Les ruisseaux étincelants s'imposèrent immédiatement à lui et il les suivit. Il profita du trajet pour les observer. Il en distingua trois principaux alimentés par de multiples affluents les liants entre eux. L'ensemble formait un triangle et se rejoignait au sommet. Lorsque Vyrian l'atteignit, il attribua les deux autres types d'énergie au Monde Historique et Numérique. La première énergie lui semblait terriblement familière, raison pour laquelle, il l'avait attribué au monde ayant le plus de ressemblance avec le sien, quant à la seconde énergie, elle lui paraissait bien plus corrosive, ce qui correspondait avec l'état du Monde Numérique.

Vyrian ne put s'empêcher de penser à Numyrhis, l'énergie du Monde Mythique semblait venir de lui fournir la réponse à sa question : la légende était vraie, les trois mondes étaient issus du sien. La suite de son voyage le conforta encore plus dans cette idée lorsqu'il vit les trois ruisseaux fusionner et les énergies se mélanger. Il les suivit et découvrit un nouveau paysage. Vyrian reconnut la pièce dans laquelle il avait vécu six années, plongé dans un état de transe suite à la mise en place du projet Télépathie® dont il avait été responsable.

Depuis son départ et l'absence de Mère, le lieu s'était bien dégradé, les moniteurs mesurant les signes vitaux des survivants étaient couverts de poussière et il était à peine possible de lire les informations affichées à l'écran, les corps des survivants lui paraissaient plus que jamais mourants, quant à Mère, elle n'était plus qu'une carcasse vide. Ses écrans, qui autrefois affichaient, en continuent les informations récoltées et analysées de la santé physique et psychique de son peuple étaient éteints, tout comme son processeur. Durant ces années, il s'était habitué à entendre le bruit de son ventilateur, lui aussi à l'arrêt.

Ce spectacle lui faisait de la peine. Au fond de lui, il avait espéré qu'une part de Mère réside en ces lieux et puisse le guider. N'ayant plus rien à espérer du robot, Vyrian détourna le regard et se concentra sur les moniteurs des survivants. Après plusieurs essais, il parvint à déchiffrer l'information qui l'intéressait et prit peur. Là en haut à gauche de l'écran dans un encadré pas plus grand qu'une dizaine de centimètres se trouvait la donnée dont dépendait la survie des siens.

Vyrian relut plusieurs fois l'information espérant se tromper à chaque lecture, mais il n'eut d'autre choix que d'accepter les chiffres se tenant sous ses yeux : il ne restait qu'à peine cinq cents survivants. Ce résultat le fit grimacer.

Une estimation avait été faite avant le lancement du projet Télépathie®, pour qu'une espèce survive cinquante individus suffisaient à éviter la consanguinité et les malformations liées au mauvais brassage génétique. Cinq cents personnes étaient nécessaires pour conserver un potentiel évolutif. Sous cette barre, la population était considérée comme ne pouvant survivre dans la nature, sauf si elle bénéficiait de mesures de protection telle que la reproduction en captivité.

Cette prédiction n'était en rien absolue, de nombreux autres facteurs étaient à prendre en compte. Mais Vyrian ne pouvait s'empêcher d'être inquiet quant à la survie des siens. Le nombre de survivants avoisinait le seuil minimum pour assurer la pérennité d'un peuple. Passé ce stade, même s'ils se réveillaient, la croissance démographique serait insuffisante et ils finiraient par mourir sans successeurs.

Vyrian regarda une nouvelle fois Mère et tenta de trouver parmi ses connaissances les instructions nécessaires pour relancer le robot, mais lorsqu'il y parvint, il ne vit aucune différence. Mère était définitivement partie, laissant les siens derrière elle.

Avec un soupir, le scientifique s'approcha des corps et étudia les visages de ses congénères, ils semblaient si paisibles alors qu'il connaissait leurs pensées torturées. Après une inspiration, il se décida à toucher l'esprit du survivant le plus proche. Il fut immédiatement transporté dans les entrelacs des pensées des survivants, mais contrairement à ce qu'il s'attendait, le débit de pensées était calme, voire inexistant par moment.

Après une hésitation, il se décida à communiquer avec eux et leur fit parvenir des images des arbres de nuit du Monde Mythique, dans le but d'attiser leur curiosité. Il se remémora les fibres luminescentes sortir de terre et s’entremêler tissant le tronc d’un arbre puis ses branches et enfin ses feuilles, pour former une rangée d’arbres étincelants. Il leur montra la lumière émise teinter les murs des habitations et attendit leurs réactions, mais rien ne se produisit.

Devant leur manque de réaction, il leur présenta la vallée dans laquelle se trouvait la Confrérie des Sages et les statues mouvantes qui la protégeait, mais là non plus, il n'obtint pas plus de réaction. Il réessaya une nouvelle fois et cette fois, il leur fit part des images des Miliciens, de Feyna, Declan, Djima, Pitchi, Wikee et Exe. Il espérait que la diversité des membres du groupe et l'étrangeté des créatures les fassent réagir, mais une fois de plus, il n'obtint pas de réaction.

Découragé, il se retourna vers Mère et s’y intéressa de plus près. Lorsqu’il la regardait ainsi, elle paraissait en veille, le piratage bien que violent n’avait laissé aucune trace. Ce détail lui fit se remémorer les hypothèses qu’il avait fait au sujet du Capitaine. S’il venait bel et bien de son monde, alors il se trouvait au bon endroit pour obtenir des preuves. Sans un regard pour les siens, il s’en détourna. Ollesty le perçut et intervint.

— Que faits-tu ?

— Le plan ne semble pas avoir marché, c’est donc une course contre la montre. Je n’ai pas de temps à perdre, je compte bien trouver les réponses à mes questions.

Sans plus d’explication, Vyrian visualisa un nouvel endroit et s’y déplaça par l’esprit.