Chapitre 14 - Complet

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Ce soir-là, une lettre arriva à Briar. L’enveloppe était humide mais le papier fin, et elle dégageait une agréable odeur de gingembre. Elle la retourna, et l’écriture qu’elle vit fit chavirer son esprit. Cette calligraphie à la fois scolaire et élégante… Elle inspira un grand coup, l’ouvrit, et la parcouru d’une main tremblante.

« Briar, ma chère Briar,

J’espère que ma lettre te parviendra au plus vite. Il faut que tu rentres maintenant à la maison. Hortense est au plus mal. Elle ne peut plus bouger de son lit. Le médecin a dit qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps. Reviens-nous rapidement, je t’en prie. Iris aura besoin de toi… nous avons tous besoin de toi.

Ton frère qui t’aime, Merlin »

La missive chuta à terre, avec un bruit feutré, un léger frottement.

Des larmes la rejoignirent quelques secondes plus tard. Si la course du temps avait été inversée, nous aurions pu voir les gouttes d’eau se reformer, remonter et léviter jusqu’au menton du Briar, tremblant pendant quelques millièmes de secondes, soit une éternité dans les battements d’aile du Temps. Elles auraient ensuite glissé jusqu’à perler aux cils roux, avant d’être aspiré par les yeux gris.

Hortense, sa grand-mère, avait tout été depuis la mort de ses parents, comblant tant bien que mal le trou qui avait remplacé son cœur. Si elle aussi venait à partir… Non, elle n’osait même pas y penser.

La rouquine releva les yeux vers Ariel, qui l’observait calmement, une mine interrogative sur le visage.

« Je… » Sa voix s’étrangla. « Je dois rentrer.

- Rentrer ?

- Chez moi. »

Briar ne comprenait pas. Pourquoi l’expression « chez moi » lui faisait-elle un effet si étrange ? Depuis qu’elle était partie de chez elle, elle n’avait qu’une envie : rentrer chez elle… non ? Alors pourquoi son cœur se brisait-il à l’idée de quitter Morag ?

Ariel écarquilla ses yeux caramel.

« Tu pars ? Mais qu’y avait-il de marqué dans cette lettre ? »

Briar lui résuma la situation, gorge nouée. A la fin de son récit, son ami lui pressa l’épaule, lui manifestant ainsi son soutien. Le silence plana un instant entre eux, puis le jeune homme le rompit, la voix rauque.

« Quand partiras-tu ?

- Le plus tôt possible, j’imagine… soupira-t-elle. Ce qui veut probablement dire…

- Demain ? »

La jeune femme hocha la tête. Elle ne voyait pas de raisons de s’attarder plus longtemps. Le moment était venu pour elle de partir.

Grâce à des relations qu’il tenait à l’intérieur du Palais, Ariel avait finalement pu faire parvenir un message à Calliopée et Nahel. Lorsque le Soleil se coucha à l’horizon, Ariel et Briar se rendirent au fond des Jardins du Palais, passant derrière le passage d’un garde de nuit.

Calliopée et Nahel mirent un peu de temps à arriver, mais ils arrivèrent tous en bon état dans un petit bosquet, leurs souffles créant un panache de fumée dans l’air glacial de la nuit.

« Bon, voilà, je pars, annonça seulement Briar, pour rompre le silence. »

Calliopée fronça les sourcils et recula d’un pas.

« Comme ça ? Et… et quand donc ?

- Demain.

- Je crois qu’elle en a juste marre de nous, ricana Ariel.

- Pas du tout ! se défendit la rouquine, bien qu’elle sache que son ami plaisantait. Seulement… ma grand-mère est gravement malade… peut-être aux portes de la mort. Il faut absolument que je la voie avant qu’elle ne parte. »

Briar tapota ses taches de rousseurs. Elle espérait sincèrement que ses amis comprendraient la nécessité de son départ. Elle fut soudainement encerclée par des bras, un contact réconfortant qui fit grandir une chaleur au creux de son ventre. Elle ferma les yeux, consolée par l’odeur de Calliopée.

« Tu vas tellement me manquer… murmura son amie. »

Ce câlin dura quelques secondes supplémentaires, puis Ariel les encercla de ses bras à son tour en clamant :

« Câlin à troiiis !!! »

Nahel hésitant à se rajouter, le jeune homme lui fit un signe de la main. Le Prince se laissa aller de même.

Serrée contre ses amis, Briar laissa échapper quelques larmes à l’idée qu’elle ne les reverrait sûrement jamais.

Le lendemain, à peine le Soleil émergea de la nuit, repeignant le ciel en un bleu vif, que Briar prit une calèche jusqu’au port. C’était une de ces calèches suivant un itinéraire précis et dans laquelle on pouvait grimper et descendre à l’arrêt qui nous arrangeait. Drôle de coutume.

Elle ne durera sûrement pas longtemps.

Ayant passé une grande partie de la nuit éveillée en compagnie de ses amis, la jeune femme dormit la moitié du trajet, d’un sommeil sans rêve.

A son réveil, elle fit connaissance avec l’autre passagère de la calèche, une femme d’une trentaine d’années, qui avait un petit singe perché sur l’épaule. Celui-ci, qui se nommait Pirouette, se produisait en spectacle avec sa maîtresse Ayla, et ce dans tout l’Empire, selon les vagues indications de celle-ci.

« Où vas-tu ? la questionna-t-elle en étirant ses longs bras musclés.

- Au port, prendre un bateau pour aller au Val. Chez moi. »

Encore cette expression, qui faisait si mal au cœur. Ayla plongea ses yeux noirs dans ceux de Briar, qui comprit alors qu’elle pouvait sonder ses sentiments de cette manière, bien mieux qu’avec des paroles. Elle n’aurait su dire pourquoi, mais cette certitude était à présent ancrée en elle. Ayla hocha la tête, comme si elle comprenait mieux certaines choses.

A cet instant, Briar sentit comme un grand frisson à l’intérieur de son corps lorsqu’elle comprit ce que l’étrangère faisait réellement.

Elle… lit dans mon esprit ?

Bien qu’elle n’ait pas grand-chose de honteux à enfouir en elle, elle se sentit dévoilée, nue, et ce à son insu, comme si on l’avait dépouillée de ses vêtements avant de l’exposer à tous les regards.

Ayla esquissa un sourire, comme si elle avait lu son mal-être (ce qui était probablement le cas) et qu’elle s’en réjouissait.

« Je vois, lâcha-t-elle finalement.

- Et qu’est-ce que tu vois ? fit Briar, curieuse.

- Nos routes se recroiseront un jour. Et ce jour-là… oui, je serais ravie de t’aider. Car tu auras besoin de mon aide, c’est indubitable.

- Que…

- A la revoyure, Briar Cicely Amillya.

- Mais… »

Elle battit une fois des cils, et lorsqu’elle rouvrit les paupières, Ayla avait disparu.

Seul restait Pirouette, se grattant le derrière.

« Qui est ta maîtresse ? » murmura Briar.

Le primate émit un petit cri strident pour toute réponse, ouvrit la vitre de la calèche et sauta par la fenêtre. Briar n’essaya pas d’arrêter le cocher. Elle était troublée.

Jamais elle n’avait dévoilé à Ayla son nom complet.

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