Aussi exubérant qu’à son habitude, le Grand Kohga déposa son arrière-train rebondi sur son bureau de professeur.

— Et c’est ainsi que le premier Kohga découvrit la technique d’illusion Yiga de base. Questions ?

Une main se leva dans la classe presque vide. C’était celle de l’ingénieuse et candide Yüka, une orpheline recueillie par le Clan il y a huit ans de cela.

— Je ne comprends pas… fit la jeune Yiga, perplexe. Comment ça se fait que personne ne l’ait découvert avant ? Les Sheikahs connaissaient aussi la magie, non ?

Le chef des Yigas réfléchit un instant, mais ne trouva rien à répondre.

— Et bien c’est parce que… euh… sans doute… c’est une bonne question…

Un énorme « Pouf » sonore et enfumé le coupa dans ses réflexions brumeuses. Kohga écarquilla les yeux. Devant lui, sublime malgré un âge déjà avancé, gracieuse quoique plus rabougrie qu’une vieille pomme gâtée, se tenait la lieutenante Liouda.

— Liouda Aako au rapport. J’ai une bonne nouvelle et une très mauvaise.

Kohga fronça les sourcils. Il n’aimait pas les mauvaises nouvelles, et encore moins les très mauvaises nouvelles.

— Commencez par la bonne !

Liouda sembla presque sourire derrière son masque.

— Je dois commencer par la mauvaise, alors la voilà : le héros d’Hyrule a refait surface.

Le Grand Kohga manqua de s’étrangler.

— Hein ?! Où ?! Quoi ?! Comment ?!

— Sur le plateau du prélude, dans la plaine.

Le chef des Yigas jura intérieurement. Il y avait déjà Vah’Naboris, les monstres, la famine, et comme si ça ne suffisait pas, ce faux jeton de Link, cet assassin sans cœur et sans morale.

— Et il y fait quoi ? Il… il va attaquer le Clan ?

À nouveau, l’ombre d’un sourire passa sur le visage impassible de Liouda.

— Ce qu’il y fait ? Oh, un peu de tout… Il cuisine, il collectionne les papillons, il visite les anciens sanctuaires Sheikahs…

Kohga toussa si fort qu’il faillit s’étouffer.

— Vous êtes sérieuse ? Mais il… il est fou ? Il a tout oublié ?

Liouda sembla réfléchir.

— Je dirais qu’il est amnésique, oui. Ou il fait semblant de l’être. Vous souhaitez que je m’en débarrasse personnellement ?

— Absolument pas ! fit Kohga, qui sentait arriver l’une de ces crises de nerfs dont il se pensait guéri et vacciné. Je le tuerai de mes propres mains ! Et maintenant, allez-vous-en, j’ai un cours à donner !

Liouda, hébétée, poussa la porte et sortit. Le chef du Clan, habituellement sympathique malgré son manque de formalité, s’était montré particulièrement désagréable. Elle s’attendait bien à ce que cette nouvelle lui déplaise, mais pas à ce point. Cent ans plus tard, le chef du Clan en voulait toujours au héros Link. Elle ne le savait pas si rancunier, mais cela ne l’étonnait pas. Après tout, le jeune Hylien avait tué sa fille. Il avait tué l’héritière du Clan.

Il devait payer cette offense.

Payer de sa vie.

"""Plus l'histoire avance et plus j'aime Liouda. En fait la bêta-lecture est pas finie donc je continue à publier. Deux ou trois chapitres aujourd'hui, pour rattraper le retard."""