Affrontement
Pour le deuxième chapitre de cet inventaire de mes actes stupides, j'ai choisi une anecdote qui, bien que profondément inconsciente, m'est chère car elle illustre au mieux un pan de ma jeunesse. C'est ici que le commentateur se retire pour laisser la place au récit.
Caché derrière un pilier de béton, je jette un coup d’œil à droite puis à gauche. À quelques pas, il y a une Renault Laguna verte. Je me dis que cette position sera plus surprenante donc meilleure. Alors, arme en main je me déplace vers la voiture et m’accroupis derrière son coffre. Mes doigts sont crispés sur la détente. J’écoute, j’essaie de les localiser. Rien, je n’entends rien. Pourtant je le sais, ils sont là. Quelque part dans ce parking. Sont-ils comme moi stationnaires ou se meuvent-ils silencieux ? Les secondes tombent lourdement. Si je ne bouge pas ils vont me tomber dessus. Serai-je alors prêt à les recevoir ? Pourrai-je anticiper leur action ? En somme, vaut-il mieux traquer ou camper ? Je ne sais pas mais l’attente m’énerve. Trop de pression. Finalement, je me dis qu’attendre c’est leur laisser un avantage. Alors, sur cette réflexion, je me décide, je me mets en mouvement. Je remonte l’enfilade des voitures stationnée quand, depuis les flancs d’une Golf GTI grise, un embusqué me tire dessus. Je suis touché, pulvérisé. Au milieu d’un nuage blanc, je tousse. C’est âcre et agressif, cela attaque mes sinus et mes bronches. Je tente de me soustraire, de trouver un peu d’air mais l’autre me suit, m’arrosant toujours. Je crache mes poumons. Il faut que je m’adapte à la menace. Alors je me détourne, pointe le nez de mon engin sur l’assaillant et appuie. Le carbone est propulsé, les carrosseries blanchissent, la neige recouvre sol et plafond. Il hurle et s’encourt. Je le poursuis. Un deuxième homme surgit et m’asperge. Je change de cible et le course. Nous sommes laiteux, des fantômes d’adolescents criants et riants dans une toundra urbaine. Les assauts, les joutes, se succèdent jusqu’à ce que les bonbonnes se vident. Le jeu est fini. Nous abandonnons nos armes – de gros extincteurs rouge – et vidons les lieux, ivres de boisson et d’adrénaline. Dans la voiture du plus sobre d’entre nous, je vois s’éloigner une fantasmagorie : le parking sous bâtiment d’un cinéma dans un hiver post-apocalyptique ; des automobiles spectrales dans un endroit qui s’efface ; une civilisation perdant couleur, disparaissant de la mémoire du monde… Je me laisse porter par mes fantasmes, mes rêveries, pour ne pas imaginer la colère des propriétaires revenant après film, pour ne pas penser aux caméras de sécurité qui nous ont - peut-être - filmés.
Cela avait été un de ces soirs où les jeunes cons se réunissent pour combattre leur ennui existentiel…
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