
Main dans la main, il m’entraine à pas rapide dans l’allée suivante, me laissant juste le temps d’adresser un signe de tête à Leandra pour qu’elle avertisse notre progéniture.
La visite se prolonge et nous arrivons devant un splendide carrousel. Nous ne nous y attardons pas, malgré sa splendeur. La magie n’opère plus sur nos enfants, ils sont déjà trop grand pour apprécier les chevaux de bois et se prendre pour des chevaliers. Les filles, elles, préfèrent prendre la pause devant leurs écrans que de jouer à la jolie princesse dans son carrosse.
Nous poursuivons notre chemin, entre les machines à sous qui défilent, les allées de magasins, les fast-food. Nous nous arrêtons quelques minutes devant une boutique qui pratique la fish pédicure. Des frissons me parcourent à l’idée que des poissons mangent quoi que ce soit sur mon corps, mais la main de Lukas m’apaise quand sa pression sur mon épaule se fait plus forte.
Un couloir débouche sur un hall de réception au comptoir interminable. Sûrement pour les deux tours qui trônent à l’arrière du casino. Nous longeons encore beaucoup de vitrines, et grimpons de nouvelles marches qui nous conduisent au premier étage. Des tables, devant les caisses d’un nouveau snack-bar nous accueillent. Les deux sorcières sur échasses nous suivent avec peine parce que Lukas prend un malin plaisir à progresser d’un pas rapide. Moi aussi je porte des talons ? Pas du tout. Ces quelques mois de séparation m’ont permis d’effectuer quelques recherches, et je me doutais que nous visiterions la ville des pêchers. Aussi, j’avais prévu et laissé mes ballerines dans un tote-bag dans la voiture.
Nous dépassons des barrières de sécurité qui nous empêchent d’approcher de hautes montagnes, à quelques mètres. Encerclées de structures métalliques, elles laissent échapper de leurs entrailles des cris humains. Me reviennent en mémoire les fêtes foraines avec les attractions du genre manoir hanté, devant lesquelles je pouvais hésiter à entrer durant de longues minutes. Un ciel rose entoure cette improbable mise en scène et je m’attends presque à voir surgir des corbeaux, oiseaux de mauvais augure.
— Tout va bien ? me demande Lukas, l’air inquiet. Tu ne dis rien.
— Je suis seulement époustouflée par la multitude de divertissements, le réalisme et la beauté de chaque élément de ce casino. J’en prends plein les yeux !
L’éblouissant sourire avec lequel il me répond achève de me ramener à la réalité.
— Ne le dis pas trop fort, Adeline pourrait t’entendre et grossir encore du melon.
Il s’arrête un peu plus loin et échange quelques mots avec un employé qui s’écarte pour nous laisser passer.
Ce que j’ai pris pour un ciel rose n’est rien d’autre qu’un dôme sous lequel se cachent les manèges à sensation dont les wagons parcourent les rails et dans lesquels les visiteurs expriment fortement leur montée d’adrénaline.
Mes amis et moi observons le spectacle, interdits. Les enfants, eux, sont en extase.
— On peut choisir ce qu’on veut faire ? espère Killian, les yeux brillants d’excitation.
— Bien sûr. Non seulement vous pouvez choisir, mais vous pouvez essayer chaque attraction et recommencer autant que vous voulez, assure Lukas. Ils ferment à vingt et une heure le dimanche, normalement, mais j’ai négocié une soirée spéciale avec pass infini et fermeture à minuit. Profitons, n’attendons pas !
L’euphorie des jeunes est communicative et je prends autant de plaisir qu’eux à attendre qu’ils passent devant l’objectif pour les photographier ou démarrer des vidéos. Je veux qu’ils conservent un souvenir mémorable de leur séjour.
— Lukas, love, j’aimerai bien faire le tour du parc à bord du Canyon Blaster, mais il m’impressionne toujours autant, geint perruque blonde. Tu veux bien m’accompagner et être mon voisin de nacelle, s’il te plaît ?
Il fronce les sourcils alors qu’elle s’agrippe à son bras, celui auquel je ne suis pas moi-même accrochée.
— Comme avant, murmure-t-elle encore assez fort pour que je l’entende.
Elle accompagne sa supplication d’une mimique implorante, à laquelle Sir Sullivan répond par un sourire contrit, avant de se montrer impitoyable :
— Dans ce cas, tu devrais plutôt attendre devant. Tu pourrais même nous prendre en photo, qu’en penses-tu ?
Je me détourne pour cacher l’éclat de rire qui menace d’exploser, si bien qu’au moment où Lukas m’invite à approcher du train, j’aperçois le dos de la sorcière, plus loin.
Les enfants et nos amis nous ont suivis. Nous laissons passer des touristes asiatiques afin de réunir notre groupe dans le même train. Hélas, Lukas veut encore patienter jusqu’au prochain voyage pour profiter des premières places, tout devant.
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