Réveil
J’avais repris connaissance sur le carrelage de la cuisine.
Ankylosée, la douleur était sourde comme si j’étais enveloppée dans de la ouate.
Un goutte-à-goutte désagréable me martelait les tempes.
La respiration sifflante, j’avais l’impression qu’une lame se fichait dans mon ventre à chaque goulée d’air.
*Une nouvelle côte de cassée ?*
Je portais une main tremblante à ma tête. Une croute commençait à se former, j’en ramenai mes doigts rougis de différentes teintes. Le sang qui avait séché sur ma peau, le frais qui poissait mes cheveux.
La lumière du jour commençait à poindre, rendant le ciel feu et or à travers les rideaux.
Toujours ce plic plic plic…
Avec difficultés, je me relevais, m’aidant du plan de travail. Des tâches carmines avaient éclaboussé l’évier, la table, le frigidaire et bien sûr le sol.
* Je vais passer des heures à nettoyer tout ça * fut ma pensée, comme si c’était mon plus gros soucis.
Evan devait être parti sur un chantier.
Son regard sombre s’imposa à moi un instant. Pas celui de cette nuit, celui qui m’avait séduit.
Un regard noir chargé de mystères dont j’étais tombé amoureuse.
Il faut dire qu’il est très beau. Il avait même tourné dans un petit feuilleton lors de son adolescence mais il avait eu des soucis de comportements et la production avait mis fin au contrat du bad boy.
Lentement, je dépliais mon corps et fermais ce fichu robinet d’évier pour qu’il se taise.
Une douche. Oui. Avant de nettoyer tout ça, une bonne douche chaude me ferait le plus grand bien.
Pas trop chaude quand même car sur les plaies, c’est douloureux.
Avant de monter, je mis une aspirine dans un verre. C’était la dernière. Je serrais les dents. Devoir aller à la pharmacie ne m’enchantait pas du tout.
Même le pschitt du cachet effervescent me tapait sur les nerfs. Les yeux fermés, cramponnés à la table, j’attendis patiemment de pouvoir boire la potion magique.
Comme je m’y attendais, mes blessures sous l’eau chaudes se ravivèrent. Je frottais néanmoins le sang séché, contractée par la souffrance.
Mes larmes, se mêlant à l’eau, coulaient sur mon visage, le long de mon corps, de rose, les filets sinuant vers la bonde s’éclaircirent.
*Encore un peu et il n’y aurait plus de trace. * Je savais bien que je me mentais à moi-même.
En sortant de la douche, je passais devant ce maudit miroir. Les taches sombres sur mes bras, sur mon ventre, sur mes cuisses, la coupure sur mes lèvres, tant d’empreinte de sa colère. Et cette pointe dans mon ventre.
Avec la délicatesse que j’aurais usée pour caresser un moineau, j’effleurai mes côtes mais le pic de souffrance immédiat me fit abandonner l’auscultation.
*Ce n’est pas la première ni la dernière volée que tu te prends ma fille.*
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