Chapitre 25 - 1
Un son tonitruant réveilla Karel dans un brusque sursaut qui le fit chuter de son hamac. La vive agitation de la pièce principale acheva de le réveiller. Karel tendit l’oreille. N’y reconnaissant aucune exclamation due à un danger ou une querelle quelconque, il prit le temps de s’étirer pour achever de récupérer ses esprits.
Cela fait, il s’habilla très vite, attacha ses cheveux comme d’habitude, et sortit de la pièce. Lorsqu’il ouvrit la porte, la scène le figea : Whélos fixait l’agitation dans un coin de la pièce sans rien dire. Les filles ne semblaient pas savoir comment réagir, et seul Sinbad ne semblait absolument pas perturbé par l’agitation que créaient Athéna et Wil.
— Tu m’as fait mal, idiot ! s’écria Athéna en se massant ses tempes rougies.
Wil afficha son expression la plus insolente en se frottant ses branchies.
— Pardon ? Excuse-moi, j’ai du mal à t’entendre. Je crois que ton coup trompette de bateau m’a complètement rendu sourd !
Une soudaine envie d’éclater de rire surprit Karel. Ne souhaitant pas attirer l’attention des deux énergumènes, il masqua sa bouche d’une main. Wil le fusilla du regard.
— Oh le traître, il était au courant ! Tu aurais pu me prévenir de ce que cette furie s’apprêtait à me faire ! Je croyais que nous étions amis !
Karel pointa Athéna du doigt.
« Ta furie de cousine m’a menacé. »
Athéna lança la trompette en l’air et la rattrapa dans sa main palmée en fixant Wil.
— Tu l’as mérité ! riposta-t-elle avec un sourire. Ça t’apprendra à me faire mourir d’inquiétude comme ça pendant autant de temps !
— De vrais frères et sœurs, commenta Aquilée, amusée avant de porter une tasse de thé à ses lèvres.
— Vous êtes vraiment bruyants ! se plaignit faussement Lya.
— Ah, c’est sûr qu’avec Karel, vos altercations doivent être moins audibles ! riposta Wil.
Karel se rendit compte de son changement : autrefois, il n’aurait pas toléré ce genre de remarque. S’il ne connaissait pas Wil, probablement l’aurait-il mal pris. Mais il avait appris à connaître le tempérament de celui qui était désormais devenu son ami : il ne disait pas ce genre de chose pour le blesser, mais plutôt pour le provoquer gentiment.
Pour toute réponse, Karel lui fit un doigt d’honneur en le regardant droit dans les yeux. Au moins, personne n’eut besoin de traduire.
Lya ne cacha pas sa surprise en voyant son frère enfin capable de riposter et se montrer moins introverti que d’habitude. Wil y aidait beaucoup, depuis qu’ils se fréquentaient. Contrairement à elle, il n’hésitait pas à pousser Karel dans ses retranchements. Contrairement aux autres, Wil ne s’était jamais comporté en faisant comme si la mutité de Karel n’avait aucune importance et ne faisait aucune différence. Il faisait tout le contraire en la mettant en avant au travers de plaisanteries et en la considérant comme un sujet trivial. Il ne se brimait pas. Wil avait su mettre en avant cette difficulté d’une manière si positive que même Karel était parvenu à accepter, au moins partiellement, cette différence qu’il supportait depuis toutes ces années.
Au fond d’elle, Lya était ravie de constater que cette carapace commençait enfin à se fissurer.
Athéna et Wil se chamaillèrent encore et manquèrent de bousculer Sinbad qui souleva juste à temps un plateau en esquivant les deux Sorciers comme si de rien n’était.
— Sinbad, vous ne dîtes rien ? quémanda Lya. Ils vont vous mettre la maison sens dessus sens dessous !
Sinbad afficha une expression infiniment tendre et heureuse.
— Au contraire, jeune fille ! Cela me rappelle ces jours heureux où les choses allaient bien ! Mes enfants sont près de moi, rien d’autre pourrait me rendre plus heureux en cet instant !
Tandis qu’il posait son plateau rempli de gâteaux sur la petite table centrale, le groupe se rendit compte qu’en effet, c’était la première fois qu’ils voyaient Sinbad aussi radieux. Son ton était moins bourru, ses gestes plus dynamiques, comme s’il avait retrouvé une certaine jeunesse.
Athéna porta son attention sur son père, étira un large sourire et lança un clin d’œil.
— Je vous avais dit que Papa ne pouvait pas me résister !
— Où en est le navire, ma petite sirène ? s’enquit Sinbad en servant le thé à tout le monde.
— Terminé ! répondit Athéna sans dissimuler sa fierté. Le cœur doit avoir été installé, à l’heure qu’il est ! Le navire est prêt à reprendre du service, il est comme neuf ! Vous allez voir, vous aurez du mal à le reconnaître !
Wil l’emprisonna d’un bras pour l’embrasser sur la tempe.
— Tu es géniale, Athéna ! Merci, la remercia-t-il.
— Si tu veux vraiment me remercier, évite de disparaître dans la nature pendant tes futurs voyages, et reviens vivant de votre périple avec les Dragons !
— Je ferais attention, cette fois, c’est promis, lui sourit affectueusement Wil.
Athéna se jeta à son cou, l’emprisonnant dans une étreinte sincère.
— S’il te plaît, promets-moi vraiment d’être prudent. Nous avons perdu beaucoup trop de membre de notre famille. Quant à moi, je te promets que, la prochaine fois que tu rentreras, tu n’auras pas à encaisser une sale nouvelle, et je deviendrais encore meilleure mécanicienne !
Wil passa une main tendre dans son dos et lui rendit son étreinte.
— Je n’en doute pas. Je te promets de revenir, Athéna. Je vous le promets à tous les deux. Prenez soin de vous, d’accord ?
Suite ===>
Annotations
Versions