la poule Xolopet
Dès le lendemain, Pandoro se lançait avec une énergie débordante dans des travaux d'aménagement grandioses pour transformer le quotidien de sa précieuse poule. Bien évidemment, il gardait secrète cette aventure mystérieuse à sa femme, conscient que le regard d’Eluna, tel celui d'une méduse, aurait le pouvoir de percer la cuirasse fragile de verre derrière laquelle il avait dissimulé ses projets. Ses yeux, véritables lames de vérité, pouvaient faire fondre même le plus résistant des secrets.
Il se mit donc en quête de planches solides, de clous étincelants et de paille luxuriante et rêvait d'offrir à sa poule un véritable palais, un nid douillet d'où elle pourrait régner en reine. Elle aurait pondu des œufs à profusion !espérait Pandoro. Malgré le constat que sa volaille n'était plus de prime fraîcheur, Pandoro était déterminé, prêt à déployer des efforts surhumains pour que son espoir se concrétise.
Une fois achevée sa petite demeure, à l'abri des caprices du vent et des assauts de la pluie, Pandoro ressentit une fierté démesurée. Avec ses mains habiles, il avait façonné un sanctuaire secret, invisible aux yeux indiscrets. Alors qu’il contemplait sa poule au plumage brunâtre, il lui murmurait intérieurement : 'Va, ma douce, ce petit paradis est désormais ton royaume. Prends-en bien soin. Je viendrai te rendre visite aussi souvent que les étoiles le permettront.'
Il avait laissé derrière lui sa poule bien installée avec quelques petites graines soigneusement sélectionnées lors de sa fuite matinale du domicile conjugal. Pandoro partait, le cœur léger, prêt à contribuer activement à la paix des ménages. Il connaissait le goût de sa femme pour les mélodies enchanteresses d'Ani, qu'il possédait en des éditions rares. Ces morceaux de pièces de monnaies constituaient l'essence même de la vie terrestre des êtres humains.
Alors qu’il retournait vaillamment à son travail, Pandoro chantonnait gaiement les mélodies joyeuses diffusées à la radio. Chaque jour, à 9h15 précises, il se plongeait avec zèle dans sa tâche et son travail consistait à éplucher des légumes et autres fruits verts. Malgré son immersion totale dans son labeur, son esprit dérivait par intermittence vers Xolopet, le nom qu'il avait affectueusement donné à sa volaille en hommage à son film d'action préféré.
Lorsque la cloche annonçait la pause déjeuner, Pandoro s'installait à la table de ses camarades Frénulo et Cornélo. Ces moments étaient devenus rituels, consacrés à des discussions détendues, où aucun sujet politique, financier ou amoureux n'était évoqué. Rien que le pur plaisir de l'instant, où l'amitié et la bonne humeur régnaient en maîtres.
Alors que les aiguilles de la pendule à son travail gravissaient inexorablement vers la fin de son labeur, Pandoro trépignait d’impatience de mettre ainsi un frein temporaire à sa journée et de retrouver Xelopet, sa poule frivole et dont sa longévité était mise en péril par sa frêle constitution. Avant sa rencontre tant désirée, Pandoro s'adonna avec une précision méticuleuse au rangement de ses affaires, jusqu'à son fidèle éplucheur, comme ce fût le cas lors de ses journées précédentes.
Ensuite, d'une démarche résolue, il se dirigea vers le bureau de son patron et recherchait son dû, le payement de sa journée, seule préoccupation de sa femme Eluna, sa compagne somptueuse pour qui chaque pièce avait une signification particulière.
« Cela te fera 100 Ani pour aujourd'hui. Bon travail, Pandoro. Tu sembles animé d’un nouvel élan aujourd'hui. Des nouvelles réjouissantes de ta famille ce week-end dernier ? » demanda son patron. Son ton portait une subtile nuance d'attention.
« Non, chef, mais j'ai reçu un cadeau et je ressens une certaine euphorie intérieure » Son patron pensa à une naissance dans la famille de Pandoro, interprétation facilitée par l'enthousiasme de Pandoro. Alors qu’il parlait de cet événement vaguement, sujet à toutes les interprétations, le patron croyait dur comme un fil de fer que la femme de Pandoro était enceinte.
De son officine, Pandoro partit à la rencontre de Xelopet dont le temps d’attente aurait pu la tracasser. Alors qu’il avait acheté de nouvelles graines, il était conscient du bien-être que sa petite poule lui procurait par sa manie à picorer dans sa main.
Arrivé à la clôture de sa propriété, il appela, « Xelopet, Xelopet, viens, papa t'a apporté des friandises délicieuses. » Son appel perçant résonna à des kilomètres, mais l'essentiel était que Xelopet sortit de sa tanière au moment où Pandoro sortait son sac de graines pour sa fidèle compagne et lui disait : « Tiens, Xelopet, c'est pour toi. J'espère que ces graines te redonneront force et vitalité. Avec toi, je peux être moi-même et me sentir responsable. Merci. » Xelopet dégusta les graines dans le creux de la main de Pandoro et s'éloigna quand elle émettait un petit caquètement que Pandoro interpréta comme un « Merci ».
Après une agréable promenade, il se dirigea chez lui et réfléchissait aux diverses excuses qu'il pourrait donner à sa femme pour son retard. « Excuse-moi, chérie, j'ai dû faire des heures supplémentaires » ou encore « Excuse-moi, chérie, le patron a organisé un pot pour tout le monde. Je n'ai pas pu refuser. » Il pensait que la deuxième option passerait comme une lettre à la poste.
Arrivé chez lui, il lança ses salutations habituelles : « Bonjour, ma chérie, désolé pour le retard, mais le patron a organisé un pot pour tout le monde et je ne pouvais pas refuser. »
Eluna, d'un ton maussade, répliqua : « Tu crois vraiment que je vais te croire ? Tu ne pars jamais à l'aventure sauf pour une affaire urgente. Où étais-tu pendant tout ce temps ? »
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