Chapitre 34. Mettre des mots sur ce qu’il s’est passé
Après plus d’une heure d’attente, Louis reçu une bonne nouvelle ; Rachel allait être transférée en unité de chirurgie gynécologique, l’intervention s’était bien déroulée.
Amenée en chambre sur un lit, Louis la suivit. Elle était encore dans le cirage à cause de l’anesthésie. L’infirmier qui l’accompagnait expliqua qu’elle resterait dans cet état pendant encore une bonne heure.
Louis s’assit à côté du lit, il lui tint la main, puis s’assoupit en posant sa tête sur la main de sa femme. Il ne voulait plus penser… Il avait fait sa déposition pendant que Rachel était en salle d’opération et devoir reparler de ce qu’il avait dû faire, lui avait donné la nausée.
Rachel reprit tout doucement ses esprits. En le voyant assoupi à ses côtés, elle tenta, douloureusement, de se coucher sur le côté, vers lui. Elle y arriva à une vitesse tortue. Louis se réveilla en la sentant bouger et l’interrogea,
— Oh, Rachel, tu es réveillée, comment te sens-tu ?
— Douloureuse, mais vivante.
Il lui serra la main et lui indiqua,
— Apparemment, tu étais enceinte de 15 semaines.
Elle se détourna le regard quelques instants et murmura,
— Je ne le savais pas Louis, je suis désolée d’avoir perdu ce bébé.
Il la regarda dans les yeux, elle se sentait visiblement coupable…
— Non, Rachel, arrête, on ne savait pas. Ce sont surement les coups que tu as reçu qui ont entrainé la fausse couche.
Rachel ferma les yeux et souffla superficiellement, tout son corps lui fit mal. Elle murmura,
— Probablement, oui.
Louis se senti mal de la voir dans cet état et lui avoua ce qui lui trottait en tête depuis l’enlèvement,
— Je suis désolé Rachel… C’est de ma faute, si tu as enduré ça, c’est de ma faute.
Elle le regarda droit dans les yeux et lui répondit,
— Elle a fait une fixette sur toi, Louis, c’est de sa faute à elle.
— Oui, mais si je ne l’avais pas connue, cela ne te serait jamais arrivé.
— Si tu ne l’avais pas connue, tu n’aurais pas eu Madeleine, nous ne nous serions pas rencontrés et tu ne m’aurais pas donné deux beaux enfants.
Le ton de Rachel était calme, Louis, lui bouillonnait de culpabilité. Il lâcha, vivement,
— Arrête de tout prendre si « positivement » Rachel, je m’en veux horriblement pour tout ce que tu as subi.
Elle posa l’index sur sa bouche, pour qu’il se taise.
— Arrête Louis, tu as dû le faire, l’inspecteur me l’a bien expliqué, c’est grâce à ça que la cave a pu être trouvée plus rapidement.
Elle esquissa un sourire, mais son corps douloureux se rappela à elle. Elle lui souffla,
— Merci d’avoir mis le message du cœur et de l’esprit, cela m’a rendu les choses moins pénibles à regarder, avec l’autre connard qui me forçait à rester face à l’écran. Purée, il prenait vraiment son pied à ça, en plus de me faire boire de l’eau salée une fois sur deux et de me donner du lait comme seule nourriture… « Vache à lait » qu’il m’appelait. Je le hais.
Louis la regarda, atterré par l’expression qui apparaissait sur son visage, la même expression qu’il avait vue lorsqu’il était à l’œuvre avec Ambre. Il hésita puis lui demanda,
— Rachel, c’est contre lui que tu éprouves de la haine ? Tu sais, je l’ai vu, j’ai vu le regard et l’expression que tu as là, maintenant, je pensais…
Il fit une pause, elle le regarda, un peu radoucie, mais le sourcil soucieux, il poursuivit,
— Je pensais que tu ressentais de la haine pour moi, à ce moment-là.
Rachel ferma les yeux. Elle dégluti péniblement, mais tenta de le rassurer,
— Ça ne me faisait pas plaisir de te voir avec elle, c’est clair, mais tu m’avais envoyé un message, tu m’as indiqué, face caméra, que j’étais dans ton cœur et dans ton esprit… J’étais, comment dire, « rassurée », à ce niveau… Ce sont les commentaires de cet homme qui me faisaient sortir hors de moi ; c’était déjà pénible en soi, mais il en rajoutait une fameuse couche en commentant les expressions de la connasse, en disant que « tu fermais les yeux pour mieux la sentir », que « je ne valais rien à côté de cette beauté », « qu’elle n’avait pas besoin de faire des mouflets pour retenir un homme », « qu’elle savait y faire », etc. en précisant qu’il avait pu « y goûter » !
Elle avait haussé le ton en expliquant cela, elle s’en redit compte et tenta de retrouver un ton plus doux lorsqu’elle conclut,
— Je pense que c’est comme cela qu’elle l’a embarqué dans cette affaire.
Elle se tut, serra la main de Louis et ferma les yeux.
— Je crois que je vais devoir à nouveau tirer mon lait, ça devient douloureux, je vais devoir le faire analyser ; ce type m’a injecté un médoc pour pouvoir me kidnapper, ils vont vérifier s’il en reste des traces dans le lait. Tant qu’il y en aura, je ne pourrais pas faire de recharge pour Adrien et Clément. Au fait, où sont les enfants ?
— Chez tes parents, ils les gardent tous les trois. Les enfants sont bien, ce matin il restait de quoi les nourrir jusque ce soir inclut.
— Je les serrerais bien dans les bras, mais mon corps ne sera pas d’accord.
Le regard de Rachel parti un peu dans le vide, elle serra la main de Louis et soupira doucement.
Louis sembla soucieux et posa une question qui le chipotait depuis l’annonce de la fausse couche.
— Rachel, comment se fait-il que tu savais encore allaiter alors que tu étais enceinte ?
Elle réorienta son regard vers lui et sourit,
— Ah, j’ai demandé au gynéco avant qu’il ne m’endorme, je ne comprenais pas non plus ! En fait, c’est tout à fait possible d’allaiter en étant enceinte !
Elle sourit plus franchement,
— Il m’a expliqué que pour être protégée jusqu’à six mois, il faut vraiment allaiter continuellement et ne pas laisser plus de six heures entre deux tétées et ces dernières doivent durer au moins vingt minutes… des trucs bien stricts. Depuis que les jumeaux ont fait de plus longues nuits et l’introduction des panades, ça n’a plus été le cas, et j’ai ovulé !
Il lui caressa l’avant-bras et embrassa la main avant de lui dire, avec un petit sourire en coin,
— Et je t’ai fécondé à la première occasion.
— Et l’embryon s’est bien planqué en catimini au fond de mon utérus, c’est pour cela que j’ai eu moins de lait à un moment, tu te souviens ? C’était mon corps qui réagissait ! Mais bon, maintenant, il n’est plus.
Sa voix s’était tue après la dernière phrase. Il lui demanda, un peu hésitant,
— Tu es triste ? Par rapport à cet enfant ?
Prise au dépourvu, elle mit quelques secondes à répondre.
— Oui et non, tu sais, ni toi ni moi n’en avions conscience, il n’était pas attendu, en fait, pour nous, il n’existait pas… Je te dirais plutôt que cela vient titiller le fait de savoir si toi et moi, nous en voudrions un autre, après les trois.
— Tu en veux un autre ?
— Je ne sais pas, je ne suis pas sûre, et toi ?
— Je n’en suis pas sûr non plus, avec trois, nous avons déjà pas mal de boulot, mais si tu en veux un, on pourra s’organiser en fonction.
Elle hocha négativement la tête en lui répondant.
— De toute façon, je pense que ce ne sera pas à l’ordre du jour avant un bon moment ; je tiens d’abord à me remettre de ce que je viens de vivre, tant pour la fausse couche que pour le reste.
Un infirmier arriva avec un tire lait et un flacon pour le prélèvement à analyser. Pendant que Rachel tira son lait, Louis prit le temps de prévenir et rassurer toute la famille. Elle n’avait accepté que la visite de ses parents à elle, avec les enfants.
Louis les avait prévenus que Rachel était dans un sale état, que son rétablissement prendrait du temps, tant pour l’aspect physique que psychique. Avec l’accord de Rachel, il leur avait aussi expliqué la fausse couche.
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