Chapitre 48. La détresse de Flore
Après avoir fait une petite pause, Flore expliqua qu’une fois née, Ambre avait plusieurs fois attenté à ses jours à elle.
Rachel et Louis écarquillèrent les yeux, Flore Adams le vit et avec un sourire triste, leur dit,
— Excusez-moi, je vous vois interloqués, j’imagine que vous voulez connaître les détails, mais ce n’est pas évident pour moi de raconter cela.
Rachel la rassura,
— Je… Je comprends, allez à votre rythme, ne vous forcez pas.
Elle continua à relater les faits suivants ; tentative d’étouffement de sa petite sœur dans son berceau, la petite sœur poussée dans les escaliers, et autre… Ambre avait été à chaque fois « pardonnée » par son beau-père, ce dernier lui trouvant toujours des excuses.
Adolescente, Ambre avait aussi attaqué sa petite sœur qui venait d’avoir ses premières menstruations ;
— Alors saleté, t’es capable d’être en cloque maintenant !
— J’ai eu mes règles, oui.
— Et quoi, tu veux faire des bébés plus tard ?
Elle avait hésité à répondre puis avait dit timidement,
— Oui, j’aimerais bien.
Ambre avait éclaté de rire et l’avait giflé,
— T’es vraiment conne quand tu veux ! Il n’y a rien de pire que des bébés, tu ne te souviens pas ? Tu n’y connais vraiment rien à la vie… Heureusement que papa m’a bien expliqué les choses, mais bon, il n’y a qu’à moi qu’il le dit, toi, il te trouve trop conne !
— Chuis pas conne !
Flore s’était mise à pleurer.
— Oui, t’es conne ! Et le fait que tu veuilles faire des bébés ça confirme ta bêtise !
— Non…
Sa voix s’était tue. Sa sœur avait renchéri,
— Tu sais quoi ? Je vais t’aider, c’est mon rôle de grande sœur…
Elle l’avait alors attrapée et l’avait rouée de coup, visant spécialement le ventre. Flore avait hurlé et pleuré, rien n’y avait fait, Ambre avait continuer à lui crier qu’elle faisait ça pour son bien, qu’elle espérait que les blessures allaient peut-être l’empêcher de pouvoir tomber enceinte plus tard et que cela lui permettrait de vivre sa vie de femme.
Flore Adams pleura doucement en racontant ces épisodes de sa vie. Elle se tut et repris une gorgée de son thé, Rachel intervint timidement,
— En avez-vous gardé des séquelles physiques ?
Flore Adams se ressaisit et esquissa un sourire.
— J’ai réussi à avoir deux enfants, finalement. Mais l’essentiel des séquelles sont psychiques pour cette attaque-là.
Elle reprit le récit qu’elle avait interrompu et expliqua que cet épisode l’avait amenée à l’hôpital et que ce fut le début de la libération, pour elle et sa mère ; cette dernière avait osé porter plainte, ce qui avait déclenché diverses procédures qui avaient fini par mettre au jour l’emprise de Rémy sur Ambre et sa problématique par rapport aux femmes. Sur décision du juge de la jeunesse, Ambre avait dû séjourner en centre pour jeune ayant commis des délits. Pendant toute la période de son séjour, elle avait refusé la moindre visite de sa mère ou de sa sœur. Le seul qu’elle avait réclamé était Rémy. Ce dernier, avait entretemps été incarcéré après avoir presque réussi à tuer sa femme à coups de poing, lui reprochant d’avoir éloigné Ambre alors qu’elle n’avait fait qu’éduquer sa sœur à la vie…
Une fois sortie du centre, à sa majorité, Ambre avait refusé de revenir à la maison et avait loué un studio, aux frais de son beau-père et avait entrepris des études de marketing.
Néanmoins, Ambre avait gardé, de loin, un lien avec sa mère et était réapparue huit ans plus tard, alors qu’elle avait appris que sa sœur était peut-être enceinte de son copain de l’époque.
Elle avait débarqué un soir, la bouche en cœur comme si de rien n’était et s’était invitée quelques jours dans la maison familiale.
Ambre avait semblé « rassurée » d’apprendre qu’il s’agissait d’une fausse alerte pour sa sœur et avait, maladroitement, tenté de se rapprocher d’elle, mais sans résultat, Flore ne lui faisait aucunement confiance.
Durant ce séjour, elle était entrée, une nuit, dans la chambre de Flore et lui avait planté deux coups de couteau dans le bas ventre puis était restée à côté de Flore qui s’était réveillée en hurlant. Ambre lui avait alors dis ;
— T’inquiète, après ça, t’aura plus de problème de bébé, ils ne pourront plus s’y mettre…
Suite à cela, Ambre avait été internée et Flore, hospitalisée en urgence. Après son rétablissement, cette dernière avait fini par fuir cette famille en partant poursuivre ses études à Londres où elle fit la connaissance de son futur mari, Edward Adams.
C’est avec une mine plus souriante qu’elle leur expliqua qu’après cinq ans d’essais, Flore et son époux avaient finalement réussi à avoir deux enfants.
Louis et Rachel furent abasourdis par ce qu’ils venaient d’entendre… Louis finit par avouer,
— Elle parlait parfois de mésententes dans la famille, mais pas de ce genre d’atrocité, c’est monstrueux !
Flore Adams renchérit tristement,
— Je ne vous le fait pas dire…
Ne perdant pas le nord malgré toute la compassion qu’elle éprouvait pour la femme qu’elle avait devant elle, Rachel demanda,
— Pensez-vous qu’elle pourrait utiliser son histoire personnelle pour tenter d’être déclarée irresponsable de ses actes ?
Semblant revigorée par cette question, c’est vivement que Flore Adams lui répondit,
— Oui, je le crains ; elle sait comment cela peut se passer, elle pourrait plaider la folie passagère pour passer en défense sociale où elle pourra tenter de sortir après quelques années.
Étonnée, Rachel s’enquit,
— Lorsqu’elle vous a poignardée, elle n’a pas été incarcérée ?
— Non… En fait, il n’y a pas eu plainte je crois, elle s’est retrouvée internée en psychiatrie et elle est sortie six mois après. Moi, j’étais déjà partie outre-manche et moins j’en entendais parler, mieux je me portais.
Un silence se fit, ils sirotèrent tous trois leur thé, puis, Rachel reprit, songeuse,
— Donc elle pourrait tenter de passer en force avec l’excuse de la « folie passagère » …
Louis réagit vivement,
— Attends, non, en cas de folie passagère, il n’y a pas de préméditation, Rachel ! En cas de folie passagère, on ne prend pas le temps d’installer une chambre de torture dans les caves d’un immeuble avec connexion vidéo et tout le bataclan !
Louis avait haussé le ton. Rachel serra sa main qu’elle tenait toujours dans la sienne.
— Je sais Louis, pour moi non plus, la folie passagère n’est pas acceptable dans ce cas-ci.
Flore Adams hocha de la tête,
— Je vous rejoins tout à fait, de ce que j’ai entendu par rapport à ce qu’il vous est arrivé et de ce qu’elle vous a fait subir à tous les deux, ce n’était pas un coup de folie mais bien quelque chose de prémédité.
Elle se tut puis repris,
— Si vous avez besoin de mon témoignage lors du procès, je suis prête à me déplacer. L’inspecteur Lays attend votre feu vert pour utiliser mon témoignage contre elle dans la constitution du dossier.
Étonnée mais heureuse de cette proposition, Rachel lui demanda,
— Oh, euh, oui, nous vous en serions très reconnaissant Mme Adams, mais, cela ne sera-t-il pas trop pénible pour vous ? De la revoir, notamment ?
— Appelez-moi Flore, s’il vous plait, et ne vous inquiétez pas, je m’y suis préparée et puis, malgré les années passées, je reste toujours sur ma faim ; elle n’a jamais payé pour ce qu’elle m’a fait, je n’ai pas envie qu’elle s’en sorte avec ce qu’elle vous a fait à vous deux.
— Mais, concrètement, pourrez-vous vous libérer ? Je m’excuse de peut-être me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais vous gardez quelqu’un de malade chez vous, aurez-vous le temps et la disponibilité de quitter Londres ?
Flore Adams la rassura,
— Oui, ne vous inquiétez pas par rapport à cela, c’est ma mère qui est dans le lit médicalisé, elle a un cancer généralisé. Je la veille, mais les médecins me disent que ses jours sont comptés, ils parlent de maximum six à neuf mois. Elle n’est consciente que trois ou quatre heures par jour. J’aimerais pouvoir lui dire que j’aurais l’occasion de confondre Ambre.
Louis l’interrogea,
— Mais, votre mère… Ambre est aussi sa fille…
— Oui, mais au fil des années, Ambre a aussi été maltraitante avec elle et même si elle reste sa mère et qu’elle estime qu’il y a toujours une part de bonté en elle, elle se culpabilise de ne pas avoir porté plainte contre elle à l’époque, quand elle m’avait poignardée.
Après quelques secondes, elle reprit,
— Surtout depuis qu’elle a appris ce qu’elle vous a fait et que vous avez perdu votre bébé. Cela l’a révolté.
Rachel ferma les yeux et souffla,
— Oui, cela fait écho à votre histoire, très clairement.
— Effectivement… Et là elle a réussi ce qu’elle cherchait, elle a tué un bébé !
Flore éclata en sanglot. Rachel hésita, regarda Louis qui lui serra la main en signe d’accord et se leva pour consoler Flore.
— Flore… Ne vous inquiétez pas, nous avons fait le deuil de cet enfant, mais vous, je pense que cela vous touche encore très fort, malgré les années passées.
Flore la regarda, étonnée d’être prise dans les bras par Rachel qui avait posé ses mains sur ses épaules.
— Je… Oui, cela me fait encore mal, mais… Merci.
Elle posa l’une de ses mains sur la main de Rachel.
— Désolée, je n’ai pas l’habitude d’être consolée… Je ne sais pas quoi dire, surtout à vous qui avez aussi souffert à cause de ma sœur.
— Ce n’est rien, je constate que votre souffrance est encore bien vivace, c’est pourquoi je m’inquiète d’une éventuelle confrontation avec Ambre, je crois qu’elle a encore de l’ascendant sur vous.
— Oh, mais l’inspecteur m’a expliqué, il peut enregistrer mon témoignage et éviter qu’il y ait confrontation… Il a dit que c’était possible.
— Ok.
Rachel la berça encore un peu puis décida de lui changer les idées en la faisant parler de ses enfants et de sa vie actuelle. Flore embrailla sur cette voie avec bonheur
— Mes enfants sont ma joie de vivre, l’ainée Charlotte et le cadet, James sont actuellement à la crèche, ça se passe bien. Mon époux travaille dans les médias, je suis actuellement en parenthèse pour pouvoir m’occuper de ma mère.
Ils continuèrent à discuter de choses plus légères puis ils se quittèrent en indiquant qu’ils resteraient en contact.
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