Chapitre 24 Fichus Gardiens

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Kohga regarda avec dégoût sa tasse de tisane de fleurs silencio et y rajouta une énième cuillerée de miel, avant d’avaler le liquide bleuâtre en grimaçant. Ce n’était pas aussi doucereux qu’il s’y attendait, mais le goût restait désagréable. Il regarda Suppa, qui s’efforçait de cacher son dégoût, puis Aimy, qui aspirait en souriant son bol d’infusion. Mais comment pouvait-elle bien s’y prendre pour avaler une chose pareille ? D’accord, tout le monde est unique, chacun ses goûts, comme on le lui avait maintes fois bassiné, mais tout de même, cette chose était infecte !

Kohga inspira un grand coup et avala deux bonbons à la banane pour faire passer le goût de la tisane. C’était un mal nécessaire. Lui et les autres Yigas devaient se rendre dans la forêt Korogu, qui se trouvait au nord du château d’Hyrule, et il allait falloir pour cela traverser toute la plaine d’Hyrule. En effet, la forêt était entourée d’un dôme de brume mystique qui faisait s’égarer tous ceux qui y entraient sans y être invités, et les empêchait par la même occasion de s’y téléporter. En plus de cela, se téléporter à proximité du château aurait éveillé les soupçons. Depuis l’attaque de la cité Gerudo puis du village de la plaine, toute la garde royale avait reçu pour consigne d’éliminer le moindre Yiga qui croiserait leur route. Si voyager en Hyrule avait toujours été un problème pour le Clan, les nouvelles lois anti-Yigas en avaient fait un véritable calvaire.

Quelques années plus tôt, la traversée de la plaine d’Hyrule était un jeu d’enfant. Mais à l’heure actuelle, la grande plaine était maintenant infestée de Gardiens qui en faisaient un véritable parcours du combattant.

Les Gardiens étaient des robots crées par les anciens Sheikahs pour protéger Hyrule du Fléau il y de cela presque dix mille ans. Si certains étaient restés fidèles à leur but initial, la plupart, possédés par la rancœur de Ganon ou simplement disjonctés, attaquaient tout ce qu’ils voyaient. Pour ceux qui n’auraient jamais vu de Gardien, je vais tenter d’en faire la description.

Hauts le plus souvent de deux ou trois mètres, les Gardiens possédaient un corps creux en forme de poire d’apparence semblable à la terre cuite et six longues pattes robotisées terminées chacune par trois griffes tranchantes. L’intérieur du robot accueillait un important système, le plus souvent complètement disjoncté et corrompu. En plus de cela, les Gardiens possédaient également un unique œil bleu fait d’une gemme sphérique et brillante par lequel ils pouvaient tirer une sorte de rayon qui détruisait tout sur son passage.

Un petit « pouf » enfumé tira Kohga de ses pensées. Il se tourna, mais ne vit rien, si ce n’est un léger scintillement. Aimy venait d’utiliser sa technique de camouflage. Il était l’heure d’y aller. La mission était simple : se rendre à la forêt Korogu, y faire entrer en douce cette endive d’Astor, et empêcher la princesse et le chevalier de trouver ce qu’ils étaient venus y chercher. Même s’il ne connaissaient pas la raison de leur venue, ce ne pouvait être qu’un problème pour eux.

Ils marchèrent une bonne heure sans croiser personne, à l’exception d’un marchand Hylien particulièrement persuasif. Le vendeur réussit à faire acheter au Grand Kohga un sac entier de camelote inutile, sans doute fabriquée à la chaîne dans un atelier minable. Aimy resta silencieuse mais Suppa, qui dut porter le sac, pesta véhémentement. Enfin, ils entendirent les pas lourds et le petit bourdonnement qui trahissaient la présence d’un Gardien, avant de repérer le robot.

Un petit point rouge lumineux apparut en plein milieu du masque de Kohga, qui le fixa sans comprendre. Ce n’est que lorsque l’œil du Gardien se riva sur lui et se mit à briller qu’il comprit, mais c’était trop tard. Un rayon de lumière bleue et scintillante sortit de l’œil du Gardien. Il était trop tard. Tout était fichu.

Kohga ferma les yeux et attendit. Il entendit le bruit du tir et une forte explosion, mais rien ne vint. Il les rouvrit et vit qu’Aimy avait paré le tir du Gardien avec son sac de marchandises de mauvaise qualité. Cette camelote vide-bourse lui avait sauvé la vie. Les vestiges carbonisés de sa tasse « sauveur d’Hyrule », de sa cape brodée à l’effigie de la princesse Zelda et de sa peluche Moldarquor attestaient du coup de chance incroyable qui lui avait sauvé la vie. Après avoir vainement essayé de trouver une logique à ce qui venait de se passer, ils décidèrent de continuer leur route avant que le Gardien, qui avait été assommé par l’explosion du sac, ne revienne à lui.

Les tirs fusaient en tous sens avec un vacarme assourdissant, en partie couvert par les pas lourds des Gardiens. Aimy sautillait au milieu des tirs comme une Yigling sur un parcours de furtivité, évitant rayon après rayon avec cette élégance qui lui était propre. Un peu moins gracieux, Suppa se téléportait ici et là pour ne pas se faire toucher, laissant derrière lui de petits nuages de fumée. À côté de ses deux amis bien plus rapides et agiles que lui, Kohga faisait bien pâle figure. Un mal de jambes l’avait forcé à léviter maladroitement et il rebondissait comme une puce au moindre bruit, ce qui lui donnait une allure particulièrement cocasse.

Heureusement, les attaques finirent par se raréfier, laissant place à un calme humide, tiède et anxieux. Remettant pied à terre, Kohga se laissa aller à de douces et tranquilles rêveries. Il pensa à Aimy, observa les fleurs qui poussaient dans l’herbe au bord du chemin, regarda le ciel…

Aimy hurla, Kohga sortit enfin de ses pensées et se tourna vers elle, l’officière se téléporta. Ce n’est qu’à ce moment qu’il vit l’énorme Gardien en embuscade derrière un panneau publicitaire et le faisceau de lumière qui filait dans sa direction. Cette fois, il n’y avait pas de sac de marchandises ni d’officière zélée pour le sauver, et il était trop tard pour tenter quoi que ce soit.

Kohga eut l’impression d’attendre des siècles durant. La lumière le lacérait et déchirait le ciel, et il ne voyait plus rien. Et puis plus rien, juste le noir, et il crut que tout était fini.

La première chose que Kohga vit en ouvrant les yeux, ce fut un long nez pointu, puis deux grands yeux verts pleins de douceur et de mélancolie. Une femme aux traits familiers était en train de panser ses plaies. Kohga connaissait par cœur chaque trait de ce visage tranquille et endurci, mais son esprit était si embué qu’il ne pouvait reconnaître celle qui était en train de le soigner.

— Ne bouge pas. Je vais panser tes plaies et remonter ton énergie…

Cette voix… Même s’il savait que c’était impossible, Kohga savait qui était cette femme.

— Maman…

Marika Kohga lui rendit son sourire, avec une mélancolie presque relaxante. Une douce chaleur emplissait la pièce, mais une sombre pensée vint troubler Kohga. S’il avait rejoint sa mère, cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose.

— Est-ce que… est-ce que je suis…

— Mort ? termina Marika d’un ton calme. Non. Pas maintenant. De grandes choses t’attendent, et tu ne vas pas mourir ici…

En grimaçant, elle appliqua sur le visage de Kohga un baume violâtre à la forte odeur de banane. Apaisé, Kohga ferma les yeux.

La première chose que Kohga vit en ouvrant les yeux, ce fut les deux perles coquelicot emplies d’inquiétude d’Aimy. Il était plus meurtri et ensommeillé qu’il ne l’avait jamais été, mais miraculeusement indemne.

Kiko apparut à côté d’Aimy avec un gros « pouf » enfumé. Elle avait relevé son masque, laissait entrevoir ses yeux cernés et son visage fatigué. Cela faisait des années que Kohga n’avait pas vu l’infirmière en chef sans son masque. Il ne put s’empêcher de remarquer avec étonnement que son visage était plus fatigué que dans ses souvenirs, et un peu ridé. Contrairement aux Hyliens, qui dépassaient rarement cent ans, ou aux Sheikahs qui rabougrissaient avec le temps en dépit d’atteindre un âge avancé, les Yigas vivaient parfois jusqu’à trois cents ans. Enfin en théorie, car, du fait de leurs vies de guerriers et d’assassins, on pouvait compter sur les doigts d’une main ceux qui mourraient de vieillesse. Sans compter le nombre de « demis » ou « moitié-moitié », c’est-à-dire les Yiglings qui naissaient de l’union d’un Yiga avec un humain, un Hylien, un Sheikah ou, dans le cas de Kohga, une Gerudo. Kiko, de son côté, semblait plus tenir de son père Hylien et pas de sa mère Yiga.

Un masque de surprise recouvrit le visage de l’infirmière.

— Mais… bégaya Kiko, d’un air encore plus ahuri que d’ordinaire. Il y a dix minutes, tu étais…

Ne pouvant en dire plus, elle lui tendit un petit miroir rond cerclé d’or et d’éclats de rubis rouge, et Kohga constata que son visage et sa poitrine étaient marqués de cicatrices d’un violet noirâtre.

— Mais… Je… La seule personne qui aurait soigné une brûlure de Gardien comme celle-ci…

Une lueur de tristesse s’alluma dans les yeux de Kiko, et Kohga se souvint enfin. Il se rappela les derniers mots de sa mère sur son lit de mort.

— Nos âmes resteront… à jamais liées…

""" Qui a pleuré ? Que le coupable se dénonce ! Non en vrai tout le monde a les larmes aux yeux. Marika est clairement mon personnage préféré."""

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