Chapitre 25 - 2
Une bonne heure plus tard, tout le monde se retrouva sur le chantier naval. Athéna n’avait pas exagéré dans ses propos : le bateau familial était méconnaissable.
Athéna débordait de fierté et regarda Wil.
— Comme tu n’es pas parti pour livrer des marchandises ou escorter des voyageurs, je me suis permise quelques modifications, indiqua-t-elle en tapotant sur la coque. Je n’ai pas fait que remplacer quelques planches et une voile, crois-moi !
Si Karel était aussi impressionné que les autres, une lueur ravie étincelait dans les yeux de Wil, comme un enfant qui aurait reçu un cadeau merveilleux.
— C’est vraiment magnifique ! s’écria-t-il les yeux brillants. Et tu as fait ça seulement en quelques jours à peine ! Tu es vraiment talentueuse !
— Attends de voir les petites nouveautés que j’y ai installé !
Athéna les invita à monter à bord. Elle les conduisit aussitôt sur le gaillard d’arrière et désigna du doigt un tout nouveau panneau de commandes, qui comportait quelques éléments en plus du précédent. Les yeux de Wil étincelèrent.
— Mais non !
— Mais si !
Karel échangea un regard avec ses compagnons, se demandant bien à quoi Athéna et Wil faisaient allusion.
— J’espère que ça vous sera utile et que ça vous protégera, au moins un peu, sourit Athéna. J’ai rendu la coque plus solide et plus résistante aux tempêtes. Alors je ne sais pas si ça pourra résister à une tempête provoquée par un Dragon, mais j’ose penser qu’au moins, tu risqueras moins de te blesser.
— Votre savoir est vraiment incroyable, commenta Whélos, admiratif.
Athéna désigna le panneau de commandes flambant neuf.
— J’ai fait évoluer les stabilisateurs : en plus de leur fonction de base, désormais, si jamais vous vous retrouvez à chuter dans le vide, vous pourrez activer des parachutes. Comme sur l’arrière du bateau, mais cette fois, sur les côtés. Vous pourrez contrôler leur direction avec ces commandes ici.
— Un bateau aussi gros peut-il vraiment flotter dans les airs ? s’étonna Aquilée.
— Pas vraiment, mais les orbes permettent ce prodige. Le cœur est un concentré de magie. Nous ne connaissons pas le Pouvoir Universel, mais nos anciens se sont inspirés de l’idée pour les créer.
Elle marqua une courte pause et désigna une autre commande.
— J’ai aussi mis plus de puissance dans l’accélération, ça pourrait être utile… attention, c’est assez sensible, pour la peine !
— D’accord, je prends note, assura Wil. Quand nous serons sur des eaux calmes, je m’entraînerai pour me familiariser avec tout ça. Il y a autre chose ?
— Dans les grandes lignes, j’ai renforcé certaines fonctionnalités liées à la magie, expliqua Athéna. Comme le bouclier, que tu pourras désormais renforcer sur une zone précise du navire, et pas d’une manière généralisée comme avant.
— Voilà deux cent ans que les Dragons ont été maudits et que la corruption a grandi dans le cœur de certains peuples, observa Whélos. Pourquoi ne pas équiper tous vos navires par défaut avec toutes ces fonctionnalités ?
— Nous restons de humbles marchands, intervint Sinbad. Pas des aventuriers, combattants ou que sais-je. Le but de notre Tribu est d’aider à faire transiter les marchandises et les voyageurs d’une manière rapide et sécurisée.
— Mes ajouts ne sauveront peut-être pas Weylor, mais j’espère qu’ils vous faciliteront un peu les choses, sourit Athéna.
Wil serra sa cousine par les épaules et l’embrassa sur la tempe.
— Merci, ma Athéna. Tu as fait un super boulot.
Deux bonnes heures plus tard, ils furent sur les quais. Athéna et Sinbad les accompagnaient. Après des adieux chaleureux, Karel monta à bord et s’aperçut que Wil tarda un peu. Il le vit encore sur le quai, face à sa famille. Ils s’étreignirent.
— Prenez soin de vous, s’il vous plaît, insista Wil. Vous allez me manquer.
— J’essaierai de t’envoyer des nouvelles, notamment du Conseil, promit Sinbad. Sois prudent, mon garçon. Et… je sais que tu es en colère contre ton frère, mais s’il te plaît : si tu le vois, dis-lui qu’il a beau avoir été banni, il sera toujours le bienvenu sous mon toit. Et que je serais ravi qu’il revienne. Qu’il pourrait recommencer à zéro.
Wil frémit mais ne répondit pas et acquiesça. Athéna le prit avec émotion dans ses bras.
— Ne meurs pas, Wil, s’il te plaît. Je ne supporterai pas une perte de plus, cette année.
Karel étira un léger sourire en voyant l’émotion d’Athéna et Wil qui s’étreignaient comme de véritables frères et sœurs. Athéna était comme Wil : son espièglerie était une manière d’avancer, de surmonter les tragédies. Étant la plus jeune, elle avait dû prendre exemple sur Wil. Ce dernier la regardait vraiment comme une petite sœur. Wil serra affectueusement Athéna dans ses bras pour la réconforter en lui caressant ses cheveux d’une main.
— Némésis m’a donné des pouvoirs, lui répondit doucement Wil. Ça devrait aller. Mes amis en sont déjà à deux dons de Dragon. Entre ça et ton travail, nous devrions nous en sortir !
Il l’embrassa sur le front et la relâcha. Wil monta sur le pont et rejoignit le groupe. Il saisit une manette pour réintégrer la passerelle à l’intérieur de la coque du navire et regarda ses compagnons.
— Prêts à larguer les amarres ?
Chacun acquiesça et partit dans une direction différente pour détacher le bateau du quai. Ce faisant, Karel vit Wil se tourner encore une fois dans la direction de sa famille et afficher une expression émue en leur faisant signe de la main. Athéna et Sinbad, qui tenait sa fille par une épaule, répondirent au geste.
— Ah… soupira Whélos. Quel dommage de quitter un si merveilleux endroit !
— Nous ne sommes pas sans revenir, insinua gentiment Aquilée en le rejoignant. Après ce voyage, nous aurons le loisir d’aller où nous le souhaitons !
— Tu as raison, admit le chercheur. Mais ça va me manquer quand même, en attendant. Même si je ne pense pas autant que notre ami.
Son regard se dirigea vers Wil, puis vers les silhouettes d’Athéna et de Sinbad qui devenaient de plus en plus difficiles à distinguer à mesure que le navire s’éloignait de la côte. Wil barra son bâtiment. Il reporta son attention sur les flots.
— Je reviendrai, se murmura-t-il à lui-même. Bientôt, nous serons tous réunis. La malédiction des Dragons ne m’en empêchera pas.
— Dis, Wil, questionna Lya. Ne me dis pas que nous allons devoir traverser à nouveau tous ces torrents, comme pour l’arrivée ?
Wil, qui avait enfin détaché ses yeux de la berge, se tourna vers elle.
— Non, rassure-toi. Dans cette brume qui nous entoure, il y a une zone précise par laquelle il faut passer, pour sortir directement. C’est une sorte de portail magique bien caché, qui ne va que dans un seul sens. Je sais où il se trouve, ne t’en fais pas, je gère !
— Ouf…
Karel, encore accoudé sur le bastingage, les yeux rivés sur l’île qui rapetissait de seconde en seconde, partageait l’avis de sa sœur. Aquilée affichait la même expression.
« Tiens ? Se pourrait-il qu’elle aussi… ? »
Perspicace, Wil remarqua leur trouble et leur jeta un regard soupçonneux. Karel frissonna en sentant son regard dans son dos.
« Seigneurs Dragons… il a deviné. » grimaça-t-il.
Karel s’empêcha de se prendre la tête entre ses mains pour mieux dissimuler sa gêne. Il ne fut pas le seul : Aquilée, Lya et Whélos trouvèrent aussitôt une excuse pour se dérober.
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