Chapitre 7
Le groupe se réunit sous le pont du navire. Wil fouilla dans un recoin pendant et revint vers les autres, un rouleau à la main. Il étala ce dernier sur l’unique table, révélant une carte maritime.
Karel la regarda avec intérêt et attendit les directives de Wil, en pleine réflexion.
— Votre île ne se trouve sur aucune carte, pour des raisons évidentes de sécurité, énonça Whélos d’un ton posé. Mais tu me sembles perdu. Tu devrais connaître son emplacement, n’est-ce pas ?
— Justement. « Devrait », répondit Wil. À cause des Clans et d’éventuels pirates, nos ancêtres ont conçu un système titanesque qui permet à notre île de se déplacer et de rester invisible.
Ses compagnons furent abasourdis.
— Comment ce prodige peut-il être possible ? questionna Aquilée.
— Avant que les Avancés n’apparaissent, nous étions une cible récurrente et les attaques étaient quotidiennes, expliqua Wil. Parfois, personne ne revenait après un voyage commercial. Je vous laisse imaginer les conséquences catastrophiques que cela a pu avoir.
— Mais ensuite ? l’encouragea Lya.
— Nos ancêtres ont risqué leur vie pour communiquer avec les Avancés, une fois qu’ils sont apparus. En mêlant leur savoir et la magie, ils sont parvenus à concevoir un système qui déplace l’île entière, raconta le marin. Ainsi, même nous, nous ne pouvons pas savoir où elle se situe en temps réel. Comme ça, si jamais nos attaquants sont capables de lire dans les pensées avec la magie, ils ne pourront rien trouver.
— C’est ingénieux, commenta Whélos.
— Oui. Mais il n’y a pas que ça : notre île est cachée derrière une brume magique, à l’intérieur de laquelle des pièges mortels sont cachés avant d’atteindre notre île. Seule mon peuple peut les affronter. Il faut aussi l’un de nos navires, car un bateau ordinaire serait incapable de survivre à ces obstacles.
« Eh bien, que de précautions… » songea Karel.
Cela expliquait beaucoup de choses, comme le fait que ce peuple étaient des experts hors pairs en navigation. Surmonter ces obstacles au quotidien devait nécessiter un long entraînement, et c’était ce qui devait avoir fait l’origine de leur réputation : ils étaient capables de braver les pires tempêtes et d’y survivre.
Sans la Tribu de l’Eau, la vie deviendrait très difficile pour la grande majorité de Weylor. Le pays était composé d’une immense île principale, entourée de d’autres, plus petites. Les voies étaient donc principalement maritimes, surtout avec le manque de sécurité sur les routes terrestres. Avec leurs capacités à voguer même par les tempêtes, le transport des marchandises de ville en ville s’en retrouvait facilité.
Karel déplorait qu’il fallait en arriver à des systèmes aussi poussés de protection, juste pour une poignée de clans ou de groupes aux intentions néfastes. Tout ce système expliquait pourquoi, en l’espace de plusieurs siècles, cette île n’avait plus jamais été pillée.
Il exécuta quelques signes. Lya traduisit pour Wil en lui apprenant les signes adéquats.
— Comment accède-t-on à votre île, dans ce cas ?
Wil plissa les yeux, en intense réflexion.
— Mh. D’après la période de l’année dans laquelle nous sommes…
Il sortit un étrange outil en métal, composé de trois fines barres métalliques. Wil le posa sur la carte, sur le coin où se trouvait le motif d’une boussole. Lorsqu’une tige de métal se posa sur le centre de l’image, la boussole sembla ressortir de la carte. Le reste du groupe aperçut de tous petits rouages apparaître.
— C’est fascinant ! s’extasia Whélos.
Wil effectua quelques mouvements précis à l’intérieur des engrenages. La boussole pivota et plusieurs lignes apparurent sur la carte. Ceci fait, le jeune homme posa son outil, prit la carte et se dirigea vers le mécanisme central à l’intérieur duquel flottait l’orbe du navire. Karel comprit mieux pourquoi le marin s’était fait aussi insistant pour la récupérer. Elle ne semblait pas servir que pour faire fonctionner le navire.
Le marin plaça la carte à plat sous l’orbe flottant et ajusta quelques paramètres via le panneau de commande sous la structure. L’orbe brilla intensément et la pièce fut envahie d’images que le reste du groupe fut tenté de toucher.
Karel n’y résista pas non-plus, impressionné. Sa main traversa l’image d’une grande île construite sur plusieurs hauteurs.
— Même après tant d’années à étudier le fonctionnement de la magie, souffla Whélos, admiratif. J’ignorai qu’elle pouvait aller jusque-là.
Wil ne répondit pas, concentré sur ses manipulations. Il manipula encore deux manettes. Les images flottantes se déplacèrent comme si elles étaient vivantes. Soudain, un fin rayon lumineux surgit de l’orbe et se relia à une île en particulier : celle qui avait attiré l’attention de Karel. Le rayon lumineux clignota plusieurs fois, mais d’une manière bien précise.
Enfin, Wil appuya sur un autre bouton et la carte holographique disparut. La luminosité de la pièce redevint normale.
— Alors ? s’enquit Lya.
— Je l’ai retrouvée, répondit Wil, satisfait. On a de la chance, elle n’est pas trop loin d’ici ! Nous devrions en avoir pour un ou deux jours de navigation sans arrêt, si tout va bien.
— Mais si cette île se déplace, comment sais-tu qu’elle sera toujours au même endroit dans deux jours ? demanda Whélos.
Wil le fixa.
— Contrairement à ce que tu penses, là, il n’y a pas de magie. Enfin, un peu. Ce rayon lumineux sert à localiser l’île et à donner ses actuelles coordonnées codées, que nous sommes seuls aptes à lire. Pendant ce processus, l’orbe a envoyé un signal sur notre île. Chez les Avancés, ils appellent ça des ondes. Je ne saurais pas comment vous expliquer ce que c’est vraiment, sachez juste que ce n’est pas de la magie, même si ça y ressemble.
— C’est fascinant ! s’écria Whélos. Passionnant ! J’ai si hâte de découvrir cette île !
Les quatre Sorciers échangèrent une moue amusée. Ils n’avaient jamais eu l’occasion de voir Whélos aussi enthousiaste.
Karel restait impressionné par l’aisance de Wil dans ce monde oscillant entre magie et inventions Avancées.
Wil rangea soigneusement la carte et le compas et effectua encore quelques réglages sur son tableau bord.
— Allez ! Tout le monde sur le pont ! Nous avons une longue route à faire !
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