Le Phalanglade

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Au petit matin, des cris semblant provenir d’une foule de gens retentissent à travers la ville. Nos compagnons s’éveillent en sursaut. Ils s’habillent en toute hâte et se rejoignent dans le hall de la taverne.

- « Allons voir ! » s’écrit Passion d’Ecorce.

- « Alors… Comment s’est passé ta fin de soirée ? » demande G’d’ni d’un œil lubrique.

La Felin lui lance un sourire énigmatique et accélère sa course. Les quatre itinérants se retrouvent sur la grande place du village. Là, se dresse devant eux une créature immense semblable à un vers des sables à la gueule circulaire munie de plusieurs rangées de dents concentriques. Elle s’élève sur cinq mètres de haut et est supportée par dix pattes, chacune se finissant en une lame au fil acéré. Sur son corps, les visages anthéens hurlent de souffrance et d’agonie et vomissent parfois des jets de matière noire évoquant des immondices. L’incarnation détruit tout autour d’elle, maisons, échoppes et écrasent les passants qui n’ont pas réussi à trouver un abri. D’un coup d’œil, le groupe sait avec certitude qu’ils ne peuvent venir à bout de la créature. La retraite est la seule solution. D’un bloc, ils se retournent et s’apprêtent à fuir. L’incarnation les a repérés et elle crache des flammes noires qui viennent bloquer l’issue. Ils sont acculés dans une ruelle, l’incarnation s’avançant vers eux, menaçante. Mak se saisit d’une de ses grenades à fragmentation. Il dégoupille, arme son bras et la lance de toutes ses forces vers la tête de la créature des ténèbres. Grenade décrit un arc de cercle mais manque la créature d’un bon mètre et vient exploser contre une façade. Les morceaux de pierres partent en tous sens et le souffle de l’explosion ne fait que peu de dégâts à l’incarnation. G’d’nissing pense détecter une opportunité pour se faufiler entre les multiples pattes de la créature. Il se jette en avant, se contorsionne de droite et de gauche. Il réussit à esquiver quelques coups d’épées mais une des épées vient s’enfoncer dans son flan. Il se plie en deux et se jette en avant. D’une roulade, il se retrouve un derrière la créature, loin de ses compagnons. Blessé, il ne peut se relever. L’incarnation continue de s’avancer vers Passion d’Ecorce, Mapoo et Mak. Au moment où elle s’apprête à attaquer, un vieux Mélodien se place face à la créature d’horreur et l’interpelle dans une langue inconnue. Ils échangent quelques minutes.

- « I Ket Sto Sdirimori » lance la créature avant de quitter le village.

Mak qui a des rudiments de nécrosien, comprend la teneur globale de l’échange et transmet à ces compagnons ce qu’il a compris.

- « Le Mélodien essaye de calmer l’incarnation en lui proposant un pacte. La créature veut une Pierre d’âme. Elle nous laisse trente heures pour la lui apporter. »

À la suite du départ de la créature, le Mélodien s’approche des compagnons qui se sont rassemblés autour de G’d’nissing qui se relève péniblement. Une douleur à la main droite fait sursauter nos compagnons qui regardent une étoile noire à cinq branches apparaitre dans la paume de leurs mains. En jetant un œil autour d’eux, ils se rendent compte que tous les habitants sont marqués au niveau de la main droite. Le Mélodien s’adresse aux itinérants. Il est tremblant et regarde tout autour de lui.

- « Comment allez-vous ? »

- « Qui êtes-vous ? Pourquoi parlez-vous le nécrotique ? » demande Passion d’Ecorce sur la défensive.

- « Je suis Milanomélayaïé, membre du Conseil des Castes du village. Je suis maître élémentaliste. J’ai étudié le nécrotique. Le pacte avec le Phalanglade est la seule solution que j’ai trouvé pour sauver le village. Désolé de vous avoir entrainer dans cette histoire. Je crois que vous en avez compris la teneur ? » dit-il en se tournant vers Mak.

- « Oui. Qu’est-ce qu’une pierre d’âme ? » demande Mak.

- « Je n’en ai pas la moindre idée. Il faut nous aider…Je n’y arriverai pas tout seul. Il faut que je soigne les blessés puis je me mettrais en quête d’information. »

- « Nous allons chercher la pierre d’âme. » dit Mapoo avec aplomb.

Le Mélodien apporte des soins à G’d’nissing dont les blessures se referment par enchantement. L’Ygwan reste méfiant face au vieux sage dont les titres ne suffisent pas à le rassurer sur ses bonnes intentions. Lorsque G’d’ni a retrouvé ses facultés, Milano s’éloigne en quête d’autres âmes à sauver et rassurer.

- « Ne quittez pas la ville, la marque sur votre main permettra au Phalanglade de vous retrouver où que vous alliez et elle vous tuera sans négociation possible. » avertit Milano avant de disparaitre dans la foule.

- « Il ne va même pas nous aider. Il a condamné tout le village ! » s’exclame G’d’ni bouillant de rage.

- « Nous avons besoin d’informations… Il doit bien y avoir une bibliothèque dans cette ville. » dit Mak.

- « Allez-y ensemble, Mapoo et moi allons interroger les passants quant à la Pierre d’âme. » décide Passion d’Ecorce.

Les Ygwans s’éloignent en apostrophant les habitants pour qu’ils leur indiquent la direction de la bibliothèque. Mapoo et Passion d’Ecorce questionnent les passants. Passion se fait féline et séductrice tandis que Mapoo est plus intimidant avec sa haute taille. Les habitants, sous le choc, ne savent, cependant, rien des Pierres d’âme. Au bout d’un moment, un homme leur parle d’un Kelwin géologue. Celui-ci vivrait à la périphérie de la ville et son atelier regorge de pierre. Le Kelwin étudie les roches depuis des années. Il semble le plus à même à répondre à ces questions.

- « C’est la meilleure piste que nous ayons… Allons-y. » conclue Passion.

De leurs côtés, les Ygwans ont rejoint la bibliothèque. Le vaste bâtiment est tout en longueur d’une belle architecture mélodienne aux arches courbes et dorures brillantes. Ils entrent dans un vaste hall. Les allées de livres s’étendent face à eux et sur leur droite. Les hauts rayonnages s’élèvent jusqu’au plafond, plein à craquer de livres dont certains semblent extrêmement anciens. Il y règne l’odeur caractéristique des vieilles enluminures, mélange de poussières et de parchemins. Ils se rapprochent du comptoir sur leur gauche et interpelle le vieux bibliothécaire. Celui-ci est installé derrière son bureau encadré par deux immenses piles de livres. Il semble plongé dans une lecture des plus intéressantes et ne daigne pas lever le nez à leur approche. G’d’nissing demande de l’aide pour trouver des informations sur l’existence des pierres d’âme.

- « Z’avez qu’à aller à la section géologie. 4e allée, 2e rangée, 3e rayonnage en partant du bas jusqu’au 10e rayonnage… Sinon le poste informatique donne accès à Arpèges, le moteur de recherche peut surement vous renseigner. »

Le bibliothécaire est affable et n’a aucune intention d’apporter une aide plus importante à cette requête qui lui semble d’un intérêt bien modeste. Les Ygwans se dirigent donc vers les étagères indiquées et débutent leur recherche. Au bout d’un moment, Mak découvre un livre évoquant des pierres spéciales, les Trihnites. Il s’agit de cristaux pouvant servir de porte de téléportation. Un encart fait mention des Pierres d’âme. Elles seraient des formes de Trihnites bien plus puissante mais dont l’usage serait complètement différent des Trihnites communs. L’ouvrage n’apporte aucune précision sur leur application. Mak et G’d’ni décident de poursuivre leur lecture pour découvrir où les Pierres d’âme peuvent-elles être trouvées. Une bonne demi-heure plus tard, G’d’ni attire l’attention de Mak. Les Pierres d’âme se trouve dans des veines crystallines blanchâtres au sein de la roche. Le meilleur moyen d’en trouver est de s’adresser à un marchant spécialisé. Du fait de leur rareté, les mines d’exploitation de ces pierres sont gardées secrètes. Mak consulte alors Arpège pour trouver des adresses de Tailleurs de pierre dans la région. Aux abords d’Astrakalimélofralida, il n’y a qu’un géologue, tailleur de pierres, un Kelwin. Sans perdre plus de temps, Mak et G’d’ni se mettent en route pour rencontrer ce tailleur de pierre. Sans le savoir, ils s’apprêtent à rejoindre Passion d’Ecorce et Mapoo.

Pendant les recherches des Ygwans, la Felin et le Woon ont rejoint l’atelier. La structure de l’atelier est constituée de métal et d’engrenages sous une architecture typiquement Kelwin. Passion d’Ecorce toque à la porte mais ne reçoit aucune réponse. Elle commence à faire le tour du bâtiment pour trouver une autre entrée ou une fenêtre. Par une fenêtre, elle aperçoit un bureau, des burins, et d’autres ustensiles de tailleurs de pierres plongés dans la pénombre. Il ne semble pas y avoir âme qui vive à l’intérieur. Mapoo qui est resté devant la porte retoque de façon appuyée, il n’y a toujours aucune réponse. Passion d’Ecorce crie à son compagnon depuis l’arrière de la boutique :

- « T’acharne pas, il n’y a personne. »

Elle entend alors de puissants coups sur la porte. Elle revient en courant vers son compagnon qu’elle découvre en train de lancer de puissants coups d’épaule dans la porte. Cette dernière craque mais ne cède pas.

- « Hey ! Mais tu vas tout péter ! » s’exclame-t-elle ayant une pensée pour le pauvre artisan qui va retrouver son échoppe vandalisée.

- « C’est le but. » répond Mapoo en se jetant à nouveau sur la porte.

La porte se dégonde et tombe au sol. Mapoo se recule de quelques pas en se massant l’épaule. Passion d’Ecorce se faufile à l’intérieur et découvre un atelier passablement désordonné. Quelqu’un était présent il y a peu, les restes d’un déjeuner sont encore frais. Il ne semble pas y avoir eu d’échauffourée ni de départ précipité. Alors que Mapoo et la Felin fouille la pièce, ils sont interrompus par l’arrivée des Ygwans. Ceux-ci informent les camarades de leurs découvertes à la bibliothèque et chacun se remet à la recherche d’informations sur les Pierres d’âme. Le Kelwin a constitué une multitude de notes sur des feuilles libres éparpillées un peu partout. Les termes sont complexes et les pattes de mouche Kelwin ne sont pas aisées à déchiffrer. Les connaissances de G’d’ni sont une nouvelle fois utiles. Il déchiffre quelques notes et apprend que les Pierres d’âme correspondent aux plus gros cristaux et doivent peser plus d’un kilo. Elles sont paradoxalement assez fragiles. On les trouve dans des roches friables et elles tapissent des sortes de géodes. Ces Pierres ont une affinité marquée pour l’âme et leurs applications sont du domaine de l’enchantement. Le Kelwin a écrit en petit dans la marge qu’il y aurait un gisement à quelques heures de la ville. A ce moment, une voix s’élève depuis l’extérieur de l’atelier :

- « Mais qu’est-ce que vous avez fait à ma porte ?! Vous êtes venus me voler mes recherches ! » s’exclame le propriétaire de l’atelier.

- « Oh ! tu vas te détendre. On est là pour sauver la ville et tu n’étais pas là pour ouvrir. » reprend G’d’ni d’une voix sévère.

Passion d’Ecorce remarque que le Kelwin ne porte pas de marque sur sa main.

- « Quel est ton nom et comment ça se fait que tu n’as pas la marque ? » demande-t-elle, suspicieuse.

- « Je suis Nébulos et ce serait plutôt à moi de poser cette question. Vous êtes dans mon atelier ! »

G’d’ni et Passion d’Ecorce adoptent alors une attitude plus conciliante. Il faut apaiser le Kelwin s’ils veulent pouvoir en apprendre quelques choses. Mak s’est adossé contre le chambranle de la fenêtre et attend le dénouement de cette dispute. Mapoo fait rouler ses épaules, prêt à sauter sur le Kelwin s’il attaque ou s’il tente de fuir. Utilisant leur Shaan, Mapoo et G’d’ni ne perçoivent pas d’intention hostile de la part du Kelwin. L’absence de marque semble dû au fait qu’il n’était pas dans l’enceinte de la ville ce matin. Mapoo se détend un peu. Nébulos finit par s’apaiser lorsqu’il entend le récit des évènements de la matinée.

- « Si vous cherchez une Pierre d’âme, je pense que vous auriez une chance d’en trouver à la mine de la famille Albamans. »

Les Albamans sont une des sept grandes familles humaines. Ils possèdent 70% des richesse d’Héos à eux seul et sont spécialisés dans l’exploitation des ressources. Parmi les Héossiens, la rumeur court qu’ils dévorent les Héossiens… La mine humaine en question a ouvert il y a peu. Elle se trouve à cinq heures de route avec le véhicule que Nébulos accepte de fournir. Le Kelwin confie une carte aux itinérants. G’d’ni l’interrompt :

- « Tu viens avec nous. » son ton est ferme et implacable.

- « Non. Ce n’est pas mon combat et vous avez détruit la porte de mon atelier. » Nébulos ne se départit pas de son calme et ne semble pas impressionné le moins du monde.

L’Ygwan n’en reste pas là, il décroche un puissant coup de poing vers le visage du Kelwin. Ce dernier pare le coup au dernier moment et le poing de G’d’ni reste suspendu en l’air contre le bras de Nébulos. Ils échangent un regard mauvais. Mak intervient :

- « Tu viens avec nous où alors je fais sauter ce qu’il reste de ton échoppe. » dit-il en sortant l’une de ces grenades à fragmentation.

- « Mak, tu ne vas pas remettre ça ?! » s’exclame Passion d’Ecorce, outrée.

Mapoo a reculé subrepticement vers la porte, s’éloignant de l’engin explosif. Nébulos se détourne de G’d’ni qui se masse le poignet. Le Kelwin fixe du regard Mak pendant de longues minutes. Finalement, ni l’un ni l’autre ne cèdent complètement.

- « Je ne vous accompagnerai pas mais je peux vous vendre cette foreuse manuelle pour 50 credos. » soupire le Kelwin.

- « Nous la donner tu veux dire. » siffle Mak.

- « Vous avez détruit ma porte. 50 credos, c’est un bon prix. » rétorque Nébulos.

- « Et comment je sais que c’est de la qualité ce que tu nous refiles ? » demande Mak.

- « Laisse-moi regarder. » propose G’d’ni.

L’Ygwan inspecte la foreuse et conclue qu’elle est de facture correcte, fiable et facile à utiliser. Le deal est accepté. Passion d’Ecorce refuse de participer aux frais de l’engin. Les Ygwans essayent de négocier. Mapoo reste placide.

- « Mapoo a détruit la porte, Mak et G’d’ni vous avez menacé notre hôte. C’est à vous de payer ! Il est hors de question que je paye pour vos bêtises ! » s’exclame la Felin. L’Ydyao sur son épaule s’agite et piale comme approuvant la position de sa maitresse.

Finalement, les Ygwans payent chacun 20 credos et Mapoo complète de 10 credos. Nébulos confie la carte de la région et la foreuse. Le groupe quitte l’atelier et se met en route vers la mine.

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