1. Le debut de la fin

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Kurt

Je marchais droit devant moi, les rues étaient froides en ce temps d’hiver. Je profitais de la fraicheur de la soirée pour me remettre les idées en place. Je venais de me faire virer de mon taf, encore une fois. En vérité j’ai l’habitude, j’enchainais les petits boulots, ceux de serveurs, de caissier et autres travaux saisonniers. Pour celui-ci j’étais serveur et j’ai malencontreusement renversé un plateau de six bières sur un client. J’ai deux mains gauches, alors je me doutais parfaitement que ça allait m’arriver.

J’ai vissé dans mes oreilles mes AirPod, libérant une musique de hard métal. Un groupe ou une femme chante en glutéral, pour certain ce n’est pas de la musique, mais pour moi c’est ce qui me détend le plus. Je manque de me casser la figure, le verglas commençait à s’installer sur les pavés de la rue. Mes idées s’accordaient parfaitement avec le temps glacial.

Je me demandais comment j’allais payer mes factures encore une fois, je n’osais plus demander à mes parents. Eux sont tranquillement installés dans les îles à y passé leur retraite bien méritée. Ils m’ont proposé de les suivre, de venir vivre au chaud avec eux, mais je rêvais de mon indépendance. N’empêche que je l’ai eu cette liberté, sauf qu’aujourd’hui j’étais au fond du gouffre.

J’entrais dans mon petit appartement, une espèce de clapier à lapin de quinze mètres carrés. Je m’allonge sur mon lit, avec mes écouteurs toujours dans les oreilles. Regardant le plafond, le connaissant par cœur. Souvent les enfants peuvent voire des animaux dans les nuages, moi c’est dans les tâches de moisies noir qui parcourt mon appartement. J’ai deux mois de retard de loyer, mon proprio attend la fin de la trêve hivernale pour me foutre a la porte. Mon appartement est surement insalubre, mais il est bien plus confortable que les rues froides de la ville.

Je fermais les yeux quelque instant, me plongeant dans mes pensées les plus sombres. Je me demandais si ça en valait toujours la peine de se battre. J’ai beau me démener comme un diable, je ne fais que sombrer chaque jour. Si j’étais plus courageux, peut-être que je mettrais fin a tout ça. Je finis par m’assoupir, sombrant encore plus, mais cette fois dans un cauchemar.

C’est quelque heure plus tard que je me réveil en sueur, la musique toujours dans mes oreilles. Pour que j’arrive à m’endormir avec le son à fond c’est que je suis au bout du rouleau. Je me dirigeais vers ma salle de bain, faisant sauter toutes mes fripes pour me glisser dans la minuscule cabine. Putain… J’ai oublié de payer la facture de gaz, je me retrouve à prendre une douche froide. Cela aurait été suffisant, mais il semblerait que je n’ai pas payé la facture d’eau aussi. J’ai à peine le temps de me rincer que le jet s’amenuise jusqu’à ne plus rien avoir.

— Putain fais chier…

Je suis sûr que mes voisins entendent le flot d’injures que je finis par sortir contre le monde entier. Il faut que je prenne l’air, que j’aille dans un bar, trouver un pigeon qui me payera un coup. Dommage que je n’ai pas de joli décolleté pour le faire plus facilement. Je finis par sortie prenant mes plus beaux vêtements, dans l’espoir que cela changera quelque chose.

Je mets mes Airpod à nouveau, me coupant du monde, jusqu’à ma destination de ce soir. Cela me coupe tellement bien de l’extérieur que je ne vois rien de ce qui se déroule autour de moi. Je ne vois pas le ciel devenir sombre, les nuages repoussés pour laisser place à une carapace d’acier. Je ne vois pas non plus les gens courir autour de moi affoler. J’ai les yeux rivés sur le pavé pour éviter les plaques de verglas. Sauf qu’un mec plus grand que moi, paniqué comme pas possible, me rentre dedans en me faisant tomber a la renverse. Il ne s’excuse pas et se barre en hurlant comme une gonzesse devant un sac Guess.

— Connard ! Ne t’excuse pas, bordel !

Mon retour à la réalité me fait prendre conscience de ce qui se passe enfin. J’ai le cul posé sur les pavés glacials, un seul écouteur dans l’oreille qui hurle en continu, et devant moi un être qui n’a rien d’humain. J’ai l’impression de me trouver dans La Guerre des mondes. Le mec, enfin l’ovni… non, l’alien pose sur moi des yeux immenses et jaunes, des pupilles fendues se dilatent en me fixant. Sa peau est d’une couleur mauve avec des nuances orangées. Son corps est long et fin, finissant sur deux pattes comme celles d’un cheval, ainsi qu’une longue queue fine qui se tord dans tous les sens.

J’étais pétrifié, horrifié, et je me demandais si je ne m’étais pas pissé dessus, car je trouve le sol sous mes fesses étrangement chaud. L’alien tend alors vers moi une main avec seulement trois doigts plus longs que ma main entière. Je suis tellement tétanisé par la peur que je ne bouge pas. Il attrape, mes écouteurs et mon téléphone avec, les portants à ses propres oreilles, de simples trous dans son crâne ovale.

Il reste quelques instants à écouter avant qu’il ne fasse un sourire, dévoilant une rangée de dents semblables à des crocs de requin. Il commence à remuer la tête au rythme de la musique, avant de finalement sautiller sur place en faisant une danse de métalleux. Il secoue la tête dans tous les sens imitant aux airs guitare des plus ridicules. D’un coup, ma peur s’envole, car la crédibilité de cette chose vient de chuter d’un coup. Il finit par se stopper et me redonne mes écouteurs, avant de m’attraper par les épaules et me relever. Son sourire a quand même le don de me crisper.

— Elle est cool ta musique… meeeec !

Merde, il parle notre langue en plus, mais c’est quoi cette façon de parler ?

— Tu comprends ce que je dis, meeeec ? J’ai appris votre langue grâce à votre télé. Vos émissions avec ceux qui habitent tous ensemble, tu vois le genre. Les anges de ch’ais pas quoi.

Ah ! Je comprends mieux, s’il a appris à parler avec Les Anges de la télé, la Terre est perdue. Ce n’est pas vraiment une grosse référence ce genre d’émission. J’essaie de lui répondre, mais mes dents claquaient toutes seules.

— Euh… euh… si je comprends, mais… euh… enfin vous êtes là pour tous nous tuer ?

— Bien sûr, on va tous vous exterminer, mais toi, je t’aime bien, je vais faire de toi mon esclave.

Je blanchis d’un coup, mon réflexe premier est de faire comme tout le monde : je tourne les talons et préfère prendre mes jambes à mon cou. Sauf qu’en quelques enjambées je me retrouve dépassé par le monstre, qui me fait alors un sourire carnassier.

— Pourquoi tu fuis Médor ? Je viens de te dire que toi je ne te tuerais pas.

Il me parle avec une voix doucereuse qui me glace le sang encore plus, difficile de ne pas paniquer a vrai dire. Le verglas semble être du côté de cet alien, mon pied ripe sur un pavé. Je m’écroule par terre, mais juste avant que ma tête ne touche le sol, je sens la main immense m’attraper la gorge.

— Rooh, mais meeec, ne t’abime pas, j’ai envie de te garder en bon état. Si tu fais partie des derniers pignoufs, autant que vous soyez en bon état pour les enchères.

C’est complètement dingue, il me parle de ça comme si c’était tout à fait normal. Comme si limite je devais lui être reconnaissant. Il m’entour la taille de son bras, me soulevant de sol. En quelque bond nous avons rejoint son vaisseau, ou il me pose délicatement devant. Mes jambes cèdent sous moi et je tombe à genoux.

— Médor, voyons.

— Je m’appelle Kurt…

— Non je t’ai appelé Médor, alors tu t’appelle Médor a partir aujourd’hui.

Il est taré, je ne suis pas une putain de cleps. Je tente une nouvelle fois de lui échapper, mais ses longs doigts m’enserrent une nouvelle fois la gorge. Je manque de m’étouffer tellement il me sert fort. Il allait me tuer, j’en étais certain, cette fois était la bonne. Je ferme les yeux et je sens son souffle parcourir ma joue.

— Tu sens la peur, c’est… délicieux. Mais n’ait pas peur Médor, j’aime ta musique, je vais te garder pour moi d’accord ? Tu n’iras pas aux enchères, promis.

J’ai toujours les yeux fermés, mes pieds ne touchent plus le sol et je le sens avancer. Le bruit métallique de la plaque sur lequel il marche résonné dans mes oreilles. Quand j’ouvre les yeux, je me trouve dans une grande cabine. Il me dépose délicatement dans une grande cage en acier ou se trouve trois autres personnes. L’alien nous regarde de ses yeux immenses, son sourire carnassier ne semble pas s’effacer comme si c’était simplement son visage normal.

— Encore deux femelles et un mâle et ça devraient être bons, murmure-t-il.

Il ferme la cage avant de repartir nous laissant seuls. Je me rue sur la porte essayant de l’ouvrir, la secouant dans tous les sens pour tenter de me libérer. Rien n’a y faire, elle semble faite en un alliage bien plus solide que le fer terrestre.

— Laisse tomber on a déjà essayer plusieurs fois, n’y’a rien faire.

Un mec est recroquevillé dans un coin, ses mains semblent en sang. Je ne sais ce qu’il a fait, mais quand je vois que certaines barres de notre cage sont rougies je devine immédiatement. Je m’assois contre la paroi, ramenant mes genoux à mon menton. D’un coup la merde noire dans laquelle je me trouvais avant, me semble carrément plus douce.

Quelque instant plus tard, l’alien revient avec deux femmes sous un bras, ainsi qu’un homme qu’il tient par les cheveux. Il les balance dans la cage avant de refermer derrière eux.

— Bien j’ai assez de pignouf, Médor donne moi ta boite a bruit.

Je lève les yeux vers lui, il se tient près de la cage, une main tendue. Je me lève, lui donnant mon téléphone, il reste une barre de batterie ça va lui faire tout drôle quand ça va couper. Il se dirige vers la console de navigation et pose mon téléphone sur une sorte de plaque luminescente bleue. D’un coup on entend à fond Arch Enemy dans la cabine. Même moi je me bouche les oreilles tellement c’est fort. L’alien quand a lui se met a se dandiner dans tous les sens, remuant de la tête d’avant en arrière sur un solo d’air guitare.

— C’est trop de la baaaalle, hurle-t-il.

À ce moment-là on sentit le vaisseau décoller doucement, avant de nous retrouver tous plaqués contre la paroi par la vitesse. Puis d’un coup on se retrouve en apesanteur, l’alien aussi toujours dans son solo de la guitare. Il appuie sur un bouton et nous tombons en sol lourdement. Il se tourne vers nous, avec ce sourire que je ne supporte plus.

— Regarder, votre planète va devenir un soleil.

De notre cage nous voyons la vitre du cockpit qui donne sur notre belle planète bleue. Vu d’ici elle est si belle, je ne pensais jamais voire ça de ma vie. La suite non plus. D’un coup elle se craquelle, deviens rougeoyante, entre en fusion, avant d’explosé. Le vaisseau active automatiquement une sorte de bouclier qui nous protège de cette vague de feu. La terre vient d’exploser, elle vient de disparaitre sous nos yeux. Je tombe à genoux, une fille à côté de moi se met à sangloter. Tout le monde reste silencieux, ne réalisant pas vraiment ce qu’il vient de se passer. On a assisté à la destruction de la terre sur de la musique métal. L’alien se tourne vers nous, ouvrant grand ses bras démesurés.

— Vous êtes officiellement les derniers pignoufs de cette planète, en plus d’une autre vingtaine qui se trouve dans un autre vaisseau. Félicitation, chantonne-t-il.

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