Le chemin de lumière

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Soudain, la porte du dortoir grinça, laissant entrer une jeune fille aux cheveux châtains flamboyants, avec un sourire éclatant témoignant d'une joie de vivre contagieuse. Elle portait un sac à dos coloré. Ses yeux bleux pétillants semblaient rayonner comme une lumière intérieure qui contrastait violemment avec la pénombre de la pièce.

- Bonjour, je suis Julie. Tu es seul ? lança-t-elle d'une voix claire et cristalline.

Alexandre leva les yeux, surpris par son enthousiasme débordant. Il resta silencieux, incapable de répondre à cette gaieté spontanée qui semblait si étrangère à son monde sombre.

Julie s'installa sur un des lits, déposant son sac avec une légèreté insouciante. Elle observait le jeune homme avec curiosité, ses yeux perçant la carapace qu'il avait érigé autour de lui.

- Tu sembles fatigué, le chemin est long, n'est-ce-pas ? dit-elle doucement.

Alexandre hocha la tête, incapable de prononcer un mot.

Toujours avec la même gentillesse communicative, elle continua :

- C'est mon premier pèlerinage. Je voulais faire quelque chose de différent, me connecter à moi-même, à la nature... et puis j'ai toujours été fasciné par l'histoire de Saint Jacques.

Elle parlait avec une passion contagieuse, décrivant les paysages traversés, les rencontres faites, les émotions ressenties. Ses mots étaient comme des éclats de lumière qui perçaient la nuit dense qui enveloppait Alexandre. Finalement, cet entrain amena l'adolescent à se confier.

Après avoir dépeint la noirceur des sentiments qui hantaient ses pensées durant une partie de la nuit, il finit même par avouer à Julie qu'il avait déjà songé au suicide.

Là, sans dire un mot, elle s'assit à côté de lui, posant sa main sur celle d'Alexandre, laissant couler les larmes dans le silence empathique, tout simplement.

Le lendemain, face à lui, Julie prit les mains du jeune garçon dans les siennes et le fixa avec un regard intense, dans un silence qui en disait plus que n'importe quel mot qu'elle aurait pu prononcer. Puis elle dit :

- Tu veux abandonner le pèlerinage ? Moi je te propose de faire une pause sur le parcours et un exercice. Si cela ne change rien pour toi, alors d'accord, tu pourras laisser tomber et rentrer chez toi.

- Une pause ? Un exercice ? Qu'est ce que cela signifie ? répondit-il, dubitatif.

- Je t'emmène dans un endroit magique, un lieu reculé, loin du tumulte du monde, offrant un refuge paisible où l'âme peut enfin respirer et s'abandonner à la beauté sauvage de la nature. On y ressent une profonde sérénité, une communion unique avec la création. Et là, tu crieras, mais tu crieras de toutes tes forces pour exprimer ce qu'il y a en toi : ta haine, ta colère, ton désir d'être toi.

Une fois arrivés dans ce coin majestueux, des cris timides sortirent de la bouche du jeune homme :

- aaaah...aaah...

Julie l'interrompit :

- Non Alexandre, tu ne m'as pas comprise.

Elle posa une main sur son dos et l'autre sur le ventre au niveau du nombril.

- Ne t'arrête pas au coeur, cela doit venir des entrailles, le centre des émotions. Alexandre, libère toi, ouvre toi, tu as le droit de vivre toi aussi. l'encouragea-t-elle.

Alexandre reprit donc :

- AAAAAAH...AAAAAAAAAAH...JE VEUX VIVRE...AAAAAAAAAH...JE VEUX VIVRE...AAAAAAAAAH...VIVRE, ETRE MOI...AAAAAAAAAAAAAAH. vociféra-t-il, à s'en casser la voix.

Cette fois, le noeud compressé des sentiments qui étouffait Alexandre devint une véritable explosion salvatrice. Les larmes lui montèrent aux yeux, mais c'étaient de vrais sanglots d'espoir et de libération. Julie le prit dans ses bras de longues minutes ; les pleurs, encore là, étaient comme des torrents de tout ce qui n'avait jamais réussi à sortir auparavant.

Suite à cette expérience qui s'avéra violente mais libératrice pour Alexandre, perdu dans ses nouvelles pensées, il se remémora les dernières paroles de la libraire, des mots du vieil homme sage rencontré plus tôt sur le chemin, et puis maintenant Julie. Il prit conscience d'une chose : c'était à chaque fois qu'il avait accepté de laisser entrer une personne dans sa vie qu'il avait éprouvé de l'espoir. Il compris à ce moment que seul, il n'arriverait à rien.

Julie, avec une voix douce le sortit de cet état de rêverie :

- Tu vas bien, Alexandre ?

Avec sa voix encore fragilisée par les cris, il lui répondit, avec authenticité :

- Merci... Merci d'être là pour moi.

Les jours suivants furent marqués par une étrange complicité. Julie, avec sa joie de vivre débordante, avait réussi à briser les barrières qu'Alexandre s'étaient construites. Elle le tiraillait sans cesse dans ses aventures improvisées, le forçant à sortir de son cocon d'isolement, et ainsi continuer le travail intérieur commencé.

Ils arpentaient ensemble les chemins sinueux, partageant leurs repas simples et leurs réflexions intimes. Julie racontait ses rêves, ses aspirations, ses peurs. Alexandre écoutait, captivé par sa franchise, son absence de jugement.

Elle lui dit encore :

- Tes parents t'aiment Alexandre. Il ne savent peut-être pas comment te le montrer, mais ils veulent ton bonheur.

Il soupira, sceptique.

- Parfois, on a besoin de trouver notre propre chemin. Le bonheur de tes parent ne doit pas dépendre du tien. Tu as le droit d'être celui que tu veux être, même si cela les déçoit.

Ses paroles résonnèrent profondément en lui, comme une révélation. Il avait toujours pensé qu'il devait répondre aux attentes de ses parents, qu'il devait être quelqu'un d'autre pour gagner leur amour. Mais Julie lui montrait une autre route, un chemin d'acceptation de soi, de liberté.

Ils arrivèrent à Santiago de Compostelle après plusieurs jours de marche intense. La foule immense qui se pressait autour de la cathédrale impréssionna Alexandre. Il ressentait une émotion confuse, mêlée de joie et d'appréhension.

Alors que Julie s'extasiait devant l'architecture grandiose de la basilique ; lui, se sentait perdu dans le tumulte.

- Je ne sais pas si j'arrive à comprendre tout cela. Tout ce chemin parcouru... pour quoi faire ? avoua-t-il à Julie.

Elle posa sa main sur son épaule, lui offrant un sourire, et lui dit :

- Le pèlerinage n'est pas une destination, Alexandre. C'est un voyage intérieur.

Elle se touna vers lui, le fixa droit dans les yeux, insistant avec ses paroles pénétrantes :

- Tu as fait un long chemin. Tu as affronté tes démons, tu as appris à te connaître. C'est ça, la vraie victoire. Tu peux être fier de toi ; moi, je suis très contente du chemin intérieur que tu as parcouru.

Ces mots firent écho au plus profond de lui. Il comprit que Julie avait raison. Le pèlerinage n'était pas seulement une randonée physique, c'était une quête spirituelle qui l'avait transformé.

Il avait appris à accepter ses faiblesses, à reconnaître sa valeur intrinsèque.

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