C'était comme de...
C'était comme de rétrocéder vers le lieu de sa très ancienne mémoire, cette lueur de lampyre perdue dans les arcanes des jours. Les arbres envoyaient leurs lianes flexibles et l'on en sentait les fouets cinglants sur l'aire dévastée du visage, longues scarifications nous disant la fin du jeu. Ce que l'on prenait pour du lierre invasif, ces glissements ophidiens enserrant nos hanches, nos bassins, c'était seulement notre cordon ombilical qui se rappelait à nous avec l'urgence d'un désir à satisfaire. Immédiat. On n'était plus que cette boule de chair diaphane, parcourue de ruisseaux de sang, flottant dans la mer amniotique avec, tout autour de soi, des clignotements de comètes. On était parvenus au socle de toute chose, là, dans cet espace sidéré qui était tous les espaces, dans ce temps de glu qui était tous les temps. Cela flottait infiniment, cela tenait un discours aquatique, cela berçait comme sous l'effet d'une comptine. Avec soi, on avait emporté ses joies et ses peines, ses anciens actes d'amour, ses promesses occluses, ses inclinations humanitaires, ses empilements de culture, ses besaces d'états d'âme. On était ici, dans la jarre prolixe, dans la chôra plurielle, dans l'instance du devenir. Et, en même temps, on était dans le siècle, dans la nasse des comportements stéréotypés, dans le goulet du conformisme, dans les mailles destinales de la condition humaine. Une ubiquité de tous les instants, un constant tiraillement entre l'hypothèse d'être et la réalité d'exister. Aussi, cela craquait aux jointures. Aussi cela faisait mal à la nostalgie. Aussi cela posait un problème éthique : être ici et ailleurs et demeurer hommes, femmes. Et demeurer dans l'authentique pouvoir de soi. Ne pas s'en remettre, seulement, au végétatif, à l'impulsif, à la simple décision d'abriter ses actes dans la gangue de pierre, dans la volonté tératologique, dans l'inconséquence originaire.
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