Rick avait d’abord eu l’ambition de rouler le plus loin possible avant de se débarrasser de la malle. Mais il réalisa qu’il ne trouverait peut-être pas d’endroit suffisamment au calme pour opérer au transfert. À la sortie de Ludvig, il connaissait une clairière dans laquelle beaucoup de gens balançaient leurs ordures. C’était carrément dégueulasse, même Rick n’appréciait pas cette démarche, mais il ne voyait pas d’autre lieu où abandonner ce coffre pourri sans qu’un type ou un agent municipal aille bidouiller après.

Il stationna son fourgon à cul de talus et coupa les phares. Dehors, il n’y avait pas un bruit, pas un mouvement. Quasi certain d’être seul, il saisit une lampe torche et monta sur le plateau où la malle l’attendait. Un craquement attira son attention et il dirigea le faisceau vers le bruit. Il vit un petit animal déguerpir.

Putain, la frousse, se dit-il.

Il attrapa une liasse. Que des billets de 50 dollars. Une autre était composée de coupons de 100. La répartition semblait équilibrée : toujours une vingtaine de titres par paquet.

Ne voulant pas trop s’attarder, car il se doutait que beaucoup d’enfoirés venaient jeter leurs cochonneries durant la nuit, il remplit son sac en les empilant par tas de quatre. À la fin de la manoeuvre, il en était à cent soixante-dix-neuf. Il multiplia par quatre, puis par soixante-quinze pour faire une moyenne, puis par vingt billets par liasse. On atteignait le million.

— Oh oui, fit-il. Je serai tranquille avec ça.

Rick se dit qu’il affinerait la somme plus tard. Mais dans l’immédiat, il fallait ficher le camp.

Il poussa la malle hors de son fourgon et celle-ci dévala la pente à plat avant d’enchainer les tonneaux et de s’immobiliser parmi de vieux lave-vaisselles, vélos ou gravats divers.

Il remit le contact, sortit du faubourg puant et roula quelques kilomètres. Arrivé à Laurel, il fit une halte sur le parking du Walmart afin de consulter sa carte routière.

Idéalement, il aurait dû prendre en direction de l’est, puis plein sud, via Cheyenne, Denver et Albuquerque. Ensuite El Paso.

Mais son doigt bifurqua vers l’ouest. Il suivit l’Interstate 90, puis la 15, qui filait au sud vers Salt-Lake-City. Son index couvert de crasse poursuivit sa descente. Cedar City, Saint George, Las Vegas.

Cela lui paraissait une voie plus qu’intéressante. Il verrait ensuite s’il rejoindrait le Mexique par San Diego ou Tucson. Yuma sinon.

Rick enclencha le position drive et rejoignit l’autoroute.

Il roula plus de deux heures dans un silence absolu. Sentant la fatigue le gagner, il alluma l’autoradio pour se tenir un peu éveiller. Malgré les Stones qui beuglaient leur satisfaction, il convainc finalement à s’arrêter dormir.

Il se trouvait alors à hauteur de Bozeman.