Chapitre 20 Urbosa

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Debout devant les portes de la cité gerudo, Kohga tentait vainement de se calmer. Il y était déjà venu, mais toujours sous une fausse identité, et n’était jamais allé plus loin que la bijouterie. Or il était ici pour parler à Lady Urbosa, cheffe des Gerudos. Ils devaient conclure une alliance, et vite, car la princesse Zelda et le chevalier Link allaient venir et tenter de s’allier aux Gerudos pour récupérer dans leurs rangs la créature divine Vah’Naboris. S’ils y arrivaient, alors les Yigas seraient condamnés.

Prenant sur lui, il s’avança vers la porte de la cité et s’adressa à la garde. Grande, le teint mat, les cheveux roux, c’était une vaï Gerudo on ne peut plus ordinaire, et elle sembla effrayée de le voir, mais comme il n’était armé que de sa serpe coupe-gorge, elle comprit qu’il venait en paix. Kohga essaya de lui expliquer ce qu’il voulait.

— Je suis le Grand Kohga, chef des Yigas. Dites à Lady Urbosa que je veux lui parler.

La Gerudo le regarda, semblant ne rien comprendre.

— Ohoï ?!

Bien entendu, les choses ne pouvaient pas être si faciles, et la garde ne parlait pas un mot d’Hyrulien. Heureusement que Kohga avait appris le Gerudo. Remerciant intérieurement sa défunte mère, il répéta, en Gerudo cette fois-ci.

— Eteru Kohga, vaado bu Qaar’daravoï. Voluuit bir an vaado Urbosa so vosu bir … sono kuu.

Le jaugeant d’un air mi-honoré mi-méprisant, elle s’écarta pour le laisser entrer. Kohga n’avait jamais vu une garde Gerudo aussi crédule, mais c’était une bonne chose.

Kohga traversa l’allée à petits pas pressés sans prêter attention aux regards lourds de méfiance et de menaces des Gerudos. Enfin, il entra dans le palais aux murs de sable de Lady Urbosa. À peine eut-il passé la porte que deux gardes lui barrèrent la route.

— Je viens pour parler à Lady Urbosa.

La garde de droite le regarda. Elle ne semblait pas y croire.

— Lady Urbosa est en voyage depuis maintenant une semaine. Débarrassez le plancher, on ne veut pas d’un meurtrier de votre genre ici !

Sur ce, elle lui immobilisa les mains et sa camarade lui saisit les jambes, et elles le jetèrent dehors, où il s’écrasa dans la poussière. Kohga cracha un peu de sable et beaucoup de jurons Yigas malpolis.

Bien entendu, ç’aurait été trop facile, il fallait que la cheffe des Gerudos s’absente précisément le seul jour où il devait lui parler ! Maintenant les Gerudos allaient s’allier avec la princesse Hylienne et le meurtrier de sa fille et, comme si ça ne suffisait pas, empêcher le retour du Fléau Ganon.

À force de tourner et retourner le problème dans tous les sens, Kohga eut une idée. Si Urbosa n’était pas là pour lui parler, elle n’était pas non plus là pour donner des ordres aux autres Gerudos, ni pour l’empêcher de repousser l’ennemi. Et cela lui donnait une idée.

À petits pas pressés, Kohga traversa l’allée principale de la Cité Gerudo et entra dans le palais. Les gardes ne lui prêtèrent pas attention outre mesure, se contentant de la saluer. Son déguisement était parfait. Il ressemblait parfaitement à Lady Urbosa, de près comme de loin. Maintenant, il n’avait plus qu’à ordonner aux Gerudos de repousser l’armée Hylienne dès qu’elle arriverait.

— Gerudos de la Cité, hurla-t-il, et il comprit à leurs têtes ahuries qu’il avait surestimé son imitation de la voix d’Urbosa. J’ai attrapé un mauvais rhume, euh… pendant mon voyage, mais ce n’est pas là le plus important. Un jour que je m’étais arrêtée dans un relais, j’ai entendu une terrible nouvelle !

Kohga reprit sa respiration. Même mal imitée, la voix d’Urbosa lui faisait mal à la gorge.

— Le roi d’Hyrule a décidé de conquérir le désert et d’exterminer le peuple Gerudo. Il aurait prévu de nous envoyer la garde royale, la princesse et l’armée Hylienne pour de soi-disant pourparlers de paix, mais ils veulent en réalité nous poignarder dans le dos et envahir la cité.

Un mélange de cris effrayés des vehvis, des cris de guerre des soldates et de cris de colère des marchandes et professeures de la cité lui répondit.

— Que toutes les vaïs en état de combattre prennent les armes ! Protégez les vaabas et les vehvis !

À l’évidence, cette phrase très typée Yiga sonnait faux venant de la fière Urbosa, mais il s’en fichait comme de la Guerre du Sceau. Il fallait repousser la princesse, ou les Yigas seraient condamnés.

Pendant que toute la cité se préparait à la bataille, Kohga s’écrasa sur le trône d’Urbosa et s’y assit n’importe comment. Maintenant, c’était l’heure de la sieste, et il l’avait bien méritée.

Le bruit réveilla Kohga. Les Gerudos battaient en retraite les unes après les autres et certaines tombaient au combat. Kohga aurait pu agir, mais il attendit. Longtemps. Très longtemps. Trop longtemps.

Alors qu’il commençait à s’inquiéter, la princesse d’Hyrule entra enfin dans le palais, haletante et ne cessant de crier « Urbosa ! ».

Kohga ouvrit les yeux. La princesse n’était pas venue seule. Elle était accompagnée d’un petit robot de forme ovoïde, d’une jeune Sheikah en vêtements traditionnels et de ce chevalier à l’innocente beauté si trompeuse. Les gardes se dressèrent entre eux et celle qu’ils croyaient être Urbosa.

Zelda la regarda, ses grands yeux verts brillaient de surprise. Kohga prit un moment pour apprécier sa beauté. Si, selon les critères de beauté des Yigas, elle était on ne peut plus quelconque, il était forcé d’admettre que, pour une Hylienne, elle était véritablement belle. Ses traits délicats et son teint pâle donnaient une impression de finesse et de pureté tandis que ses yeux brillaient comme deux éclats d’émeraude, emplis d’une lueur de courage et de fierté, et sa chevelure d’or tombait en cascade sur ses épaules. Elle aurait pu être charmante, mais la peur et la colère se lisaient dans ses yeux.

— Pourquoi… Pourquoi fais-tu une chose pareille ?!

Kohga réfléchit quelques secondes, mais ne trouva aucune explication. Tant pis. Prenant un air théâtral, il se leva de son trône, ou plutôt du trône d’Urbosa.

— C’est ici que votre destin s’achève…

Dégainant son cimeterre des Sept Joyaux, en réalité la serpe coupe-gorge héritée de sa mère, Kohga prit une seconde pour réfléchir à nouveau. Il avait une idée et, avec un peu de chance, cela pouvait fonctionner.

— Princesse Zelda…

Avec un cri de rage fort bien imité, il se jeta sur elle, son cimeterre à la main au cas où les deux autres et le robot décidaient de s’interposer. Le jeune homme en armure réagit aussitôt, se plaçant devant Zelda et levant son épée pour bloquer le cimeterre d’Urbosa.

Un petit bruit sec retentit. Quelqu’un venait de claquer des doigts ou de frapper son talon contre le sol, peut-être les deux. Un éclair vert et scintillant sortit de nulle part et frappa Kohga, qui resta debout une bonne minute, au bord de l’évanouissement, avant de s’écrouler. Dans l’encadrement de la porte se tenait Urbosa.

— Je suis rentrée aussi vite que j’ai pu…

Link, Zelda, le robot et la Sheikah se tournèrent vers Urbosa, qui avança à petits pas vers les quatre compagnons.

— Mais je n’aurais jamais cru me retrouver confrontée à ça.

Zelda regarda la Gerudo avec méfiance.

— Urbosa ?

La cheffe des Gerudos toisa Zelda de ses yeux vert bouteille aux reflets d’émeraude, ses nombreux bijoux carillonnant quand elle se tourna vers elle.

— Au moins vous n’avez rien… N’est-ce pas, Madame ?

Zelda lui adressa un sourire radieux.

— Je n’ai rien, non !

Urbosa hocha la tête d’un air décidé.

Un grommellement teinté de jurons Yigas et Gerudos s’éleva du sol, et tous baissèrent la tête. Kohga avait repris connaissance.

Dans un gigantesque « Pouf » enfumé qui projeta des parchemins Yiga en tous sens et força tout le monde à reculer, il dissipa son sort de camouflage.

— Bon sang ! Il a fallu que tu interviennes !

Se relevant comme il pouvait, il joignit les mains en un geste théâtral.

— Eh bien puisque c’est comme ça…

Il marqua une pause pour appuyer ses mots avant de prendre une pose particulièrement ridicule qui lui donnait l’air constipé. Dans une suite de petits « poufs » bruyants et sans fumée, une dizaine de sous-fifres Yigas apparurent derrière lui, tandis que Link, Urbosa et la jeune Sheikah dégainaient leurs armes.

Avec un éclat de lumière rouge, des parchemins Yiga apparurent autour de Kohga.

— Les p’tits jeunes ! Je compte sur vous !

Il disparut aussitôt, ce qui surprit autant ses alliés que ses ennemis.

À un bon kilomètre de là, Kohga réapparut dans une base Yiga fraîchement construite. Composé uniquement de quatre murs sommaires entourant une petite place sur laquelle se dressaient des piliers de roche, l’endroit était rudimentaire au possible, mais c’était mieux que rien, et cela lui permettrait de se remettre de la foudre d’Urbosa en attendant d’affronter le chevalier servant de Zelda. Hélas, sa détente fut de courte durée. La Sheikah venait de faire irruption dans la base.

Les Yigas voyaient généralement les Sheikahs comme étant faibles et soumis, et cette jeune fille était sans nul doute l’exception qui confirme la règle. Ses longs cheveux blancs flottaient dans son sillage et ses yeux bruns aux reflets coquelicot se remplirent d’une lumière ardente quand elle le vit. Elle n’avait pas cette beauté naïve propre à la lieutenante Liouda mais, malgré son jeune âge, Kohga sentit l’aura de rage et de puissance qu’elle dégageait à une bonne dizaine de mètres, tout comme il sentit qu’elle était prête à en découdre.

Se levant du hamac mangé aux mites dans lequel il s’était allongé, il sortit sa serpe coupe-gorge et se jeta sur elle. À l’évidence, la Sheikah avait plus d’un tour dans son sac. Elle fit apparaître, à grand renfort de trifouillages de doigts, six doubles faits de lumière bleutée et scintillante, ce à quoi il riposta avec sa technique secrète de dédoublement, qui fit apparaître un deuxième Kohga. Après de longues minutes d’un combat acharné (et de nombreux coups de sabre Sheikah dans le derrière), il eut une idée, se téléporta en haut de l’un des piliers de pierre et, s’entourant d’une barrière magique pour ne pas être frappé en traître, se prépara à invoquer une boule de métal géante.

Ce qui devait arriver arriva. Non pas le chevalier Hylien, qui entra dans la base à ce moment-là, mais un accident. Kohga, qui se tenait un peu trop au bord du pilier de pierre, trébucha violemment, passa cul par-dessus tête et se retrouva assis dans le sable comme un imbécile.

Relevant la tête, il vit la princesse Zelda, la cheffe des Gerudos, le chevalier Hylien, le robot, qui ne cessait de biper, et la Sheikah qui, s’il avait bien entendu, s’appelait Impa. S’il ne se tirait pas d’affaire rapidement, il était fichu.

— Comment ai-je pu être vaincu par ces vermines ?!

Urbosa tendit son cimeterre vers lui, et il sentit sa fin arriver. Mourir comme ça… c’était véritablement pathétique.

Un petit « pouf » enfumé retentit, et Suppa dévala la colonne de pierre tête en bas, les mains sur la poignée de ses doubles tranche-vents. Arrivé à deux ou trois mètres du sol, il dégaina ses sabres et se jeta sur Urbosa, qui para brillamment le coup avec son cimeterre, éjectant son assaillant. L’officier se reçut sur ses jambes d’une manière bien plus habile qu’à l’entraînement, ne se démonta pas et tenta de frapper sur le côté, mais le chevalier Hylien le dévia de son épée et l’envoya vers Urbosa, qui l’éjecta à nouveau, se déséquilibrant au passage. Suppa montrait rarement ses émotions, mais Kohga put sentir son agacement quand la Gerudo échappa de peu à la double lame d’air qu’il venait de tirer de son tranche-vent. Voyant que ses adversaires étaient un peu sonnés, il se tourna vers le chef des Yigas.

— Grand Kohga.

Kohga voulut le remercier, mais il était encore nerveux et ne réussit qu’à dire quelque chose qui ressemblait vaguement à :

— Suppa ! T’en as mis, du temps ! J’ai bien failli y rester !!!

Dans une pathétique crise d’angoisse due à tout ce stress, il se mit à gesticuler dans tous les sens sans pouvoir se relever. Ne souhaitant pas s’éterniser, Suppa le saisit d’une main, le chargea sur son épaule et le transporta comme un vulgaire sac de pommes de terre. Kohga, qui commençait à se sentir mal, hésita à se fâcher, mais renonça. Ce n’était ni le moment, ni l’endroit.

— Ça ne se reproduira plus, promit Suppa. Replions-nous.

Urbosa, qui venait de se ressaisir, tenta de leur foncer dessus, mais Suppa, plus rapide, se téléporta au repaire, et la Gerudo se contenta de transpercer un gros nuage de fumée dans lequel résonnait encore le rire du Grand Kohga. Après avoir regardé partout autour d’elle pour s’assurer qu’ils étaient bel et bien partis, Urbosa jura en Gerudo. Ce rire aigrelet lui était détestable.

Suppa et Kohga apparurent directement dans la grande salle, et Kohga se débattit si fort que son ami dut le lâcher.

— Suppa ! Tu aurais pu me porter correctement ! Tu m’as pris pour un sac à patates ?!

Suppa le regarda d’un air désolé, mais ne dit rien. Et pour cause : les surveillants veillaient au grain et criaient sur tout le monde au moindre début de début de début de début de dispute. La lieutenante Liouda s’approcha des deux amis.

— Réussite de la mission ?

Suppa secoua la tête. C’était un ratage de la pire espèce. Non seulement ils n’avaient pas réussi à empêcher l’alliance des Hyliens et des Gerudos ni à tuer le chevalier Hylien, mais le Grand Kohga s’était ridiculisé de la pire des manières. Liouda les toisa d’un air sévère, mais ne montra pas sa déception. Comme pour Suppa, montrer ses émotions ne faisait pas partie de ses habitudes.

Kohga sourit. Ces deux-là faisaient vraiment la paire.

"""Eh oui, Liouda et Suppa sont amoureux... Qui l'avait vu venir ? Un long chapitre donc, qui reprend les événements d'Hyrule Warriors. Si ça peut vous rassurer, les prochains chapitres sont aussi une retranscription du jeu, mais toujours du point de vue des Yigas. Je vous assure que ça change !"""

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