Chapitre 1 : La création du monde

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Au commencement était le néant, un univers morne, sombre et glacial. Seuls, le silence et un voile de noirceur y avaient élu résidence. Le froid y était tel un couteau déchirant la chair. Nul n’aurait pu y survivre. Et pourtant, en son centre, une forme vague, indéfinissable, indescriptible y habitait de toute éternité. Solitaire, l’état primordial du monde était ainsi le Chaos. Fatigué d’être l’unique créature, au milieu de cette infinie étendue sans vie, la colère le prit soudainement. Il explosa avec une telle puissance que de son royaume de matière naquit Tartare, Nyx la déesse de la Nuit, et Erèbe le dieu des ténèbres de l’univers et des Enfers. Pendant un temps, heureux d’avoir rempli le vide du cœur de Chaos, les trois furent condamnés à connaître la même blessure qu’était la solitude, mais surtout le noir froid de l’infini. A l’opposé de Tartare qui se complaisait dans cette atmosphère, et désireux de lumière et de chaleur, son frère et sa sœur se marièrent. Puis, le couple engendra Ether, le ciel bleu de l’univers étoilé, et Héméra, la lumière du Jour. La Pitié Eléos, la Prudence Epiphron, la vieillesse Géras, et Charon, le passeur des Enfers, vinrent compléter la famille. Heureuse de créer la vie, Nyx alla jusqu’à donner naissance, sans l’intervention d’aucun individu, à la Mort, au Sommeil, au dieu de la moquerie et du sarcasme Momus, à la Misère, aux Moires, à Némésis, à la Fraude, à la Concupiscence et à la Discorde Eris. En un mot, elle devint la mère de tout ce qu’il existait de fâcheux et de merveilleux dans la vie, notamment le plus puissant d’entre eux, le Destin.

Fils de la Nuit, tous lui étaient soumis. Les cieux, la terre, la mer et les enfers étaient sous son emprise. Le globe sous ses pieds, la tête surmontée d’une couronne d’étoiles, et tenant dans ses mains un sceptre, ainsi que l’urne qui renfermait le sort des Mortels, il écrivait dans un livre sacré celui de chaque créature. Rien, ni personne, ne pouvait changer ce qu’il avait résolu. Les Moires, créatures des Enfers chargées de dénouer la pelote vitale de tout être, étaient ses ministres, chargées d’exécuter ses ordres. Le Destin était cette fatalité suivant laquelle tout arrivait dans ce monde. Ce fut donc cette fatalité qui présida les épousailles entre Ether et sa sœur Héméra. Il engendra, par cette union, le Ciel Uranus, la Mer Thalassa, mais en tout premier lieu la planète Terre, Terra, aussi appelée Gaïa.

Astre porteur de toute vie, d’elle, tout vint : les rivières et les rochers, les prairies et les montagnes, les déserts et les cultures. Le soir venu, sa grand-mère, Nyx, la recouvrait de son voile d’obscurité pour lui apporter la nuit. Le matin, sa mère Héméra lui rendait visite, dispersant ce voile maternel, et révélant ainsi son père Ether. Le Destin alla jusqu’à faire de Gaïa la mère universelle de toute la flore et de toute la faune. N’était-il pas écrit que tous êtres virent le jour de la terre imbibée d’eau, et réchauffée par les rayons du soleil ? Ainsi, leur nature viendrait de tous ses éléments, revenant à leur véritable mère au moment de mourir, elle les gardant à jamais en son sein. Désireuse de nourrir toute sa progéniture et de la voir s’accroître, elle se fit appeler Tellus, devenant la déesse du sol fertile, et le fondement sur lequel reposaient tous les êtres vivants. Certaines personnes la faisaient alors femme du Soleil, de qui elle devait sa fertilité. Sous son nom Titée, Gaïa devint également l’épouse de son frère Ouranos, dieu du Ciel, et souverain de l’Univers.

De cette union, une nouvelle progéniture vit le jour. Parmi elles, se trouvaient les Géants, des êtres à la taille monstrueuse et à la force proportionnée. Certains d’entre eux présentaient des doigts de dragons, des jambes et des pieds en forme de serpent, tandis que d’autres, répondant sous le nom des Centimanes, possédaient cent bras et cinquante têtes cracheuses de feu. Avec Ouranos, Titée mit également au monde des créatures ressemblant à des hommes monstrueusement grands, mais possédant un seul œil au milieu du front, les Cyclopes primordiaux. Par la suite, toujours avec son époux, elle engendra une nouvelle génération de Dieux, à l’aura plus puissante que la précédente. Ainsi, naquirent les divinités Téthys, Rhéa et Thémis, ainsi que les Titans, dont les plus puissants étaient Titan, le dieu du Temps Cronos, Japet et Océanus. Ainsi, du Ciel, elle eut plus de dix-huit enfants.

Tandis qu’Ouranos régnait sur l’Univers, sa fille Téthys, déesse de l’eau créatrice de vie, et son fils Océanus, dieu de l’Océan, se marièrent. Ce couple engendra les Fleuves, les Fontaines, et les Rivières, mais également, les protectrices des eaux profondes les Océanides. Protée, gardien des troupeaux composés de gros poissons, de phoques ou de veaux marins, puis Nérée, divinité marine et devin habile, complétèrent leur famille. Ce dernier épousa à son tour sa propre sœur Doris. Leur couple donna naissance à cinquante filles, les Néréides, belles jeunes nymphes à la chevelure entrelacée de perles, et à la queue de poisson en guise de jambes, personnification des mouvements rapides de la mer, ainsi que de ses aspects riants et bienveillants. Ainsi, débuta le règne d’Ouranos, par la création du monde que nous pensons connaître.

Malheureusement, Ouranos se présenta comme un dieu-roi brutal et égoïste, joint à une impitoyable cruauté. Il alla jusqu’à prendre en aversion tous ses descendants. Le cœur de Titée dut supporter d’être séparée de chacun d’entre eux dès leur naissance, précipités qu’ils étaient dans le Tartare, à jamais condamnés à rester loin des rayons du jour. Détestant la lumière de sa nièce Héméra, ce dieu primordial avait, en effet, trouvé refuge au fin fond de l’astre terrestre, se transformant en un abîme. Cet abîme devint alors, pour l’éternité, une terre désolée, au fin fond des Enfers et où résidait la plus terrible des prisons.

Grandissant ainsi dans le ventre même de Gaïa, les victimes d’Ouranos n’avaient de cesse de cogner de toute leur force les murs de leur prison, lui provoquant d’insupportables douleurs et de terribles tremblements. Désireuse de les libérer, et de ne plus être à la merci de la souffrance, l’astre mère les exhortât à se rebeller. Elle était prête à les aider, leur promettant de les mettre à la place d’Ouranos. Un peu réticent à l’idée de défier le maître de l’Univers, ses enfants hésitèrent, sauf un. Ambitieux, Cronos réussit à convaincre ses frères et sœurs à la révolte. Avec l’appui de leur mère, tout en refusant de libérer les Géants, ainsi que les Cyclopes, les Titans s’échappèrent de leur prison pour défier le souverain. En tant que chef, le dieu du Temps se vit armer d’une faux en diamant. Après une dure bataille, les fils défirent le père. Usant de son arme, Cronos alla jusqu’à le torturer en le mettant hors d’état de procréer à nouveau. Castré, et exilé loin de tous, Ouranos s’endormit dans un Sommeil Eternel, sans espoir d’en sortir, régissant le cours du ciel de ses rêves.

Son aîné, Titan, lui succéda sur le trône, mais le costume ne lui sciait pas du tout. Il aspirait à jouir de sa liberté, et se sentait trop enfermé dans ses devoirs de maître universel. Resté dans l’ombre, dans l’attente d’une opportunité, Cronos, homme à l’image d’un vieillard ailé et courbé sous le poids des années, posant sa faux sur un globe, et recouvert d’un voile obscure impénétrable, en profita. Il ne cessait de souffler à son frère l’idée de lui céder la place. Au début, Titan résista, désireux de ne pas léser ses descendants de leur droit à régner. Malheureusement, le poids du pouvoir devenait de plus en plus lourd pour le nouveau roi de l’Univers. Finalement, il céda, mais en y mettant une condition. Cronos devait empêcher ses enfants de lui succéder, en les tuant dès leur naissance, afin que la succession fût réservée à ses neveux, héritiers par droit d’aînesse.

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