10.

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Il était 8 h 30 quand Rick franchit le panneau Ludvig. Il n’avait pas toujours respecté les limitations depuis Bozeman. Aucun patrouilleur de la route ne l’avait intercepté en chemin, malgré les risques encourus.

La chance demeurait de son côté.

Il hésita à s’arrêter au Royal diner. Il n’avait toujours que quelques Milky Ways dans l’estomac depuis ce matin, et la faim se manifestait sérieusement. Mais en apercevant la Chevrolet du shérif, il changea d’avis. Même s’il n’y avait aucune raison pour qu’il sache quoi que ce soit sur le déroulé de la nuit dernière, Rick préférait éviter de croiser l’autorité.

De l’autre côté de la rue, il vit le drugstore de Julius. Une camionnette avec une parabole stationnait devant. Dessus était inscrit : NBC. Il n’y avait pas de journaliste en plein direct au beau milieu de la chaussée, mais Rick s’attendait à ce que ça ne tarde pas trop.

Une fois Main Street derrière lui, il bifurqua vers son lotissement. En atteignant son pavillon, il vit que la voiture de Denise était absente. Mais était-elle là, avant ? Était-il certain de l’avoir vue ?

Éprit par le doute, il décida d’aller constater à l’intérieur. Le bobard inventé pour justifier sa dernière découche serait une histoire de transport de personnel en urgence jusqu’à Corner Peek, ce qui ne consisterait qu’en un demi mensonge, l’horaire étant seulement erroné.

Mais il n’y avait personne. Absolument personne dans cette maison.

Rick prit le temps d’inspecter chaque pièce de l’étage, chaque détail. Dans leur chambre, il vit le cadre retourné sur la table de nuit. Elle a dû se fâcher, pensa-t-il. Quitte à ne plus vouloir voir ma gueule. Mais elle avait aussi très bien pu le retourner hier matin, avant de savoir qu’elle était multi millionaire.

Il retourna au rez-de-chaussée et exécuta la même inspection. C’est là qu’il remarqua que la cuisine n’était pas comme lors de son dernier passage. Là-dessus, il pouvait être catégorique : une casserole séchait dans l’égouttoir et une pile de linge était posée sur la table. Denise s’était donc bien trouvée ici cette nuit. Et si elle n’était pas là ce matin, c’est probablement qu’elle rendait visite à sa mère ou qu’elle était fourrée quelque part avec cette débile d’Amy Jones. Il n’avait jamais réussi à accrocher avec elle. Il la surnommait « la volaille ». Un canard quand elle riait. Une poule quand elle jacassait. Cette femme lui tapait sur le système.

Il erra encore quelques minutes avant de se poser dans son fauteuil fétiche et de réfléchir. Maintenant qu’il était revenu, que devait-il faire pour de pas attirer les soupçons ? Ses doigts malaxant ses joues, cacher son fric lui parut la priorité. Il se redressa à toute vitesse, quitte à voir apparaître quelques étoiles, saisit son sac et l’amena à la cave. Il savait que Denise n’irait jamais. Lui non plus d’ailleurs. La dernière fois qu’il y était descendu, c’était pour chercher son vieux blazer en cuir auquel il tenait tant. Après quelques coups d’œil de chaque côté, sans insistance, il avait finalement opté pour en racheter un.

Il alluma la lumière et descendit les marches.

Rick ressentit une chaleur inhabituelle pour un tel endroit. D’ordinaire, il y faisait frais et sec. Là, on percevait plutôt une humidité chaleureuse, presque tropicale. Comme un grand rayon de soleil après une grosse averse. Le sol n’avait jamais été travaillé depuis la construction de la maison, aux alentours de 1940, mais il ne remarqua pas la terre meuble au beau milieu de la pièce.

Comme Denise, Rick n’aimant pas s’attarder ici, il n’y prêta pas plus d’attention que cela. Cet endroit était devenu le monstre de la maison, le placard renfermant les pires cauchemars de sa vie. Le quitter au plus vite était sa seule motivation.

Au pied de l’escalier, une étagère en bois trônait à un peu moins de deux mètres de hauteur. Il se focalisa dessus, écarta un pot de peinture entamé avant les années 1980 et y déposa son sac. Inutile d’en faire des tonnes, se dit-il. Personne ne viendra ici.

Il rejoignit le salon et le confort de son fauteuil. Mais au passage, il saisit un paquet de chips qu’il entama. Poignée après poignée, une question revenait sans cesse :

Et maintenant ?

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