Chapitre 51 Échec et Mara

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La mission était simple : trouver et tuer Link. C’était une mission facile sur le papier, mais personne ne savait où se trouvait le Héros. Mara attendait donc dans cette auberge miteuse que d’aucuns nommaient un relais. Le Clan lui avait payé un lit très correct et un forfait de pension, mais les repas étaient indigestes. Mara, pourtant peu exigeante en matière de nourriture, n’en pouvait plus.

Assise à l’une des tables, Mara attendait le repas. Enfin, après vingt minutes d’une attente interminable, le serveur du relais arriva avec une assiette d’une soupe verdâtre et gluante dans laquelle flottaient des morceaux colorés d’une matière indescriptible. Mara s’emporta.

— Ah non hein, pas encore d’votre infâme boustifaille ! J’mangerai pas d’votre étouffe-Hylien !

— Mon quoi ? s’offusqua le cuisinier.

— Vot’infect étouffe-Hylien !

— Ça ? Mais c’est de la haute gastronomie ! Un plat de luxe, une véritable ambroisie ! La légende raconte que la princesse Zelda en raffolait !

Mara porta à sa bouche une cuillerée de l’étrange mixture. La princesse Zelda n’aurait jamais pu avaler une chose pareille. C’était fade et collant, avec un arrière-goût âcre et amer.

Avec un grognement, Mara balaya l’assiette d’un revers de bras. Le récipient s’écrasa au sol, répandant son désagréable contenu et quelques morceaux de terre cuite. Indifférente, la Yiga se leva, tourna les talons et quitta le relais.

— Puisqu’vous êtes pas capable d’me donner quelqu’chose de mangeable, j’vais m’chercher à manger toute seule !

Mara longea le chemin sans rien trouver. Au bord de la route de terre battue poussaient ici et là quelques herbes fines et sèches. Curieuse, elle en fourra une dans sa bouche. L’herbe, amère et un peu sucrée, était consommable, mais pas vraiment meilleure que la nourriture du relais.

Après une dizaine de minutes à marcher, Mara trouva un pommier isolé à quelques mètres du chemin. En haut de l’arbre, perdues dans un feuillage verdoyant, se trouvaient trois énormes pommes sauvages un peu flétries. La Yiga gravit l’arbre en quelques secondes et saisit une pomme. Elle allait redescendre, mais un léger sifflement se fit entendre. Mara leva la tête. Au loin, elle distingua la silhouette d’un énorme oiseau au chant peu agréable qui volait mollement dans sa direction.

Ce n’est que quand il fut à quelques mètres d’elle que Mara comprit. Ce n’était pas un oiseau. C’était un jeune homme d’une quinzaine d’années accroché à un genre de cerf-volant. Tout en tombant lentement vers le sol, il sifflotait un air traditionnel Hylien bourré de fausses notes. Il prit la route du relais, sans remarquer Mara.

Mara laissa échapper un juron. Elle avait poireauté trois jours dans cette auberge infâme en espérant y croiser le Héros Link, et c’était durant sa seule sortie qu’elle le trouvait. Mais son agacement fit place à une joie immense. Elle avait trouvé Link. Elle allait le saigner comme un chien et rapporter son corps au repaire, et alors elle aurait les honneurs de la cheffe du Clan, peut-être même le poste tant convoité de conseillère personnelle du Grand Kohga.

Mara sortit du sac qu’elle avait en bandoulière deux couteaux de jet, qu’elle lança en direction de Link. Le premier manqua sa cible. Pas le second. Mara frappa dans ses mains, dissipant son déguisement, puis fonça sur Link.

En voyant arriver le projectile, Link s’était jeté en arrière et étalé lourdement dans la poussière. Le couteau avait traversé sa manche en entaillant son épaule gauche. Le temps que Link se relève péniblement, Mara lui avait sauté dessus et l’avait à nouveau plaqué au sol dans la poussière.

Mara avait appuyé l’arrondi de sa serpe contre la gorge de Link. Un seul geste, un seul, et il était mort. La Yiga savourait pleinement l’instant. La terreur brillait dans les yeux de Link. Son regard implorait Mara de changer d’avis, mais elle n’obtempéra pas. Un coup de serpe, et le sang trempait le sable du chemin et les vêtements de Mara, qui grimaça de dégoût, avant de partir d’un rire machiavélique.

Une lumière bleue s’éleva autour de la dépouille du chevalier, si brillante que Mara en fut aveuglée un instant. Quand elle rouvrit les yeux, le corps de Link n’était plus là. Le sol, aussi immaculé que sa combinaison, ne portait plus aucune trace de l’attaque, si ce n’est un peu de poussière.

Mara, qui avait entendu un sifflement, se retourna rageusement, prête à passer ses nerfs sur celui ou celle qui arrivait. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle aperçut Link qui remontait le chemin en sifflotant, l’air de rien, la main posée sur le pommeau de son épée. La guerrière Yiga laissa échapper un juron, puis se téléporta dans la grande salle du repaire, qu’elle traversa tête baissée.

En voyant arriver Mara, Yüka, qui était restée affalée sur le trône comme un vieux sac, sembla refaire surface. Son retour ne pouvait signifier qu’une chose.

— Commandante Mara ! Vous avez tué le héros Link ?

— Euh… bafouilla Mara. Ben j’crois, mais…

— Vous croyez ?! demanda Yüka, abasourdie. Comment ça !

— Ben… J’l’avais tué, y’avait plein d’sang et tout, et la y’a une lumière bleue et y disparaît, et pis y r’vient par l’aut’côté…

Yüka frappa violemment son poing contre son accoudoir. Si elle avait fait de l’élimination de Link sa priorité, ce n’était pas tant pour se venger que pour laver son honneur. La jeune fille avait fait le choix de juste donner l’alerte au lieu de tuer Link, de lui laisser une chance…

Chance dont il s’était servi pour assassiner son chef et maître bien-aimé. Yüka le détestait.

Pour Yüka, comme pour la plupart de ses congénères, le Clan était tout. Et à juste titre, car les Yigas, à ce que l’on disait, étaient les véritables maîtres d’Hyrule. Mais Link réussissait, par sa seule présence, à faire tout cafouiller. Le Clan voyait tout, entendait tout, mais n’était pas fichu de remettre la main sur un adolescent, Hylien qui plus est. Et Yüka, pour les beaux yeux d’un Prodige de l’ancien temps, avait indirectement causé la mort d’un chef d’envergure, sans doute l’un des meilleurs que le Clan ait connu. Depuis ce jour-là, le Clan battait la breloque et tout allait de travers.

— Deux semaines de garde, dit froidement Yüka. Et une semaine sans festivals.

— Hein ?! Mais ?

— Deux semaines de garde et une semaine sans festivals.

Yüka n’avait pas le côté chaleureux et un peu autoritaire du Grand Kohga. Élevée à la manière Sheikah, elle était adroite et un peu naïve, comme Aimy à son arrivée dans le repaire. Mais, à l’instar de cette dernière, elle pouvait aussi, en de rares occasions, se montrer particulièrement froide et pragmatique.

Heureusement, Yüka n’était pas aussi explosive dans ses émotions que l’ancien chef du Clan. Ce côté froid et rancunier étonnait toujours Mara, qui considérait les jeunes Sheikahs comme des gosses de riches dédaigneux et sans honneur. Mais quand Yüka parlait, les autres Yigas écoutaient. Et obéissaient.

— D’accord, ô Grand Kohga.

"""Petite anecdote un peu morbide : l'odeur du sang d'Hylien a un drôle d'effet sur Mara. Quand elle abat un Hylien (ou qu'elle se blesse, puisqu'elle est à moitié Hylienne), elle est prise de fringales incontrôlables. Ouais, c'est une drôle de bestiole. Ce n'est pas normal, même pour une Yiga."""

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