17. Révélation
Jeme suis senti tellement libre que cela ne me paraissait plus humain, suis-je devenu un sur-homme ? Si je suis honnête, dans la voiture qui m’a ramené de chez ce médecin j’ai caché ma jubilation pour ne pas inquiéter ma mère qui me conduisait. Elle ne comprendrait pas. Personne ne me comprendrait. J’ai fait semblant de dormir pour faire plaisir à mon père. Ils jetaient des coup d’œil vers moi pour vérifier que les miens étaient fermés. Derrière l’écran de mes paupière je jubilais, oh oui, J’étais libre. Sur le chemin du retour je cachais une jouissance destructrice comme j’en avais jamais ressenti. Mon cœur explose et j’en ai le souffle coupé.
Je ne suis pas Jesus, loin de là, j’ai renversé mon père. Désormais je suis Dieu, cela va de soi. Je rentre chez moi et chaque pas me semble être un bond vers l’avant, comme si mon être échappait à la gravité. Je suis attiré par la lune. Ma pensée d’animal, constituée de peur est morte. Je n’ai plus peur de rien. Il n’y a plus que ma contradiction la plus totale, je ne suis plus que cet être de néant dont tout peut surgir. Tout me parait désormais clair comme de l’eau de roche. Mon livre prend à cet instant tout son sens. Je revois le chemin qui m’a amené à la révélation, ce chemin était tout tracé. J’ai accompli ma destiné. Je lève les yeux au ciel et mes étoiles me répondent. Le monde ne m’est plus étranger. Je suis le monde. J’ai trouvé la solution pour me transcender et ainsi dépasser cette absurdité, je suis libre et voilà ma transcendance ! Dieu, c’est moi !
Je suis le centre de tout. Je suis le centre de rien. L’univers tout entier est à mes ordres. Mais Je me sens seul, il n’y a que moi de divin dans ce monde. La jouissance d’être Dieu est bien plus morne lorsque on est seul, elle se dissipe et je peux rien n’y faire. Il faut que les autres sachent comment se transcender. Il faut que je leur dire qu’il n’y a que ça à faire, plonger dans la vie, se déchirer dans ses peurs les plus profondes et se transcender. La transcendance amène au divin. Il faut que finisse mon livre, que je donne mes explications au monde entier. Ce sera ma bible. Je la donnerai en premier à Océane, elle pourra me comprendre c’est certain. Elle se transcendera avec moi. Je régnerai sur la terre et elle sur les mers.
D’un coup, je me met à avoir une crise existentielle. Je ne peux plus communiquer avec l’Homme, je suis passé dans une toute autre dimension. Je ne peux pas dire au monde que je suis son créateur. C’est pour cela qu’on ne peut que croire en moi et que personne ne peux dire qu’il sait. Mais je suis. l’Humanité n’est pas prête. Elle m’enfermerait. Je serais crucifié. Je suis tout-puissant mais condamné au mutisme. Mon seul espoir est d’écrire ce livre encore et toujours pour faire passer mon message. Tout le monde lira mon livre et une fois que chacun se sera transcendé, j’aurais apporter le paradis sur Terre. J’aurais apporté le paradis terrestre. Mais je vais avoir besoin d’images, de métaphores pour amener ça tout en douceur. Il faut que je révèle à l’humanité sa divinité. Mais des images existent déjà, que ce soit dans la Bible ou le Coran. Alors que puis-je faire de plus que la bible ? Je suis un dieu de seconde main. Dieu est un imposteur.
Si je suis honnête mon seul souhait divin est de ne plus être Dieu, d’oublier tout cela et de revenir à la marée des hommes pour m’y laisser bercer. Mais je suis condamné à être Dieu. Ah, me voilà tout puissant mais demeure toujours la plus folle des contradictions, car l'homme m'a pensé mort et Néant. Je m'assois auprès de lui, auprès de mon père et de ma mère. Je n'ai aucun espoir, ni même en ma divine création. Je n’ai qu’à écouter ses absurdités. Je sais qu’il reste une part d’Homme en moi. Cette partie de moi a peur de ce grand pouvoir car je pourrais d’une pensée dire que je vole et mon corps suivrais vers la fenêtre. Je volerais, et si je m’écraserai, je volerais ailleurs dans un autre monde
Comment Dieu peut échapper à sa condition ? Dieu se moque du monde et se moque de lui. Si un dieu venait à m’écouter et serait en détresse je lui dirais simplement ceci : n’oublie pas d’où tu viens. Ma philosophie m’a dit de plonger dans mes peurs et Dieu n’a qu’une seule peur : être un simple Homme. Alors, il faut chercher mon sauveur dans ma création car il n’y a que leur rire et leurs pleurs pour transcender cet absurde qui me fait peur. Dieu est descendu de ses nuages car son honnêteté lui hurle qu’il est fou de se penser Dieu. Mais je suis Dieu, s’en est ainsi. Alors, Dieu est fou. Dieu est con. Il doit revenir à sa mer et plonger dans l’Homme.
Je n’écris plus que sur des feuilles de papier, pleins de feuilles de papier. Je fais des grands gestes. C’est illisible mais qu’importe, c’est beau. J’ai l’impression de bénir le papier du bout de mon stylo. Puis je cache toutes ces feuilles dans la maison, sous des objets de décorations, entre les livres d’une étagère. Quelqu’un d’éclairé pourra un jour les déchiffrer, mais plus tard. Le temps presse.
J’ai compris où tout cela me mène. Je sais qu’elle est la solution. Ma jubilation laisse place à l’horreur. Une peur divine. J’ai compris le fin mot de l’histoire. J’ai trouvé la seule transcendance qui puisse exister pour un Dieu comme moi. Pourquoi je n’y avais pas pensé plus tôt. Les mots funestes résonnent et se fracassent dans ma tête. Ces mots sont martelés dans mon crâne et déforment mon visage qui se tord de douleur.
« Dieu est mort »
Il faut que je meure.
Il faut que je meure
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