Chapitre 69 Regrets
Aimy s’était assise au bord du précipice. Ses pieds pendaient dans le vide et un coussin de soie mité l’isolait des terribles miasmes de l’abîme. Un bruit de pas derrière elle la fit se retourner. C’était Kiko.
À peine plus vieille qu’Aimy, l’infirmière en chef aurait pu se faire passer pour sa grand-mère. Son visage fatigué, ses cernes et sa canne de bois sombre lui donnaient l’air encore plus âgé qu’elle ne l’était vraiment.
— Eh bien, qu’est-ce qui ne va pas ?
— Rien, mentit Aimy. Tout va bien.
Kiko pencha la tête sur le côté d’un air dubitatif.
— Je ne suis peut-être pas aussi talentueuse que Marika, mais je sais reconnaître quelqu’un qui ne va pas bien. Tu n’es pas malade, au moins ?
Non, Aimy n’était pas malade. C’était tout autre chose qui la préoccupait.
— C’est à cause de Kohga.
— Tu es déçue qu’il ne soit plus chef ? Enfin, Yüka a un peu de mal à se faire respecter, mais…
— Non, ce n’est pas ça.
— Oh, je sais ! pronostiqua Kiko. Tu regrettes de l’avoir démis de ses fonctions, c’est ça ?
— Oui, enfin non, enfin… Il le méritait, il mettait le Clan en danger avec ses projets dingos.
— Ce que je demande, insista Kiko, ce n’est pas ce dont le Clan avait besoin, mais ce que tu ressens là.
Elle tendit son index vers la poitrine d’Aimy, qui eut un faible sourire.
— Je me sens un peu sale, avoua Aimy. J’ai l’impression de trahir Kara.
— Je ne la connaissais pas bien, mais je doute qu’elle aurait été emballée par l’idée de verser le sang des nôtres pour une bête vengeance.
— Et puis il y a aussi Kohga, poursuivit Aimy. Ça fait trois jours qu’on ne l’a pas vu…
— Franchement ? Il aurait été capable d’oublier de prendre des parchemins ou de s’endormir n’importe où, tu ne crois pas ?
— Oui, oui, ce doit être ça, supposa Aimy.
Elle ne savait pas si elle cherchait à convaincre Kiko ou à se convaincre elle-même. Au fond d’elle, elle savait que ce n’était pas le cas.
Elle savait que Kohga avait affronté Link, et qu’il avait perdu.
"""Ce chapitre est bien. J'aime Kiko, j'aime les dilemmes de mes personnages, et j'aime l'idée d'Aimy assise au bord de ce précipice. Rhô, moi et mes métaphores lourdes..."""
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