Chapitre 2 Mara

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Comme d’habitude, la garderie Yiga, ou la Yigarderie, comme disait la mère de Kohga, vibrait d’agitation. Alors même que Kohga et son père étaient à bien cinquante mètres de la garderie, ils entendaient déjà des cris, des disputes et des rires joyeux. Kohga s’arrêta net.

- J’veux pas y’aller ! lança-t-il

Son père, l’air gentil mais agacé, lui prit la main.

- Kohga, je ne peux pas m’occuper de toi aujourd’hui, je suis en mission et tu le sais très bien.

- Et si j’viens avec toi ?

- Si tu venais avec moi, on devrait faire le chemin à pied. Le camp de Firone est à plusieurs jours de marche. Ils ont besoin de moi aujourd’hui… Je ne vais pas t’amener sur le champ de bataille, tu n’as même pas commencé l’entraînement…

- Je suis grand maintenant, j’ai six ans ! Et puis une fois, j’ai utilisé une épée, objecta Kohga.

- La fois où ta mère a dû faire des heures supplémentaires parce que tu avais failli te couper un doigt ? C’est à celle-là que tu penses ?

- Euh... Peut-être bien que oui…

- C’est bien ce que je dis. Désolé, mais tu ne peux vraiment pas venir avec moi.

- Avec maman, alors ?

- À l’infirmerie ? Tu t’y ennuierais ! Et puis je crois me souvenir que rien que de penser à du sang ou à des remèdes te donne envie de vomir. Si tu vas là-bas, tu risques d’en voir pas mal.

Son père marquait un point. À court d’arguments, il abandonna. Tant pis, il irait à la garderie.

Un peu à contrecœur, Kohga se remit à marcher. Ils arrivèrent quelques minutes plus tard. Une petite Yiga un peu ronde les accueillit. Sans que Kohga puisse réagir, elle lui attrapa la main et commença à la secouer vigoureusement de haut en bas.

- Tu dois être Kohga, lâcha-t-elle d’un ton enthousiaste, lui secouant la main de plus en plus vite. Ton père m’a beaucoup parlé de toi, il dit que tu feras un chef extraordinaire ! Moi c’est Belle, je suis responsable de la garderie, enfin de la Yigarderie, comme dit toujours ta mère. Comment qu’elle s’appelle déjà ? Marisha ?

Elle avait déballé tout cela très vite, de sorte que Kohga avait à peine compris.

- Marika, corrigea le père de Kohga

Comme si elle venait de le remarquer, Belle se tourna dans sa direction, marmonna un timide « Chef », puis s’inclina en une révérence maladroite, lâchant enfin la main de Kohga.

- Tu veilles à ce qu’il ne se blesse pas, en cas de pépin, tu peux l’amener à l’infirmerie. Si vous faites un goûter, veille à ce qu’il ne boive pas de jus de raisin, ça lui donne des boutons, fais-lui faire une sieste, si les autres Yiglings l’embêtent, tu agis directement.

Le chef du Clan s’interrompit un instant pour reprendre son souffle, puis recommença ses recommandations :

- Pendant le repas, vérifie qu’il ne mange pas trop, histoire d’éviter qu’il soit malade, ce serait dommage, s’il fait quand même une ingestion, pardon, une indigestion, tu lui donnes une tasse de remède enduro, attention il déteste ça, si ça ne passe pas tu l’accompagnes à l’infirmerie, s’il se passe un quelque chose de grave, tu m’écris, d’accord ?

Belle acquiesça d’un air perplexe, déjà un peu perdue par toutes ses indications.

- Merci, tu me sauves la vie, lâcha finalement le chef, avant de tourner les talons et de partir, sifflotant un air au hasard.

Voyant l’homme s’éloigner, Belle soupira de soulagement.

- Pfiouh ! Mais quel papa poule, celui-là ! Entre lui et sa mère, je ne saurais pas qui est le pire… Allez, viens !

Sur ce, elle attrapa le poignet de Kohga et, d’un pas sautillant, le traîna à l’intérieur de la Yigarderie.

L’endroit était exactement comme ce que Kohga avait imaginé. Grand, clair, et surtout beaucoup trop bruyant. La garderie, extraordinairement vaste, s'étendait sur deux étages reliés en plusieurs endroits par des cordes, des échelles, des murs d’escalade ou d’étroits escaliers en colimaçon. La lumière donnait aux murs de sable un aspect doré. Dans tous les coins, des Yiglings d’entre trois et dix ans jouaient à chat, à cache-cache, à grimper aux murs, à se déguiser ou à se battre avec de faux sabres, serpes et épées en bois. Kohga avait à peine passé la porte qu’une Yigling minuscule apparut derrière lui et lui sauta dessus. Mara. Kohga sursauta bruyamment et se retourna.

- Salut Kohga ! T’es pas en « mission », comme tu dis ?

Les « missions » de Kohga, comme il disait, consistaient à se promener et à fouiner dans le repaire, à vérifier que tout se passait bien, à aller chercher des choses pour ses parents… et à s’attirer des problèmes. Beaucoup de problèmes.

- Salut Mara, répondit Kohga. Non, mon père est pas là, ma mère travaille et ils voulaient pas que j’aie encore des soucis alors ils m’ont mis ici et…

À quelques mètres des deux amis, un Yigling descendit du mur d’escalade et salua Kohga d’un ton moqueur.

- Vasaaq à toi, gros Kohga, et tu diras sav’otta de ma part à ta Gerudo de mère !

Kohga plissa le nez d’un air agacé. Des moqueries. Encore des moqueries. Toujours des moqueries…

Soudain, quelque chose siffla dans les airs et frappa derrière la tête le moqueur, qui tomba à genoux en gémissant de douleur. Kohga s’approcha lentement et ramassa une serpe en bois presque pliée en deux. Il se retourna. Un sourire complice se devinait sous le masque de Mara. Kohga hésitait entre rire et se fâcher. Heureusement, il n'eut pas à choisir.

Belle accourut, prit la serpe des mains de Kohga et se tourna vers Mara. Elle n’avait plus rien de la petite femme enjouée que Kohga avait rencontrée il y a quelques minutes.

- Non mais sérieusement ! Tu n’as que ça à faire ?!

Furieuse, elle lui agita la fausse arme sous le nez. L’objet était quasiment plié en deux, et surtout inutilisable.

- Non mais regarde ça ! C’est complètement fichu ! J’ose espérer que ce n’est pas le cas de ton camarade, sinon tes parents vont en entendre parler ! Et d’ailleurs, j’aimerais que tu m’expliques pourquoi, mais alors pourquoi tu as fait ça ?

Sur ce, elle inspira profondément et sembla se calmer. Le Yigling moqueur tenta d’en profiter pour s’échapper, mais Mara, qui l’avait remarqué, justifia son comportement :

- Il s’est moqué d’Kohga !

- Moqué ? demanda Belle. Moqué comment ?

- Il l’a appelé « Gros Kohga » et il a traité sa mère d’Gerudo et pis il lui a dit d’lui dire sav’a… non, sawott… pardon sov’ott… euh… Non, c’est pas ça… Savatt’a…

- Sav’otta, corrigea Kohga

- Oui, c’est ça. Sav’otta.

- Et ça veut dire ?

- Bonjour. En Gerudo.

La responsable de garderie parut moitié surprise, moitié scandalisée. Profitant de ce moment de distraction, le Yigling malpoli se releva et…

Belle se retourna, attrapa le moqueur par le col et le posa délicatement devant elle, ce qui était difficile au vu de la manière dont elle tremblait de colère.

- Comment tu t’appelles, toi ?

- Toni.

- Toni, si je te reprends à te moquer, je préviens tes parents et quelque chose me dit que tu vas passer un sale quart d’heure…

- Ah non hein, pas mes par…

Il n’avait pas fini sa phrase qu’il s’écroula.

- C’est plus grave que je ne pensais. Mara, ta punition consistera à l’accompagner à l’infirmerie et à veiller sur lui jusqu’à son total rétablissement.

Sur ce, Belle tourna les talons et partit.

Le reste de la journée se passa relativement bien. Kohga fit cinq combats à l’épée, qu’il perdit tous avec panache. Il s’écrasa lourdement sur les tapis en bas du mur d’escalade et fit une partie de cache-cache, qu’il remporta haut la main.

Le dîner était essentiellement composé de pancakes à la banane, accompagnés de compote de banane, de sirop de baies et de jus de raisin, que Kohga n’eut pas le droit de boire. Après le repas, ce fut l’heure de la sieste pour les plus jeunes Yiglings. La plupart se couchèrent sans rechigner, mais Kohga se sentait plein d’énergie et n’avait pas du tout envie de dormir.

Certains utilisèrent une technique de camouflage Yiga pour se rendre invisibles, mais Belle avait été entraînée à distinguer le léger scintillement indiquant la présence d’un Yiga camouflé.

D’autres grimpèrent aux murs, le plus haut possible, mais dès que la responsable de la Yigarderie leva les yeux, ils furent attrapés.

Kohga, lui, eut la meilleure idée au monde: avisant un tas de coussins et de couvertures du même rouge que son uniforme dans le coin de la pièce, il s’enfonça dedans tête la première, jusqu’à la taille. Belle le chercha une dizaine de minutes, avant d’abandonner. Kohga, toujours à moitié recouvert de coussins, commençait à trouver le temps long. Finalement, ce n’était peut-être pas une si bonne idée. Mais hors de question de se rendre. Un, parce qu’en plus de la sieste, il serait probablement puni, et deux, parce que, comme disaient ses parents , « Un Yiga finit ce qu’il a commencé. » Il ne savait pas si cela s’appliquait à ce qu’il faisait, mais dans le doute…

Une demi-heure passa. Au bout d’un moment, un Yigling finit par le repérer et, plutôt que de le dénoncer ou de garder cela pour lui, il se jeta de toutes ses forces sur le tas de coussins. Kohga gémit de douleur et se releva. D’une voix fausse, Pomi (c’était le nom du Yigling qui venait de lui atterrir dessus) s’excusa.

- Désolé, ô Gros Kohga, j’ai pris votre royal derche pour un coussin…

Cet événement sembla délier les langues des moqueurs. Plusieurs autres Yiglings se placèrent derrière Pomi et commencèrent également à se moquer :

- Ouais bah vu comme il est rembourré, c’est du pareil au même…

- Si la valeur se calculait au poids, on aurait dû payer dix mille rubis rien que pour le regarder !

Kohga sentit monter l’agacement, puis la colère, mais ils continuèrent :

- C’est parce que c’est qu’un Gerudo, ce sera jamais un vrai chef, ricana un Yigling particulièrement petit.

- Non, tu fais fausse route, persifla une grande Yigling dégingandée. C’est même pas un Yiga.

Elle se tourna vers Kohga.

- T’as compris ? T’es pas un Yiga, et t’en seras jamais un, minable, toi t’es qu’un gros nul de Gerudo !

Kohga gémit. Un rayon de lumière fusa du symbole sur son masque, l’aveuglant au passage et foudroyant les moqueurs. Terrifié, il se tourna vers Mara, qui se tenait derrière lui. Totalement aveuglé par la lumière, il l’entendit hurler de douleur.

Et puis il perdit connaissance, et tout devint rouge. Plus rouge que le soleil couchant. Plus rouge que son uniforme. Rouge sang.

"""Alors, qu'en pensez-vous? Mara n'est-elle pas adorable? Ne vous inquiétez pas, elle va s'en remettre. Enfin j'espère..."""

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