Chapitre 53 Mezna
Parmi les trésors du Clan, l’un des plus importants était la carte de Xhinta. Cette table carrée, ornée du dessin en relief d’une sublime carte d’Hyrule, était un cadeau de l’un de ses proches. C’était avec à cette carte que, presque deux cents ans plus tôt, Xhinta la Combattante avait planifié la bataille de la Lune de sang, bataille qui avait décimé le Clan. Quelques jours plus tard, son fils unique, Kohga quatrième du nom, l’avait provoquée et vaincue dans un duel à mort pour le poste de chef du Clan.
Enfermée dans sa folie et ivre de sa puissance, Xhinta avait cru pouvoir régler le problème Kohga comme elle réglait tous les autres problèmes : à coups de tranche-vent. Obnubilée par la perspective du sang Hylien se déversant sur ses terres comme un torrent d’une montagne, elle ne s’était pas rendu compte que son fils n’était plus un gamin, mais un guerrier fier et puissant. Gravement blessée et privée de son honneur, Xhinta s’était alors donné la mort avec son propre tranche-vent.
C’était sur cette même table que, ce jour-là, la Capitaine Aimy préparait un raid sur un petit village Hylien de la plaine.
— Comme d’habitude, nous tâcherons de ne pas verser inutilement le sang, déclara Aimy d’un ton autoritaire. Nous nous contenterons de prendre la nourriture et une partie des ressources. Bien entendu, nous ne brûlons pas le village.
Elle se tourna vers celle que les autres Yigas avaient surnommée « Mara l’incendiaire », laquelle poussa un lourd soupir d’ennui.
— Ne tuer personne… pas d’feu, pas d’sang… Bientôt que l’autre elle nous dira d’prendre le thé avec ! Tu crois sérieus’ment qu’eux y vont s’gêner pour nous mettre des tartes ?! T’as pas vu l’état de Toya après l’attaque d’Elimith ! Un peu plus et y z’en faisaient d’la nourriture pour fées ! Ces Hyliens d’malheur méritent d’mourir à genoux comme les chiens galeux qu’y sont !
Aimy eut un sourire plus doux-amer d’un chutney de fruits volt.
— Apparemment, tu ne te souviens pas plus de ce que t’a dit la Conseillère Liko que des cours d’Hyrulien qu’elle t’a prodigués.
Mara ne trouva rien à répondre sur le moment, mais la flamme au fond de ses yeux brûlait comme l’incendie qui avait ravagé les villages Hyliens de la plaine.
Cette discussion se solda sur une dispute dont je vous épargne le contenu aussi vulgaire que répétitif. Sachez juste que cette chère Aimy fut traitée d’Hylienne, de lâche et d’assassine de bas étage, tandis que Mara fut taxée de meurtrière, comparée à Xhinta Kohga et menacée de rétrogradation.
Finalement, il fut décidé qu’une équipe composée de Mara, Aimy, Yüka et Liouda, ainsi que du conseiller Tom et de trois sous-fifres serait assignée à la mission. En tant que nouveau Grand Kohga, Yüka devait participer à un maximum de missions. C’était, paraît-il, une manière de se forger le caractère. Il faut dire que la jeune fille était l’une des Kohga les plus jeunes que le Clan ait connus.
La petite équipe se téléporta donc près du village. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils découvrirent, à la place de la petite bourgade, des ruines noircies et fumantes. Les petites maisons pittoresques n’étaient plus qu’un tas de gravats et ils n’y virent pas âme qui vive. Au milieu de ce terrain vague sautillait une grenouille particulièrement grosse dont le coassement était très désagréable.
— Bon… soupira Aimy. Avec un peu de chance, nous pourrons trouver un peu de nourriture ou des objets de valeur. Fouillez tout.
Sur ce, chacun s’affaira à fouiller les décombres. Mara trouva une énorme pomme noircie par le feu, qu’elle engloutit immédiatement, alors que Liouda mit la main sur un rubis violet. Soudain, le sifflement de Yüka déchira le silence. Dix secondes plus tard, tous les Yigas l’avaient rejoint.
— Tout va bien ? demanda Liouda, qui avait saisi son tranche-vent. Personne n’est blessé ?
D’un hochement de tête, Yüka lui signifia qu’il n’était rien arrivé de grave.
— Alors quoi ? grinça Mara, agacée.
La jeune Kohga désigna un grand morceau de roche appuyé contre le mur.
Quelques mouvements de doigts suffirent à Aimy pour faire disparaître la masse rocheuse dans une petite détonation. Avachie contre le mur, il y avait une petite Hylienne endormie qui semblait à demi morte. Des gravats et quelques parchemins s’étaient coincés dans ses cheveux et la poussière recouvrait son minois, de sorte que ses traits étaient parfaitement indiscernables. Son corps couvert de bleus et de brûlures et sa respiration lourde et saccadée ne laissaient rien présager de bon.
Yüka laissa échapper un couinement attendri devant ce petit être vulnérable, tandis que Mara faisait la grimace. Liouda, comme à son habitude, resta impassible. Sur un ordre de la cheffe du Clan, Mara ramassa la fillette, qui gémit de douleur. Au contact de la petite créature, la sous-fifre ne sut que faire. Son instinct de guerrière lui disait de la transpercer d’un coup de serpe tandis que sa part Hylienne la sommait de n’en rien faire et de soigner le petit bout de femme qui venait d’enrouler ses bras autour de sa poitrine menue. Pour une fois, ce fut cette dernière qui l’emporta. Serrant la gamine contre son cœur, elle observa ses camarades qui enchaînaient les trouvailles.
Une bonne demi-heure plus tard, la petite troupe était de retour au repaire. Sans trop réfléchir, Mara posa la petite sur le sol pavé de la grande salle. Mal lui en prit, car Belle la remarqua et lui fonça dessus.
— Mais enfin ! piailla la petite femme replète. Tu vas pas la laisser là ! Tu as vu dans quel état elle est ?
— Beuh… c’est rien d’grave…
Belle soupira. Mara semblait ignorer que les Yigas se rétablissaient beaucoup plus vite des blessures et bobos que les fragiles Hyliens, que le moindre coup de vent suffisait à blesser. Une Yigling se serait remise de ces quelques bleus et brûlures en un jour ou deux, mais la vie de la petite ne tenait qu’à un fil.
— Apporte-la à Kiko, lança Belle d’un ton autoritaire. Elle saura quoi faire.
Belle voulut ramasser la petite, mais celle-ci ouvrit en grand deux yeux d’un bleu presque blanc.
— Mezna ! piailla la jeune Hylienne. Fae ya !
— Mais ?! bégaya Mara. Elle est complètement Tingle !
Belle eut un sourire mauvais.
— Ça vous fait déjà un point commun !
— Mezna, chantonna la petite. Tingle, Tingle, Kururin paa!
Mara grimaça.
— Quoi, Mezna ? C’est quoi ? Ça se mange ?
Belle rit.
— C’est de l’ancien Hyrulien, expliqua-t-elle. Mezna… attends… Je crois que ça veut dire « Refuge. »
— Fuge ! répéta la gamine. Mezna ! Fae ya !
"""Dans ce chapitre, il y a des réf's... Qui a lu "La légende de Hyrule" ? Du reste, j'ai toujours dit "d'Hyrule". De Hyrule... En puis quoi encore ?!"""
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