Misérable vie

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Ce soir, en rentrant chez moi, le chemin du retour a une empreinte toute particulière. Je monte dans la voiture de mon père et je ne porte aucune attention à son habituelle humeur maussade. Je pose mon sac à mes pieds, m'assoie confortablement et écoute attentive les paroles d’une chanson qui passe à la radio.

« Je lui dirai les mots bleus

Les mots qu'on dit avec les yeux

Parler me semble ridicule

Je m'élance et puis je recule

Devant une phrase inutile

Qui briserait l'instant fragile

D'une rencontre

D'une rencontre »

Si cette musique n’est pas un signe, je ne sais pas ce que c’est, car depuis aujourd’hui mes mots aussi sont bleus. Je dirais même qu’ils ont la couleur de l’arc en ciel.
Depuis que je l’ai vu, mon coeur bat d’une étrange façon. On dirait que je suis à la fois heureuse et stressée. De plus, une espèce de poids est apparu en haut de mon ventre. Ce n’est pas désagréable mais c’est une sensation que je n’avais encore jamais ressentie jusque là.
Je regarde par la fenêtre de la voiture et contemple pleine d’espoir le paysage qui défile à vive allure. Bientôt nous arrivons devant notre maison, situé dans un petit lotissement des plus banals. Mon père coupe le moteur, j’attrape mon sac, ferme la portière, et cours vite retrouver ma chambre, mon cocon, mon royaume, mon havre de paix. Dans l’un de mes tiroirs de bureau je récupère mon vieux journal et j’écris :

« Vendredi 17 Septembre 2004

Mon cher journal,
Voilà longtemps que je n’avais pas écrit, mais aujourd’hui j’ai quelque chose d’important à te raconter. J’ai rencontré un garçon…
Il vient d’arriver dans mon collège et il est divinement beau. Je ne lui ai pas véritablement parlé, mais il est venu se présenter à moi, enfin aux filles et moi. J’ai hâte de retourner au collège pour le revoir. En attendant, le week-end va être très looooooong. Heureusement que Virginie m’a invitée à dormir chez elle, même si ce n’est que pour réviser. Je crois que je n’aurais pas supporté entendre mes parents s’engueuler. la maison je vis un véritable enfer. De plus, mes soeurs me laissent complètement seule face à cette situation. On dirait qu’elles n’en ont rien à faire de moi. Depuis qu’elles ont découvert les joies de la maternité, je me sens quelque peu délaissée, abandonnée… Elles ne s’imaginent même pas ce que je peux vivre ici. Mes parents, je ne cesse de les entendre se faire des reproches, se hurler dessus et parfois même se battre. Quelquefois, j’ai peur que cela dérape et de devoir appeler du renfort. Mon père ne dort plus avec ma mère depuis des mois et elle, elle lui fait vivre un véritable calvaire. J’aimerais ne rien entendre, mais ils agissent comme si je n’étais pas là. Alors tous les week-ends, je m’en vais retrouver mes copines. Par chance leurs parents m’adorent et me considèrent quasiment comme leur fille. C’est bizarre car pour les miens je suis littéralement insignifiante… J’aimerais te parler plus longtemps, mais je dois préparer mes affaires pour m’échapper de cet abîme. Je promets de t’écrire très vite, te raconter plus de détails sur ce nouveau garçon. »

Après une énième dispute entre mon père et ma mère, cette dernière se décide enfin à m’emmener chez Virginie. D’ici quelques minutes, je vais pouvoir souffler ! Je lui adresse un bref « aurevoir » et file rejoindre mon amie.
Au programme de ce week-end : les derniers épisodes de « Lost », une séance manucure et la malheureuse lecture du livre « Les Misérables » de Victor Hugo. Il nous reste exactement 2 jours pour terminer cette monstrueuse oeuvre littéraire, tout en sachant que nous n’avons toujours pas commencé. Autant dire que la majeure partie de notre temps va être consacré à ce dur labeur. Enfin, tant que je suis loin de chez moi tout va bien…

Dimanche soir arrive beaucoup trop tôt à mon goût… Virginie et moi, nous sommes plongés corps et âme dans la lecture de ce satané livre que nous n’avons même pas terminé. L’approche de l’interrogation de demain me donne déjà la boule au ventre.
Finalement, je me dis que c’est déjà mieux que rien et retrouve ma maison. À peine arrivé, les disputes reprennent de plus belles et grâce à elles je sais que je suis chez moi, rattrapée par mes parents, mes malheurs et mes pleurs.

Cette nuit, je n’arrive pas à m’endormir, non parce que je suis triste, mais parce que je vais retrouver le beau visage de ce garçon. Et je me rends compte que je ne connais même pas son prénom. Comment peut-il s’appeler ? D’ailleurs, quel âge a t’il ? Et d’où vient il ? À force de me poser d’innombrables questions, je finis par gagner les bras de Morphée, mais beaucoup trop tard… À 6H30, le réveil sonne, j’ai l’impression de n’avoir pratiquement pas fermé les yeux de la nuit.

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