Chapitre 4 Aimy

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C’était une belle matinée d’hiver, fraîche et ensoleillée. Perché sur l’une des falaises encadrant la vallée de Caltice, Kohga regardait le paysage désertique qui s’étendait sur des kilomètres, interrompu çà et là par une colline ou une oasis. Le vent soulevait le sable et la poussière du désert et, de temps en temps, un ou plusieurs Yigas passaient dans la vallée en contrebas sans le remarquer. Et d’ailleurs, tant mieux, car officiellement, il était cloué au lit, aux prises avec la gastro-entérite, ou plutôt la gastro-enterrecuite, comme disait son père. Il n’était pas, mais alors pas du tout censé se trouver ici, hors du repaire qu'il n'avait officiellement jamais quitté, perché sur les falaises de la vallée, à moins d’une heure de marche du territoire des Gerudos.

Profitant de la fraîcheur matinale, Kohga rêvassait, une bouteille de jus de banane volée dans les cuisines à la main, quand les cris stridents d’une fillette attirèrent son attention.

- Saletés de Yigas ! Lâchez-moi ! C’est vous qui avez tué mes parents, avouez ! Ils ne sont pas morts dans un éboulement comme vous me l’avez dit, j’en suis sûre ! Vous les avez peut-être eus eux, mais moi, vous ne m’aurez jamais, vous entendez, jamais !

Se penchant légèrement pour mieux voir, il aperçut trois officiers Yigas encerclant une fille d’une dizaine d’années habillée de vêtements traditionnels Sheikah. Malgré les cris de la fillette, Kohga doutait que les trois Yigas en veuillent à sa vie. Déjà, parce que leur code d’honneur interdisait de tuer un enfant non initié, sauf raison majeure. Ensuite, parce que si un Yiga, même le plus inexpérimenté, avait voulu l’éliminer, elle n’aurait pas eu le temps de crier, ni même de se rendre compte de quoi que ce soit.

Souhaitant en avoir le cœur net, Kohga sortit de sa poche une poignée de parchemins passablement froissés, se téléporta derrière l’un des officiers et, avant qu’il puisse réagir, l’assomma avec sa bouteille de jus de banane. Il eut à peine le temps de se demander pourquoi il avait fait ça que les deux autres Yigas portèrent d’instinct la main à leur ceinture. Heureusement, les deux officiers se détendirent en reconnaissant le fils du Grand Kohga.

- Seigneur Kohga ! Que faites-vous ici ?

- Je pourrais vous retourner la question, répliqua Kohga d’un ton malicieux. Vous n’étiez quand même pas en train de…

- Oh, mon Hylia ! Bien sûr que non ! lança l’officier de gauche, scandalisé, et Kohga reconnut la voix et la détestable manie de jurer de Khana, une jeune officière particulièrement talentueuse.

- Et que fait une SHEIKAH dans la vallée de Caltice ?!

- Sauf votre respect, seigneur Kohga, cette petite est aussi Yiga que vous, si ce n’est plus…

- Et qui est-ce ? Et surtout, surtout, arrêtez avec ce vouvoiement et ce « sauf votre respect » ! Vous m’agacez !

- D’accord, d’accord, pas besoin de vous… euh, non, pardon, de t’énerver… s’excusa l’autre officier.

Sa voix traînante et son impolitesse étaient familières à Kohga, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt sur son nom.

- C’est la fille de Greg et Shanya.

- Oh, désolé… Toutes mes condoléances, fit Kohga, soudain gêné.

Grégory et Shanya étaient deux officiers incroyablement doués mais, plutôt que de venir habiter dans le repaire avec les autres Yigas, ils avaient fait le choix de vivre en marge du reste du Clan dans une petite maison de la région d’Akkala et d’élever leur fille unique en lui faisant croire qu’ils étaient d’honnêtes marchands Sheikahs pour la tenir à l’écart des affaires du Clan. En raison de ce choix, une bonne partie des Yigas les considéraient au mieux comme des marginaux, au pire comme des gens douteux et peu recommandables. Malgré cela, les deux officiers étaient des éléments quasi indispensables du Clan, et tout le monde avait été très affecté par leur mort dans la prise du laboratoire d’Akkala.

La petite devait donc être Aimy Shanya. Faisant signe aux deux officiers de s’éloigner, il lui tendit la main.

- Toi aussi t’es un Yiga ? demanda Aimy, attrapant la main que Kohga lui tendait.

- Non, je suis une Gerudo… se moqua Kohga. Bah oui, bien sûr que je suis un Yiga !

La fillette poussa un cri strident avant de repousser Kohga, qui tomba tête la première dans la poussière.

- Non mais ça va pas ? cria Kohga en se relevant, la bouche pleine de sable. Qu’est-ce qui te prend ?!

- Tu vas me tuer ? demanda Aimy pour changer de sujet.

- Bah non, pourquoi je ferais ça ?

- Ben parce que t’es un Yiga !

- Je vais pas te faire de mal comme ça sans raison, non plus ! Tu m’as pris pour un monstre ?! Et pis je suis juste un Yigling.

- Un quoi ?! demanda Aimy

- Un… euh… bafouilla Kohga, cherchant la traduction. Ça veut dire un Yiga pas entraîné, ni médecin, ni sous-fifre, ni chef, ni officier.

- C’est vrai que t’es pas bien grand, pouffa-t -elle. Pourquoi ils t’appelaient « Seigneur Kohga » si t’es un… euh…

- Yigling. Un Yigling

- Ouais. Un Yigling.

- Parce que je suis le futur Grand Kohga !

- C’est pas poli de dire ça, objecta Aimy. Et pas modeste…

- Pas po… Mais non, t’as rien compris ! ricana son interlocuteur. C’est le nom qu’on donne au chef du Clan ! C’est un titre officiel ! C’est pourtant pas compliqué !

- Aaaah ! fit Aimy, l’air toujours un peu perplexe.

- Bon, j’en ai marre d’expliquer des trucs, je vais te ramener au repaire, râla Kohga, agacé.

- Au repaire ? Mais pourquoi ?

- Tu le fais exprès, hein ?! Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Tes parents étaient pas vendeurs de champignons, ils sont morts dans la prise du laboratoire d’Akkala, ils faisaient partie de nos meilleurs officiers…

Kohga s’arrêta une seconde et reprit bruyamment sa respiration, avant de terminer sa phrase.

- Et t’es pas une Sheikah.

Aimy parut scandalisée.

- Tu mens !

- T’as déjà vu une Sheikah avec les cheveux noirs, toi ?!

- Euh… Et si je suis pas une Sheikah, je suis quoi ? Ne me dis pas que…

- Tu as vraiment besoin que je te réponde ?!

- Non… NON. C’est pas possible. Je dois rêver ! Pince-moi. Aïe !

Kohga venait de la pincer.

- Bienvenue dans la réalité ! Et mets un masque s’il te plaît, la vue de ton visage me dérange !

Sur ce, il lui tendit un masque Yiga, qu’elle enfila sans entrain.

- Bien, voilà qui est mieux. Tu as une autre question bête, ou on peut partir ?

- J’en ai encore une. Qu’est-ce que tu faisais ici ? Les deux autres avaient l’air surpris de te voir…

- J’étais sorti sans autorisation, mais si on te le demande, tu diras que j’étais allé prendre l’air, pour me remettre de ma gastro-enterrecuite.

- Sinon quoi ? fit Aimy d’un air de défi.

- Sinon je vais me faire punir, et ça, je veux surtout pas. Et maintenant on y va, j’en ai ma claque de répondre à tes questions.

Ils marchèrent pendant une dizaine de minutes, puis arrivèrent devant la lourde porte du repaire. Kohga la poussa, et ils entrèrent dans le repaire des Yigas.

L’endroit était l’exact opposé de ce à quoi s’attendait Aimy. Alors qu’elle imaginait un endroit sombre, triste, ennuyeux et inquiétant, dans lequel flotterait une odeur douteuse, le repaire était un endroit joyeux, clair et vivant. Dans tous les coins, des Yigas discutaient, mangeaient, buvaient, se disputaient, achetaient ou échangeaient des choses, dans un brouhaha étonnamment familier. Les murs de sable scintillaient comme de l’or dans la lumière, et la forte odeur de banane qui régnait dans la grande salle, quoique capiteuse et un peu écœurante, n’avait rien de douteux.

La gaieté des membres du Clan était palpable, et elle distingua dans la pièce les silhouettes de Yigas absolument minuscules qui jouaient à chat, à cache-cache ou se chamaillaient.

- Des… enfants ?! demanda Aimy, surprise.

- Ben oui, il faut bien que le Clan continue à vivre… Et puis tu sais, on n’est pas non plus les Yigas d’origine, répondit Kohga.

- Ah bon ?

- Tu trouves que ça ressemble à un Yiga vieux de dix mille ans, ça ?! fit Kohga, l’air profondément vexé, en pointant son masque.

Devant l’air désolé d’Aimy, il changea de sujet

- T’as pas l’air de beaucoup aimer les Yigas. Comment ça se fait ? On t’a raconté des trucs douteux ?

- C’est le moins qu’on puisse dire, pouffa Aimy. Mais je ne vais pas te raconter, sinon tu vas vraiment me tuer…

- Je le ferai pas. Parole d’honneur. Alors, qu’est-ce qu’on t’a raconté ? insista Kohga, qui semblait avoir fort envie d’entendre ce que les Hyliens et les Sheikahs disaient sur son Clan.

- Bon, d’accord. Ils disent que les Yigas passent leur temps à voler des trucs, tuer des gens et foutre le feu partout.

- Mais c’est complètement faux !

- Ils disent que vous portez des combinaisons rouges pour ne pas qu’on voie les taches de sang dessus.

- C’est n’importe quoi ! C’est juste que le bleu est déjà pris par les Sheikahs, le blanc, ça se salit trop facilement et le vert donne l’air moisi. Sérieux, t’as envie d’avoir l’air moisi, toi ?! Et le jaune, c’est pas discret, et pis j’ai pas envie de ressembler à une banane…

Aimy pouffa, puis reprit.

- Ils disent que les Yigas ne sont pas dignes de confiance, qu’ils attaquent toujours en traître, et que quand un enfant ne mange pas ses choux de Bruxelles (elle cracha ces trois mots d’un air dégoûté), il se fait enlever par le Clan Yiga.

Cette dernière idée reçue arracha à Kohga un sourire franc.

- Moi non plus, j’aime pas les choux de Bruxelles...

- Ils disent aussi que…

- J’en ai assez entendu, la coupa Kohga. Merci bien, je me passerai du reste. Je savais bien qu’on se traîne une sacrée réputation, mais de là à ce ramassis d’inepties que tu viens de me déballer…

Aimy sourit à son tour. Finalement, elle pourrait peut-être bien se plaire ici, et les Yigas ne semblaient pas si terribles…

Quelque chose, ou plutôt quelqu’un, tomba sur elle et s’écrasa lourdement, l’entraînant dans sa chute. Effarée et à moitié assommée, elle vit une petite Yiga un peu ronde se relever et épousseter frénétiquement sa combinaison.

- Non mais, vous pourriez regarder où vous marchez ! lança l’inconnue sans même la regarder.

- Vous ne manquez pas d’air ! vous venez de m’atterrir dessus !

La femme se tourna vers elle et, remarquant ses vêtements Sheikah et son masque de travers, elle parut désolée de s’être montrée impolie. Sans qu’Aimy puisse réagir, elle lui attrapa la main et commença à la secouer vigoureusement de haut en bas.

- Oh, tu dois être Aimy, lâcha-t-elle d’un ton enthousiaste, lui secouant la main de plus en plus vite. Tout le Clan parle de toi, il paraît que tes parents étaient très fiers de toi ! Moi c’est Belle, je suis responsable de la garderie, enfin de la Yigarderie, comme disent certains. Je m’occupe des Yiglings.

- Vous n’auriez pas vu Kohga, par hasard ?

- Laisse-moi deviner… vous discutiez, et dès que tu tournes la tête, pouf, envolé…

Aimy acquiesça.

- Le connaissant, je dirais qu’il est dans un endroit où il ne devrait pas être…

- C’est-à-dire ?

Belle lâcha enfin la main d’Aimy.

- Alors… le garde-manger, la cuisine, les réservoirs, la salle d’entraînement, l’infirmerie, l’arène… énuméra Belle en comptant sur ses doigts. Ou alors l’armurerie.

- Merci !

Aimy s’éloigna, marcha quelques minutes, puis se rendit compte qu’elle ne savait pas du tout où se trouvaient la cuisine, les réservoirs, l’infirmerie, l’arène, l’armurerie, la salle d’entraînement et le garde-manger. C’était même un miracle qu’elle ait réussi à en retenir les noms.

Le temps de cette réflexion, une odeur de nourriture avait envahi le couloir.

Guidée par son nez, Aimy arriva à une grande porte donnant sur une non moins grande pièce carrée. À l’intérieur, des Yigas portant des tabliers par-dessus leurs uniformes s’affairaient à cuire, couper, assaisonner et dresser toutes sortes de plats, le plus souvent à base de bananes. Elle regarda autour d’elle. L’endroit était envahi par la fumée et par une forte odeur de banane, il y avait des ustensiles de cuisine, des fours, des Yigas qui couraient dans tous les sens, des tas de peaux de bananes de deux fois sa hauteur dans tous les coins, mais pas de Kohga. Elle allait ressortir quand l’un des cuisiniers la percuta de plein fouet. Aimy se releva en pestant.

- C’est la deuxième fois que ça m’arrive en dix minutes !

- Oh, désolé… s’excusa le cuisinier.

- Vous pourriez m’indiquer où se trouvent les réservoirs ? Et d’ailleurs, c’est des réservoirs à quoi ?

- C’est des réservoirs à bananes, et ils sont au bout du couloir. Tu peux pas les rater.

Effectivement, Aimy ne pouvait pas les rater. Au nombre de quinze, les réservoirs étaient de grandes pièces circulaires tout en hauteur, dégageant une forte odeur de bananes. En plus de se voir de loin, ils étaient entourés d’une trentaine de panneaux colorés indiquant « Bananes », « Réservoirs », « Frapper avant d’entrer » ou encore « Demander la clé au Grand Kohga ». Aimy essaya de les ouvrir, mais ils étaient tous verrouillés. Bon… En tout cas, Kohga n’y était pas. Donc il restait… euh…

Aimy réfléchit quelques secondes.

- Euh… l’infirmerie, l’arène, l’armurerie, la salle d’entraînement et… euh… Ah oui ! Le garde-manger !

Arpentant les couloirs au hasard, Aimy finit par tomber sur une grande porte en verre, sur laquelle était accroché un panneau recouvert d'une écriture illisible.

- Pouah ! Quelle écriture de médecin, songea Aimy. Mais… de médecin ?! L’infirmerie !

La fillette poussa la porte. Comme dans le reste du repaire, il y avait des murs de sable aux reflets dorés, un peu de poussière et des Yigas dans tous les coins. En revanche, l’odeur était différente. En plus du parfum de banane, il flottait dans l’air une vague odeur de remèdes, de chocolat, de désinfectant, d’épices, de poussière, de médicaments et… de sang ?

Une femme grande, mince et assez musclée, fonça sur elle.

- Un bras cassé ? Blessures mal cicatrisées ? Un mauvais rhume ? récita-t-elle comme un texte appris par cœur. Une indigestion ? Accident de téléportation ?

- Non non, rien du tout…

Aimy toisa la femme. Malgré sa combinaison, sa blouse blanche et son masque, elle semblait presque déplacée dans ce repaire poussiéreux et parfumé à la banane. Avec ses hanches larges, sa poitrine imposante, ses boucles d’oreilles colorées et sa grande taille, elle ne ressemblait pas vraiment à une Yiga. Sa taille resserrée et les yeux verts brillants qu’on devinait sous son masque évoquaient davantage une…

- Gerudo ! Vous êtes…

- Officier Marika Kohga, division des contrées Gerudo, spécialisée dans les soins.

- Euh… Yigling Aimy Shanya, aucune division, spécialisée dans… euh, bah rien, en fait.

À travers le masque, Aimy devina le sourire amusé de l’infirmière.

- Vous êtes vraiment une…

- Yiga, la coupa-t-elle d’un ton agacé. À partir du moment où tu vis dans le repaire, tu fais partie du Clan, peu importe ton âge, ton rôle ou ta race. Le Clan compte quelques Sheikahs, des Hyliens, une Piaf et deux Zoras, mais nous sommes tous membres du Clan, et donc tous égaux.

Aimy sourit. On aurait cru un discours politique.

- Il n’y a pas de chef ? Pas de hiérarchie ?

- Si, si, bien sûr, il y a une hiérarchie, mais ce n’est pas ta richesse ou tes parents qui déterminent ton rôle, seulement ton talent, ta force et ton courage, et tu peux monter ou descendre en grade à tout moment. En bas de la hiérarchie, tu as les Yiglings, les vehvis, les enfants, appelle ça comme tu veux. Juste au-dessus, tu as les sous-fifres. Tous ne combattent pas, certains sont médecins, marchands, espions, voyageurs ou cartographes. Encore au-dessus, tu as les officiers. En général, ce sont des guerriers émérites, mais certains se spécialisent dans la cuisine ou les soins. Plus haut que les officiers, les assistants et le bras droit du grand Kohga. Il peut y en avoir juste un pour les deux rôles comme il peut y en avoir toute une grappe, mais en ce moment, il y en juste deux.

Aimy, captivée, se gratta le nez.

- En général, il faut être officier pour accéder à ce poste, mais ce n’est pas toujours le cas. Et enfin, en haut de la hiérarchie, tu as le Grand Kohga. Lui est le seul qui tient son poste de ses ancêtres et personne d’autre ne peut atteindre ce grade, mais il peut être partiellement ou totalement démis de ses fonctions s’il est trop mauvais, même si c’est très rare que ça arrive. Dans ce cas-là, c’est le Conseil qui dirige le Clan jusqu’à l’arrivée du prochain Kohga.

- S’il y a un chef, vous n’êtes pas tous égaux, objecta Aimy.

- C’est plus compliqué. Le Grand Kohga dirige le Clan et chacun lui doit une fidélité et une obéissance absolue, mais personne ne sera jugé meilleur pour autre chose que son grade et son honneur. Et, du Grand Kohga au plus insignifiant Yigling, chacun doit respecter le code d’honneur Yiga.

- Le code d’honneur Yiga ?

- Être toujours brave, respecter le Grand Kohga et les bananes, ne pas juger sur les apparences, toujours se donner au maximum, ne pas tuer d’enfants, sauf raison majeure…

Devant l’air effaré d’Aimy, elle s’empressa d’ajouter :

- Ça n’est pas arrivé depuis des siècles…

Aimy se détendit immédiatement et la Yiga reprit.

- Prendre trois repas par jour, respecter son aîné et son prochain, être fidèle au Clan, ne jamais tuer un autre Yiga… il y a plusieurs centaines de commandements et je ne les connais pas tous, cela doit bien faire vingt ans que je n’ai pas lu le code d’honneur. En plus, le livre en question a presque dix mille ans et certains commandements sont complètement dépassés et sentent la poussière. Mais je suppose que si tu es venue ici, ce n’est pas pour parler hiérarchie… désolée si je t’ennuie avec ça !

Aimy avait au contraire trouvé ça passionnant, mais ce n’était pas la raison de sa visite.

- Vous auriez vu Kohga ?

- Le Grand Kohga ? Ou juste Kohga ?

- Euh… Le Yigling ?

- Il a déboulé à toute berzingue dans l’infirmerie il y a quelques minutes, mais il est tout de suite ressorti. Pourquoi ?

Aimy lui expliqua tout.

- Il est sûrement dans l’arène au fond du repaire. Tu prends à gauche en sortant, ensuite tout droit jusqu’à la grande porte.

- Merci !

La fillette quitta l’infirmerie et marcha une quinzaine de minutes, avant de tomber sur une grande porte. Elle la passa et se retrouva dans une vallée encadrée de falaises.

Quelques caisses par-ci par-là débordaient d’un fatras de trucs et de machins, principalement des bananes, mais le plus imposant était de loin l’immense trou au centre de l’arène. Aimy s’en approcha. La fosse était si profonde que même en se penchant, elle n’en voyait pas le fond, et les volutes de miasmes qui s’en échappaient dégageaient une odeur infecte, entre la poubelle, l’œuf pourri et les fruits trop mûrs. La fillette manqua de vomir, puis recula en se bouchant le nez. Souhaitant quitter les lieux le plus vite possible, Aimy inspecta les caisses pour voir si Kohga s’y cachait. Il y avait des bananes, de vieilles armes abîmées, de la nourriture en tous genres, des bananes, des fagots de bois, des bananes, des flèches, de vieux déguisements mangés aux mites et des bananes, mais pas de Kohga, aussi elle partit dès que l’inspection fut finie, poussa la porte, reprit enfin sa respiration, traversa une pièce et atterrit dans l’armurerie.

La pièce était grande et incroyablement poussiéreuse. Des masques et des armes étaient suspendus aux murs, et une grosse boule de métal pleine de pics trônait sur une petite estrade. Aimy fouilla de fond en comble, mais il n’y avait personne.

- Purée de champignon enduro ! il va me faire courir encore longtemps ?

Aimy sortit de la pièce et marcha dans la direction indiquée par le grand panneau « réserve » accroché au mur. Heureusement, elle tomba très vite sur la réserve. La fillette poussa la porte et entra. Les murs étaient recouverts d’étagères chargées de kilos de nourriture en tous genres. En dehors de ça, le garde-manger était vide, à l’exception d’une trentaine de peaux de bananes éparpillées sur le sol et d’un petit tas de parchemins Yiga passablement froissés. Aimy eut beau chercher, elle ne vit pas d’où cela pourrait bien provenir. Elle s’avança vers la porte et…

- Beurk, gémit la fillette.

Une peau de banane gluante venait de lui tomber dessus. Surprise et dégoûtée, Aimy leva la tête… et le vit. Suspendu dans les airs, à quelques mètres du sol, Kohga entamait une trente-deuxième banane (Aimy avait compté). Le plus étonnant était que, même après toutes ces bananes, il ne semblait pas malade pour un sou. Se laissant tomber en un atterrissage qui se voulait sans doute plus assuré que maladroit, il se plaça devant Aimy et partit d’un grand rire.

- Tu m’as trouvé, tu m’as trouvé !

- Il faut croire, répliqua Aimy d’un ton acide, mais amusé.

- Alors ? Comment, le repaire ?

- Pas si mal…

Aimy sourit derrière son masque tout de travers. Finalement, peut-être allait-elle bien se plaire ici…

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