Mardi 26 novembre

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La nuit touche à sa fin, le ciel s’éclaircit. Victoria aussi, touche à sa faim. Et moi, je n’ai plus de biscuit. J’ai dû m’assoupir, il ne s’est rien passé. Je commence à avoir les crocs, moi aussi. Il faut que je lève le camp. J’ai peut-être été repéré, c’est pour ça que personne n’a bougé depuis hier. Pourtant, si je me suis endormi, j’étais vulnérable, on aurait pu… Ah, non, Victoria est restée toute la nuit à côté de moi. C’est pour ça que personne n’a bougé.

C’est décidé, je retourne au pick-up. J’y trouverai de quoi me faire un petit déjeuner express. Et des croquettes pour mon amie. Le tout-terrain est toujours là. Inspection rapide, pas de dégradation apparente, par la fenêtre, je vois que rien ne semble manquer. Je ne sais pas qui se terre par là, mais cette personne, ou ces gens doivent être suffisamment apeurés pour ne pas avoir risqué de nous rencontrer, Victoria ou moi. C’est encourageant pour moi. Mais ça ne me fait pas avancer.

Nouvelle stratégie. Nous remontons dans le pick-up, le chien et moi, et je m’éloigne. Je retrouve la route, je remets des balises aux endroits où les premières ont été enlevées. Mais je change la routine de fixation, de façon à bien différencier mon repérage. Un de mes voisins, un ancien militaire, une espèce de connard qui me tient la jambe pendant une heure à chaque fois qu’il me voit. Hélène me dit toujours que je dois être plus sympa, avec lui, que c’est un retraité qui est tout seul, il a besoin de parler à quelqu’un. Pourquoi ça devrait toujours être moi, ce quelqu’un ? Qu’il en trouve un autre à emmerder avec ses conneries. Et puis, c’est quand même pas ma faute, s’il est tout seul, ce vieux con. De toutes façons, il a disparu comme tous ces cons du village, et c’est moi qui suis là, tout seul, comme un con, avec juste un chien pour compagnon. Enfin, bref, c’est ce type qui m’a parlé de cette technique.

Je reprends la route, jusqu’à mon camp de base, chez Hélène. En arrivant, une bonne douche, un vrai café, un morceau de pain. J’ai dû apprendre à en faire, depuis le temps qu’il n’y a plus de boulanger, tous les pains, dans les magasins, sont, au mieux, rassis, au pire, moisis. Je progresse, mes tartines sont mangeables même sans avoir à les tremper dans le café.

Je me remets en route, direction le prochain magasin d’articles de sport, rayon chasse. En espérant que je n’y retrouve pas que des vestes oranges fluo. Pour éviter à tous ces abrutis de se tirer les uns sur les autres, c’est sûrement efficace, mais pour le camouflage, les bestioles doivent bien se marrer…

Pour les frusques, c’est loupé, ma pire crainte s’est réalisée. En réalité, j’ai du choix, il n’y a pas que du orange fluo, il y a aussi du jaune fluo. C’est ma veine… Mais je crois bien avoir vu, l’autre jour, en revenant de la forêt, en traversant une zone commerciale, un surplus de l’armée. Là, au pire, qu’est-ce que je risque de trouver, un casque couleur Schtroumpf ?

C’est bon, j’ai fait mes emplettes. Je suis prêt pour une nouvelle aventure, façon Rambo. Je laisse le pick-up à dix kilomètres de mon repérage, j’emprunte la première bagnole que je trouve, une Twingo première génération, je m’étais juré de ne jamais en conduire. Finalement, c’est loin d’être la merde que je pensais. C’est rustique, mais ça ne doit pas être bien fragile, du coup. Bref, ça fera l’affaire. Victoria n’aura qu’à aller saloper la banquette arrière.

Je roule cinq kilomètres et j’arrête le pot de yaourt sur le bas côté. Je ferai le reste à pied, qu’on ne m’entende pas venir. Le chien reste à côté de moi, elle a appris ça, toute seule, Dieu sait comment, au cours de ces quatre dernières semaines. À moins que ce ne soit son con de proprio qui le lui ait appris. Peut-être pas si con que ça, après tout… Peu importe.

On arrive discrètement au niveau de mes nouveaux repérages. Le principal, la double planchette, est toujours là. Mais les frous-frous ont disparu, de nouveau. Je ne touche à rien et m’enfonce dans le bois, le plus discrètement possible, jusqu’à ma planque de l’autre jour. Mes traces sont toujours là, celles de Victoria aussi. Rien d’autre.

Je m’installe de nouveau, le chien est là, on a des provisions pour cinq jours. Ça fait du bien de lâcher un peu le sac à dos. Le ciel s’obscurcit, la nuit tombe doucement. C’est parti. Tiens, bête de kien, attrape ce biscuit, et tâche de ne pas t’étouffer avec, la nuit pourrait bien être longue.

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