Chapitre 6 Le cours de combat

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La cloche du repaire sonna, et Kohga se leva péniblement. Il s’était écoulé trois semaines depuis son anniversaire, trois semaines depuis la patrouille, trois semaines depuis sa rencontre avec Suppa, depuis sa confrontation avec les deux soldates Gerudos, mais la blessure dont il avait écopé, quoique presque parfaitement guérie, le faisait toujours un peu souffrir.

Pestant contre la terre entière, il se leva et réussit à se faire tomber sur le pied un exemplaire du Code d’honneur, règles et techniques secrètes du Clan Yiga. Avec moult jurons fort impolis, il retira son pyjama multicolore et enfila un uniforme Yiga trop serré. La matinée semblait mal commencer. Kohga poussa la porte, la ferma à clé et marcha sans entrain vers le réfectoire. La perspective d’un bon petit-déjeuner lui remontait le moral, et celle de l’ambiance conviviale de la salle à manger aussi.

À l’évidence, Kohga était bien le seul membre du Clan à avoir fait la grasse matinée : le réfectoire était bondé. Il chercha une place, mais n’en trouva pas.

- Kohga ! piailla une Yigling assise à la plus grande table. Ici !

Kohga s’assit à la table, où se trouvaient Aimy et Suppa. Assise sur les genoux d’Aimy, une minuscule Yigling blonde aux yeux bleus prenait elle aussi son petit-déjeuner.

- Toujours rien ? demanda Kohga, surpris.

- Rien de rien, répondit Aimy d’un ton las. Pas de camouflage, pas de téléportation, rien ! Et elle s’obstine à détester les bananes ! Cette petite est une vraie catastrophe !

Kohga pouffa intérieurement, mais ne trouva rien à répondre, ou peut-être était-ce dû au muffin pomme-banane qu’il venait d’enfourner en entier dans sa bouche. Depuis deux semaines, Aimy avait reçu pour tâche d’entraîner Lana. Âgée de maintenant neuf ans, la fillette n’avait manifesté aucun pouvoir ni capacité particulière, ce qui était absolument extraordinaire pour une Yiga.

Malgré sa maladresse, Kohga, alors âgé de cinq ans, avait réussi à se téléporter sur le toit d’une des boutiques miteuses du repaire pour échapper à ses poursuivants, un groupe de moqueurs qui avaient décidé de passer à l’acte et de le frapper. Il avait ensuite été malade toute la soirée à cause de son terrible mal de téléportation, mais s’était bien gardé de le dire à qui que ce soit. Aimy, le soir même de son arrivée, avait réussi à invoquer son ours en peluche, oublié dans sa maison à l’autre bout d’Hyrule. Et Suppa, malgré son incompétence quasi totale en matière de magie, avait démontré des capacités au combat incroyables, meilleures que celles de certains adultes entraînés. Et il n’avait que sept ans !

Mais Lana, elle, n’avait aucune capacité extraordinaire, et c’est pour ça qu’Aimy avait été chargée de l’entraîner. Officiellement, cela faisait partie du programme de rattrapage d'Aimy, mais la vérité était qu'il était impossible de former Lana comme les autres Yiglings, et puisque Yigling sans surveillance rimait toujours avec problèmes, il avait bien fallu trouver une solution, et la solution en question s’était présenté sous la forme d’une jeune Yiga orpheline avec un sérieux manque d’entraînement. Sous prétexte de combler ses lacunes en à peu près tout, ils avaient réussi à se débarrasser de deux problèmes au lieu d’un.

Ni Kohga ni son père n’approuvaient cette décision, mais c’était ça ou risquer d’avoir sur les bras toute une génération de guerriers mal entraînés, ce qui aurait été une véritable plaie, pour ne pas dire une énorme catastrophe.

Après un généreux déjeuner, chacun quitta la salle à manger pour vaquer à ses occupations. Dans son cas, ses occupations étaient un entraînement de combat, suivi d’un entraînement de furtivité et d’un cours d’histoire-géo. Tous les Yiglings entre neuf et onze ans avaient droit à des cours de combat, de magie, de soins et premiers secours, de cuisine et de furtivité, accompagnés dès leurs douze ans de cours d’histoire, de géographie, d’Hylien, d’ancien Sheikah et surtout de mathématiques, que Kohga détestait tout particulièrement. Il vouait à ces nombres absurdes et abstraits une haine et un dégoût tout particuliers.

Kohga poussa la lourde porte de la salle de combat. Ses camarades Yigas étaient assis autour du terrain de combat et Shira, la professeure de combat, se tenait debout sur l’estrade, sa combinaison d’officier flambant neuve scintillant légèrement dans la lumière. Kohga rejoignit les autres élèves et s’assit.

S’avançant vers les élèves, la professeure effectua le salut traditionnel Yiga. Elle ferma les yeux et tendit les mains vers les élèves, paumes vers le haut, puis les joignit sous son menton en baissant légèrement la tête. Enfin, elle plia les doigts, sauf les majeurs et les index, inclina encore un peu plus la tête, puis refit le geste à l’envers.

Les élèves lui rendirent son salut, marquant le début du cours. Le geste pouvait paraître compliqué au premier abord, mais les Yiglings apprenaient le salut Yiga dès l’âge de trois ou quatre ans, et Kohga était si habitué à le faire qu’il s’en rendait à peine compte tant c’était instinctif. Sur ce, le cours commença. Shira tira de sa poche des papiers avec les noms des élèves, trois chacun. Elle mit les papiers dans un bol et en tira deux.

- Aimy et Pomi !

Ces deux-là n’avaient pas besoin de cours pour se battre. Depuis que Mara lui avait raconté l’incident de la Yigarderie, qui avait eu lieu six ans plus tôt, Aimy défendait Kohga du mieux qu’elle pouvait, et si Mara gardait toujours une certaine distance avec le fils du chef de Clan, elle n’hésitait jamais à aller régler leur compte aux moqueurs, aussi leur rivalité avec Pomi était de notoriété publique.

Aimy choisit deux courts sabres Yiga et Pomi, lui, prit trois kunaïs de lancer et une serpe coupe-gorge. Ils s’avancèrent sur le terrain et se saluèrent, puis le combat commença. Pomi se jeta sur Aimy en hurlant, serpe en main, mais la Yiga esquiva agilement et lui entailla la jambe de son sabre. Pomi se retourna, se téléporta à l’autre bout du terrain et lança ses kunaïs sur Aimy. L’intéressée se retourna et observa, impassible, les trois kunaïs se rapprocher. Il y avait quelque chose d’anormal, Kohga pouvait le sentir.

Son intuition était bonne. Arrivés à cinquante centimètres de la poitrine d’Aimy, les trois couteaux s’arrêtèrent et repartirent en sens inverse. Même l’entraîneuse semblait surprise, car il était extrêmement rare d’utiliser ce genre de techniques dans un duel, même si c’était l’une des bases de la magie Yiga, ou plutôt des « arts ésotériques », comme disait le père de Kohga. L’adversaire d’Aimy esquiva difficilement les trois projectiles en sautant dans tous les sens. Profitant de ce bref répit, Aimy se téléporta au-dessus de son adversaire. Ce dernier, qui avait deviné le plan de la Yiga, se remit à bondir comme une puce pour éviter de se faire atterrir dessus.

Raté. Aimy l’écrasa de plein fouet et le plaqua au sol, son sabre contre sa gorge.

- Assez !

Les deux combattants se relevèrent et regardèrent la professeure.

- Mademoiselle Aimy, votre technique était parfaite, mais souvenez-vous qu’il ne faut jamais, au grand jamais, tuer un autre Yiga. Ce délit est puni d’expulsion, dans le meilleur des cas. Et vous, Pomi, sachez qu’on n’utilise pas de serpe coupe-gorge en combinaison avec des armes de jet. C’est extrêmement compliqué, pour ne pas dire totalement suicidaire. Dans un vrai combat, vous auriez déjà perdu la vie depuis longtemps.

La professeure réprima une moue mi-agacée mi-admirative puis, tandis que les deux adversaires nettoyaient et pansaient leurs blessures, elle tira un deux autres papiers.

- Mara et Liouda !

Liouda, une Yiga grande et de corpulence moyenne, tenait de sa mère Sheikah de Cocorico une peau et une chevelure blanches comme neige et sans défaut, et avec sa beauté pâle et naïve éclairée par deux yeux rouge cerise plus brillants que des rubis, elle faisait figure d’exact opposé à son adversaire. Petite, mince et dégingandée, Mara avait de longs cheveux bruns trahissant son héritage Hylien, le teint pâle mais plutôt mat et les yeux d’un vert un peu terne et inhabituel pour une Yiga, mais rehaussé d’une lueur d’intelligence et de malice. Cependant, les deux adolescentes étaient toutes deux réputées d’incroyables guerrières. C’était une réputation amplement méritée, et Mara était aussi petite et agile que Liouda était grande et forte.

Lauréate invaincue du concours de lancer de kunaïs, Liouda faisait tourner la tête de tous les garçons de sa génération de par sa force et sa beauté, et la mère de Kohga ne cessait de dire qu’elle ferait l’un des meilleurs officiers que le Clan ait jamais connus. Indétrônable championne du parcours de furtivité avec clochette, l’une des épreuves de discrétion les plus difficiles, Mara était la favorite du Grand Kohga, et deviendrait sans doute la meilleure sous-fifre de sa génération. Les voir s’affronter serait sans doute un merveilleux spectacle.

Mara prit une serpe coupe-gorge, Liouda, un tranche-vent d’officier. Les deux filles s’avancèrent sur le terrain et se saluèrent, puis le combat commença.

Mara joignit les mains et, à grand renfort de trifouillages de doigts, activa un sort de camouflage. Liouda regarda autour d’elle, mais ne la vit que lorsqu’elle lui tomba dessus et la plaqua au sol, la lame de sa serpe appuyée contre son cou. Liouda était plaquée au sol, mais ses bras étaient libres. Profitant pleinement de cette inattention, elle lacéra les côtes de son ennemie avec les courtes lames intégrées aux poignets de sa combinaison. Mara s’écarta brutalement, se tenant les côtes en hurlant tout un chapelet de jurons fort impolis et vulgaires. Liouda lui sauta dessus et l’immobilisa, son tranche-vent contre sa gorge.

- Assez !

Shira frappa bruyamment dans ses mains.

- Mademoiselle Mara, vous avez été extrêmement efficace, mais pas assez attentive. Travaillez là-dessus. Quant à vous, Mademoiselle Liouda, vous avez à coup sûr fait preuve de beaucoup d’ingéniosité, mais vous n’en auriez pas eu besoin si vous n’aviez pas baissé votre garde. Malgré ça, c’était très bien. Très très bien, même, ceci dit.

L’espace d’un instant, un mince sourire se dessina sur le visage de la professeure, mais cette dernière reprit vite son air grave, sérieux et impassible. Kohga ne se souvenait pas de l’avoir déjà vu sourire. Un par un, chacun fut appelé et participa aux duels, et puis…

- Kohga et Aimy !

Les deux amis se toisèrent d’un air perplexe, puis semblèrent avoir un déclic. Aimy attrapa un petit tranche-vent qui semblait une arme redoutable, Kohga deux courtes épées Sheikah. Ils s’avancèrent sur le terrain et se saluèrent, puis Aimy utilisa instantanément un sort de furtivité qui la rendit invisible. Loin de se démonter, Kohga s’assit par terre, ferma les yeux et commença à méditer, comme si son adversaire l’indifférait complètement.

Un bruit. Un très léger bruit de tissu froissé, derrière lui. Kohga se retourna. Il ne voyait rien, mais pouvait ressentir la présence de son adversaire. Se jetant dans la direction que son intuition lui indiquait, il battit l’air de ses épées jusqu’à entendre le gémissement de douleur d’Aimy, qui réapparut. Ils se jetèrent l’un sur l’autre, échangeant pendant de longues minutes des coups d’épée et de sabre qui étaient toujours parés avant de toucher leur cible puis, feignant une attaque par en bas, Aimy éjecta par la gauche les épées de Kohga et l’écrasa au sol, plaquant sa lame contre sa gorge, ce qui lui arracha un couinement affligeant.

- Pitié !

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