Chapitre 42 Le masque de la foudre

5 minutes de lecture

Pour la cinquième fois, Aimy se regarda dans le miroir et ajusta les lourds bracelets d’argent à ses poignets. Même si la Yiga n’était plus toute jeune, cette tenue la mettait en valeur. Un haut court orné de motifs évoquant vaguement ceux des vêtements des Sheikahs lui couvrait la poitrine, tandis que ses chevilles et ses poignets soutenaient de fins et pesants anneaux argentés. Une large jupe pourpre coupée au genou soulignait une taille encore svelte malgré un âge déjà avancé et ses bijoux de métal argenté tintaient à chaque mouvement. De près comme de loin, elle ressemblait en tout point aux gentils chiens-chiens Sheikahs de la famille royale, mais les apparences étaient trompeuses.

Des heures durant, Aimy s’était entraînée à imiter les gestes, les manies et la façon de parler des Sheikahs. Elle avait mis de côté sa fierté et appris à singer les manières candides et serviles de ce peuple soumis et méprisable. Mais, même déguisée à la perfection, une Yiga restait une Yiga. Or Aimy était l’une des meilleures guerrières de sa génération, si ce n’est du Clan.

Un énorme « pouf » sec et enfumé marqua l’arrivée d’un autre Yiga. En se retournant, Aimy distingua le visage sévère et flétri de la lieutenante Liouda. Déjà différentes un bon siècle plus tôt, Aimy et Liouda semblaient maintenant d’exacts opposés. Le temps avait fané l’imposante Liouda, qui ne dépassait pas la taille d’un Yigling de dix ans, et chiffonné ses traits délicats. Aimy, quant à elle, n’avait pas rabougri plus que ça, mais un demi-siècle de régime forcé l’avait amaigrie, et l’on voyait jusque sur son visage les marques d’une vie bien remplie.

— Officière Aimy, êtes-vous prête à accomplir votre mission ?

Aimy, au garde-à-vous, lui répondit d’un signe de tête.

— Dans ce cas-là, la mission commence maintenant ! Ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas long !

L’esprit ennuagé, Aimy jeta dans une grande marmite remplie d’eau quelques champignons et une carotte vigueur fanée par son séjour dans sa sacoche, avant de remuer énergiquement. De son pas rapide et maladroit, Yüka s’approcha et y rajouta du piment. Puis elle jeta dans la marmite la viande de la gazelle qu’elle venait d’abattre, et les trois Yigas se rassemblèrent autour du feu en attendant que ce ragoût sommaire soit prêt.

Comme à son habitude, Toya pestait, râlait et rouspétait. Après la lieutenante Liouda, après « cette fichue mission », après le héros Link, après le Grand Kohga… C’en devenait insupportable. Aimy soupira. Kara et Toya étaient nées à quelques heures d’intervalle. Sans Link, cette ordure sans cœur et sans pitié, ce soi-disant héros… sans Link, sa bien-aimée fille aurait elle aussi pris part à la mission. Mais dès le lendemain, ils pourraient réparer cette injustice. La mission était simple en apparence, mais d’une importance capitale : elles devaient voler le Masque du Tonnerre, trésor du peuple Gerudo, qui appartenait à Lady Riju. Grâce à cet artefact ancien qui protégeait son porteur de toute forme d’électricité, les Yigas pourraient prendre le contrôle de Vah’Naboris ou appâter le héros Link. La vengeance du Grand Kohga ne pourrait s’accomplir que si Aimy menait à bien sa mission.

Aimy avait été très surprise d’apprendre que Lady Riju, dont les exploits se chuchotaient partout dans le royaume, venait de fêter ses douze ans. Même chez les Yigas, où l’âge de la majorité était de treize ans, il était très rare qu’un chef soit aussi jeune. Il n’y avait qu’à espérer qu’elle tienne plus d’une jeune Gerudo superficielle que de la cheffe impitoyable dont Aimy avait entendu parler.

À l’évidence, les Gerudos n’étaient plus le peuple fort et fier que les temps anciens avaient connu. Quand Aimy, Toya et Yüka passèrent la porte de la cité, elles s’attendaient à un interminable contrôle de sécurité et une nuée de gardes, mais point de tout cela. Une garde petite et filiforme fouilla leurs sacs et leurs poches, puis les laissa entrer dans la cité. En cent ans, l’endroit n’avait pas changé. Les mêmes bâtiments de pierre et de sable, les mêmes pavés usés par le temps, les mêmes échoppes prospères et envahies de touristes qui piaillaient comme des Yiglings.

— Bon… fit Aimy, agacée. On y va, on vole le masque et on repart.

Seul le brouhaha des touristes lui répondit. En se retournant, Aimy vit que ses camarades n’étaient plus à ses côtés. Elle distingua la silhouette élancée de Toya au magasin de bijoux et vit Yüka qui marchandait sur le prix d’un arc. Aimy allait devoir se débrouiller.

À la grande surprise d’Aimy, le palais de Lady Riju était vide, à l’exception d’une garde quasi sphérique qu’un fumigène Yiga suffit à éloigner. Aimy se glissa dans la salle du trône tandis que la Gerudo s’éloignait en toussant. Là, sur un piédestal de roche couleur de sable, trônait le Masque du Tonnerre. C’était un masque d’or gerudo dont les traits finement ouvragés rappelaient ceux de la créature divine Vah’Naboris. L’objet était orné de six gemmes d’un bleu turquoise et deux joyaux rouges encadraient l’avant du masque. C’était, à n’en pas douter, un bijou absolument magnifique, et Aimy ne doutait pas que si le chef du Clan ne lui avait pas demandé de le rapporter au repaire, elle l’aurait volontiers gardé pour elle.

Aimy prit un instant pour apprécier pleinement sa victoire, mais c’était presque trop facile, et cela ne lui inspirait pas confiance.

— Lâchez ça tout de suite !

Aimy se retourna et vit la silhouette gracile d’une fillette se dessiner dans l’encadrement de la porte. L’enfant avança vers elle et la toisa avec mépris.

— Yiga… enfant de chienne galeuse !

Aimy serra les dents, mais ne put s’empêcher d’éprouver un peu d’admiration envers ce petit bout de femme portant sur ses épaules le lourd poids d’un peuple. Un instant, l’officière hésita à lui rendre le Masque. Elle vit la peur et la colère passer dans le regard de la fillette, et cela ne lui allait pas.

Lady Riju était petite et gracile. Elle avait les yeux verts et le nez pointu caractéristiques des Gerudos. Sa chevelure d’un roux flamboyant et son air déterminé lui rappelait la défunte Urbosa. Malgré son jeune âge, la cheffe des Gerudos semblait mature, courageuse, endurcie même, et la rage bouillonnait dans son regard vert bouteille.

— Posez ça tout de suite, sinon…

— Sinon quoi ?

Toya et Yüka, qui venaient d’apparaître de part et d’autre d’Aimy, faisaient face à la jeune Gerudo. Yüka banda son arc, tandis que Toya répéta, en articulant aussi exagérément que si elle parlait à un Yigling en bas âge.

— Sinon quoi ?

L’air se chargea d’électricité, puis une lueur verte crépitante s’alluma dans le regard de Lady Riju. Toya grimaça.

— Houlà, ça, ça sent pas bon… On s’replie !

Sur ce, un énorme « pouf » enfuma la pièce. Quand Riju parvint enfin à voir clair, les trois Yigas avaient disparu, et le masque aussi.

"""Introduction de Yüka dans ces derniers chapitres. Retenez ce nom, il sera important pour la suite. (Et je vous dirai pas pourquoi, na-na-nère !)"""

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Loumicrobes ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0