Chapitre 2 : Une rencontre dans le brouillard.

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Nathanaël ne bougeait plus, il ne le pouvait pas. Il ne ressentait ni peur ni froid. Il se sentait enveloppé de chaleur cotonneuse, de bien-être et il attendait. Quoi ? Il n'aurait su le dire. Il attendait sans doute cet homme dont la silhouette se dessinait dans le brouillard et qui semblait le regarder.

Au bout d'un long moment, la silhouette sombre finit enfin par bouger et elle se mit à avancer lentement vers Nathanaël. En s'approchant, le jeune homme put enfin découvrir peu à peu à quoi ressemblait cet homme et il ne fut pas déçu... Au fur et à mesure, il découvrit doucement plus de ce corps. D'abord, Nathanaël put voir à quel point il était grand et large d'épaules et qu'il était vêtu d'un long manteau noir. Puis ce fut ses cheveux épais et brun d'une certaine longueur qu'il aperçut avant son visage à la mâchoire carrée recouverte d'un tout début de barbe et aux beaux traits virils accompagnés de deux yeux sombres. Il était sans doute le plus bel homme qu'il ait vu de toute sa vie...

Cet homme s'arrêta juste devant lui. Nathanaël put remarquer à quel point son regard était doux et alors qu'il se le disait, le bel inconnu lui sourit.

-Nathanaël, mon amour... Je t'attends depuis si longtemps... Mais je sais qu'il est normal que ce soit à moi de t'attendre dans chacune de nos vies puisque je suis toujours le premier à atteindre l'âge qui était le mien lors de notre toute première rencontre. Je nais toujours en début d'année alors que toi, tu nais le dernier mois de l'année. Et à chaque fois, c'est ainsi. Nous gardons le même jour et le même mois de naissance dans chaque vie. Presqu'une année à t'attendre, à attendre que le lien se manifeste et nous rapproche, ça me paraît une éternité mais c'est le prix à payer pour pouvoir te revoir et je serai toujours prêt à subir ce manque, cette souffrance, du moment que tu finis à mes côtés, mon amour...

Sur ces derniers mots, ses mains se posèrent dans le bas du dos du jeune libraire qui frissonna sous ce contact chaud. Puis il se baissa et posa délicatement ses lèvres sur celles de Nathanaël qui ne comprenait rien de rien à ce qui était en train de se passer, il avait toujours l'esprit embrumé. Tout ce sur quoi il pouvait se concentrer, était le baiser qui était particulièrement doux. Le bel homme brun bougeait tendrement ses lèvres sur les siennes, semblant savourer la sensation douce et humide de leurs lèvres connectées. Il finit par demander plus en passant sa langue sur les lèvres de Nathanaël qui ne se fit pas prier pour les entrouvrir et le laisser le goûter. Sa manière d'embrasser était toujours douce comme s'il n'était pas pressé, qu'il voulait prendre tout son temps. Le jeune homme avait l'impression d'être savamment dégusté et c'était si bon qu'il en gémit. Ce fut le déclencheur pour que le mystérieux inconnu se fasse plus passionné, le baiser s'intensifiant, le ballet que produisaient leurs langues qui se caressaient, devenant plus rapide.

-Mon amour... murmura le bel inconnu tout contre ses lèvres.

Nathanaël sentit les mains de l'homme se faufiler sous son t-shirt et un soupir de plaisir lui échappa. Il avait l'impression d'être à sa place dans les bras de cet homme. Il le voulait... Oui, il désirait plus encore. Il ne savait pas si l'inconnu l'avait compris mais il sentit sa bouche à la barbe rugueuse, glisser dans son cou pendant que ses mains caressaient sa peau et pressaient son corps contre le sien. Cela dura un long et délicieux moment. Cependant, alors que Nathanaël ne s'y attendait pas, l'inconnu stoppa ses caresses et ses baisers, et toujours sa tête plongée sans son cou, le serra encore plus fort dans une étreinte tendre. Le libraire savoura le contact de ce corps dur pressé contre le sien ainsi que son odeur musquée et délicieuse, mélangée à une eau de Cologne. Malheureusement, le bel inconnu finit par se redresser avant de plonger son regard doux dans celui, troublé, du jeune homme.

-Je vais devoir partir, lui dit-il en lui caressant la joue. Nous nous reverrons très bientôt, Nathanaël. Tu vas commencer à te souvenir de moi, de nous, et bientôt, nous serons de nouveau réunis.

Après avoir prononcé ces paroles énigmatiques, il posa tendrement ses lèvres sur les siennes dans un bref baiser avant de le lâcher.

-Il est temps de rentrer chez toi, mon amour. Va. Reviens sur tes pas et une fois que tu seras allongé, endors-toi d'un sommeil paisible.

Sans pouvoir le contrôler, Nathanaël obéit à l'ordre qui lui était donné. Il se retourna et dans le brouillard dans lequel il ne distinguait pourtant pas grand-chose, il fit le chemin inverse de celui qui l'avait mené à cet homme. Cette fois, arrivé dans sa maison, il ferma la porte et marcha jusqu'au salon, puis jusqu'au canapé sur lequel il s'allongea et s'endormit aussitôt la tête posée sur le coussin...

**

-Mon petit Noël ! Je sais que je ne devrais pas te le dire, après tout, tu es mon patron, mais je vais le faire quand même ! dit Marcus avec un petit sourire qui fit lever les yeux au ciel du jeune homme aux yeux verts. Fais un peu attention ! C'est la deuxième pile de livres que tu fais tomber aujourd'hui ! Sans compter le café que tu as renversé et que tu t'es ramassé dans le hall d'entrée, à peine arrivé ce matin ! Ca par contre, recommence quand tu veux, c'était tellement drôle !

Et sur ces recommandations, Marcus éclata de rire, d'un très long rire même, qui énerva Nathanaël.

-Si tu crois que je le fais exprès... Ho et pis merde ! Je te souhaite de t'étouffer avec tes pompons ridicules !

Au lieu d'avoir l'effet escompté, le rire dudit Marcus augmenta encore, énervant encore plus le pauvre libraire.

-Grrr... Je me casse sinon je vais commettre un meurtre de Noël tellement sanglant qu'il décorera cette librairie avec chaque petit morceau de ton corps... grommela-t-il en s'éloignant de l'énergumène toujours pris dans son fou-rire et au pull rouge sur lequel de vrais pompons étaient cousus.

Marcus avait de nombreux pulls de Noël, tous plus loufoques les uns que les autres aux yeux de Nathanaël mais malheureusement, le blond semblait insensible aux moqueries, alors il ne pouvait même pas s'en servir contre lui.

Nathanaël était effectivement maladroit depuis ce matin. Il n'arrêtait pas de penser au rêve bizarre qu'il avait fait cette nuit. Un bel homme brun dans le brouillard... Il avait l'impression de sentir encore la sensation de ses lèvres sur les siennes, de ses mains sur son corps... Pourtant, ce n'était qu'un rêve mais cela semblait si réel... Ca l'avait complètement perturbé !

Ca faisait si longtemps qu'il n'avait embrassé personne, qu'il n'avait pas senti le corps d'un homme contre le sien, des mains caressantes sur sa peau. Oui, peut-être que ce rêve était juste dû à de la frustration. Il avait décidé de lui-même d'arrêter les rendez-vous foireux, de fuir les relations puisque les quelques hommes qu'il avait rencontrés, ne pensaient qu'au sexe avant même de s'intéresser réellement à lui, à sa personnalité, à ses envies... Il en avait eu marre d'être déçu et sans même avoir eu son premier rapport sexuel, il avait décidé que ça n'était tout simplement pas fait pour lui. Il se sentait si différent, n'ayant vraisemblablement pas les mêmes désirs et priorités que la plupart des gens, alors pourquoi continuer d'espérer rencontrer un homme qui s'intéresserait réellement à lui avant de s'intéresser à ses fesses ? Enfin bon... Malgré ses résolutions, son corps était apparemment frustré pour rêver d'un beau brun qui le caressait et l'embrassait dans la brume hivernale !

Il fallait qu'il se reprenne et vite s'il ne voulait pas se reprendre un savon de son père qui pouvait venir n'importe quand ! C'était assez humiliant, il avait tout de même vingt-huit ans ! Enfin, dans quelques jours. Sur cette motivation, il commença à ranger de nouveaux livres dans les rayons. Occupé et concentré sur sa tâche, il entendit la sonnette de la porte d'entrée retentir, signalant qu'un client venait d'arriver. Ayant entendu Marcus partir en pause, il y avait à peine deux minutes, pour fumer sa cigarette et sans doute boire un café, Nathanaël posa le livre qu'il avait dans les mains et partit vers la personne qui venait d'entrer pour vérifier si elle n'avait pas besoin d'aide.

En arrivant près de l'accueil, le libraire vit un homme qui lui tournait le dos mais il dût l'entendre arriver car il se retourna pour plonger ses beaux yeux sombres dans ceux, choqués, de Nathanaël qui se figea. Cet homme... Il ressemblait à celui de son rêve ! Comment c'était possible ?!! Une coïncidence. Juste une coïncidence ! Les rêves ne peuvent pas être réels ! Reprends-toi, Nathanaël ! Reprends-toi ! s'encouragea-t-il.

-Bon...

Il se racla la gorge et reprit :

-Bonjour ! Puis-je vous aider ? demanda-t-il de son ton le plus professionnel.

Un sourire naquit sur les lèvres du beau client, faisant chavirer le cœur du libraire.

-Oui. C'est pour offrir. Je cherche un recueil de poèmes de Charles Baudelaire, « Les Fleurs du mal ». Je voudrais une belle édition.

-Très bien. Suivez-moi.

Cet homme avait bon goût, se dit Nathanaël qui essayait de ne pas penser à sa présence derrière lui, il en était décontenancé. Et il sentait bon, en plus, comme dans son rêve ! Arrivé au rayon dont il était question, le libraire lui montra la plus belle édition des « Fleurs du mal » qui contenait de belles illustrations représentant chacun des poèmes.

-Voilà, c'est la plus belle édition que nous ayons, lui dit-il en lui donnant le livre pour qu'il puisse le feuilleter et voir par lui-même.

Leurs doigts s'effleurèrent, provoquant de légers frissons dans le corps de Nathanaël. Son cœur battait la chamade et il espérait que cet homme ne l'entendait pas mais le libraire avait l'impression que malgré les chansons de Noël qui passaient en boucle, on entendait que cela et c'était très gênant !

-Parfait. Je vais le prendre.

Sa voix... Si grave et sexy comme dans son rêve. C'est moi que tu devrais prendre... pensa Nathanaël, un peu excité.

-Il y a un souci ?

-Que... Quoi ? fit le jeune homme, sortant brusquement de ses fantasmes et se raclant de nouveau la gorge, plus rouge qu'une tomate bien mûre. Ho, non, non ! Pas de souci ! Très bien ! Allons à l'accueil, je vais encaisser votre achat.

Totalement gêné, il marcha rapidement jusqu'à la caisse et fit ce qu'il venait de dire. Il lui fit également un joli paquet cadeau et lui rendit son achat. Le bel inconnu paya en liquide, ce qui déçut le libraire qui n'avait ainsi pas accès à son nom, alors que s'il avait utilisé sa carte bleue, cela aurait été possible et il aurait ensuite pu chercher des infos sur ce bel homme. Oui, ça faisait un peu psychopathe, tout ça... Et Nathanaël était un peu honteux de ses pensées.

-Merci pour tout.

-C'est moi qui vous remercie, répondit le libraire.

Cet homme était non seulement beau à tomber par terre et cultivé mais également poli. Putain, c'est l'homme de mes rêves ! Et peut-être au propre comme au figuré, d'ailleurs... pensa le jeune homme en plein fantasme. Ouais... Il était donc forcément hétéro ou en couple ou dans tous les cas, inaccessible... Arrête de rêver, Nathanaël !

-Nous nous reverrons bientôt, lui dit le bel inconnu après avoir plongé ses beaux yeux sombres dans les siens.

Et sur ces derniers mots bizarres, il sortit de la librairie sous la chanson de Wham, « Last Christmas », dont les paroles pouvaient trouver un écho dans ce moment tendu, intense, et qui laissait le jeune homme aux yeux verts, figé et perdu...

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