C’était un bel après-midi d’automne, j’avais terminé ma lessive, préparé le repas du soir, rangé la chambre du p’tit dernier …. Bref, plus rien à faire ! A la télé y avait les feux de l’amour … Autant de mièvrerie m’agaçait au plus haut point,… Profitant que la saison de la chasse était terminée, je décidais d’aller faire une petit tour dans les bois. Enchantée par le camaïeu de teintes automnales, je chantonnais gaiement : « Prom’nons nous dans les bois, pendant qu’le chasseur n’ y est pas, si l’chasseur y était il nous carabinerait …. »

C’est alors, que je la vis arriver …. ravissante, toute de rouge vêtue, un petit panier à la main, Elle me semblait, ma foi, fort appétissante !

J’avais lu suffisamment de contes à mes chers bambins pour savoir qu’il m’était interdit d’y toucher et que, l’histoire risquait de très mal finir pour moi …. Et pourtant, mon envie était irrépressible …. Que pouvait-elle bien cacher dans son petit panier ? Une terrine de sanglier ? Un poulet rôti ? Ou mieux encore de la cervelle de sanglier, mon mets préféré … Je ne pus résister davantage et l’abordai poliment :

- Bonjour mademoiselle, où allez-vous ainsi à travers bois ?

- Je vais chez ma mère grand lui porter un petit pot de beurre et une galette …

Dieu, que cette enfant était naïve ! manifestement, elle ignorait que j’étais un prédateur, je décidai d’abuser de la situation

- Et où habite-t-elle votre mère-grand ?

- De l’autre côté de la forêt ….

- Prenez-donc ce chemin, lui indiquais-je, il est tellement plus joli, vous bénéficierez ainsi d’une vue panoramique imprenable sur la clairière et pourrez cueillir un magnifique bouquet pour votre grand-mère…

Cette petite sotte me remercia avec gratitude, et moi, je courus chez la vieille, bien décidée à me faire un festin de roi : pensez-vous donc, une vieille bien faisandée et pour le dessert, une p’tite jeune tout juste sortie du nid, j’en salivais d’avance !!!

La vielle me sortit une histoire absurde de chevillette et bobinette avant que de m’ouvrir enfin sa porte. Je n’en fis qu’une bouchée que je recrachai aussitôt …. Faisandée certes, mais y a des limites…. Pouah, celle-ci était carrément rance !

J’enfilai rapidement sa chemise de nuit, son bonnet de nuit et pris place sous son édredon. Une heure plus tard, la petite arriva enfin …. Elle connaissait le coup de La bobinette Cherra et entra sans difficulté dans la maisonnette. « Mère-Grand, appella-t-elle » Je lui répondis que j’étais trop fatiguée pour me lever et l’invitai à me rejoindre dans la chambre. Sautillant joyeusement elle s’empressa de me rejoindre dans la chambre à coucher. Elle s’arrêta net en arrivant à mon chevet.

La petite ingénue serait-elle moins sotte que ce que j’avais pensé ? L’espace d’un instant, je crains d’avoir été percée à jour, mais heureusement il n’en était rien, nulle trace de suspicion mais une simple curiosité de la part de cette petite bécasse.

Elle commença à m’interroger : « Dis grand-mère, pourquoi as-tu de si grand bras ? De si grands pieds, de si grandes mains, de si grandes oreilles …. » Des questions toutes plus imbéciles les unes que les autres auxquelles je fus bien obligée de répondre …. Et dans mon for intérieur, je me disais : « Les dents, bordel, parle des dents …. Que je te bouffe et qu’on en finisse ! » C’est vrai ça, j’avais pas qu’ça à faire non plus, les deux grands allaient bientôt sortir de l’école et je devais aller chercher le petit dernier à la crèche !!!

Et ben, vous me croirez ou pas, mais cette petite peste ne parla jamais de mes dents, ne vit-elle pas ce détail de mon anatomie ? était-elle plus maligne que ce que j’avais pu croire ? je ne sais …. Toujours est-il que l’heure avançant, je fus contraint de partir, la queue entre les jambes, n’ayant eu qu’une vieille indigeste pour tout festin …. Comme quoi, c’est bien vrai, pour ceux de mon espèce, les contes de fées ne finissent jamais bien !