Feuilles mortes

5 minutes de lecture

Dimanche 24 octobre 2004

Depuis hier, mon cœur saigne et pour la première fois, personne n'a de pansement pour me soigner... Cher journal, j'ai trop mal pour t'écrire véritablement ce qu'il s'est passé, mais sache que je souffre et le pire, c'est que je ne peux rien dire. Je n'y arrive pas, je n'y arrive plus. Comment a-t-elle pu me faire ça ? Moi, celle qui donnerait ma vie pour elle. Pourquoi ? Désormais, je promets de haïr le bowling jusqu'à la fin des temps !

Je suis dans ma chambre, debout derrière la fenêtre et je regarde l'horizon sans m'attacher à quelque chose en particulier, peut-être les feuilles marronnées de l'automne. Le vide m'habite, je ne réagis plus à rien, ni même aux innombrables sonneries du téléphone fixe que j'entends depuis ce matin. La maison doit être vide, car personne ne répond. De toute façon, ces vacances de la Toussaint, je veux les passer seule et elles promettent d'être affreusement longues. Avec moi, s'est également éteint mon téléphone portable, je ne veux plus rien voir ni rien savoir. Elle aura beau m'appeler, je ne répondrai pas !

Après avoir regardé les dernières feuilles d'un arbre tomber, je décide de savourer ma solitude et descends dans le salon pour m'affaler dans le canapé. Manque de pot, ma sœur est là... Bizarre, elle n'a intercepté aucun des appels. En tout cas, une chose est sûre, elle monopolise l'écran de télévision et ça sent mauvais pour ma tranquillité. Le grincement d'une des marches de l'escalier lui indique ma présence. Elle se retourne et me propose de regarder un film avec elle. Ma triste mine doit vraiment lui faire de la peine. N'ayant pas le courage de me battre, j'accepte. Sur le chemin, je récupère un paquet de chips, notre met favori. Sans un bruit, seulement celui du craquement des chips sous les dents, nous regardons cette histoire d'amour, à l'eau ultra rose. Le temps d'un film, nous sommes sœurs et nous nous ressemblons, car à la même scène, nous pleurons à chaudes larmes. Nous nous regardons et éclatons d'un rire sonore. Bon sang, qu'est-ce que ça fait du bien ! Qui aurait cru que ma traitresse de sœur allait, sans le savoir, me remonter le moral, qui plus est avec une histoire d'amour. Elle doit avoir un cœur finalement.

Plus tard, et pour la dixième fois aujourd'hui, la sonnerie du téléphone fixe retentit. Je m'approche de l'écran et vois toujours ce même numéro. Les yeux marron foncé de ma sœur m'interrogent, je lève les yeux au ciel. Elle finit par répondre et explique à l'interlocuteur que je suis partie sur une île déserte voir si les gens étaient moins cons. Punaise, mais elle a mangé un clown ou quoi ? Elle raccroche et nous rions de plus belle. Joana doit être abasourdie... Bien fait pour elle !

Il est près de 20 heures et mon père n'est toujours pas rentré. Aussi, nous décidons de nous faire un plateau TV devant une émission bien bidon. En fin de repas, sans trop réfléchir, je l'accompagne fumer sa cigarette dans le jardin. Sans les parents, elle n'est pas obligée de se cacher. Pensive, je la contemple faire des ronds de fumée avec sa bouche, admirative de son charisme. Sans me regarder, elle consomme sa "clope", comme elle dit, et je m'interroge pourquoi les jeunes finissent souvent par fumer du goudron. Mais je n'ai pas envie de l'ennuyer avec ça.

Il fait froid, les feuilles mortes inondent la terrasse, la fumée de cigarette gêne mes narines, mais je me sens bien, presque au chaud avec ma sœur. La hache de guerre est pour une soirée enterrée... La journée se termine par un chocolat chaud que nous partageons. Les babines colorées de chocolat, elle regagne sa chambre et moi la mienne. J'ouvre la fenêtre, enlève les quelques feuilles mortes comme on oublie les mauvais souvenirs et ferme mes volets. Tard cette nuit-là, je crois entendre la porte d'entrée, peut-être un songe, un rêve.

Le lendemain matin, mon père a le visage complètement défait, encore plus que moi après une nuit saccadée de cauchemars. Il a l'air un peu nauséeux même si je ne sais pas vraiment ce que l'on peut ressentir quand on l'est, mais sa peau est presque verdâtre et je me dis qu'il a dû picoler un peu trop hier soir. Peu importe, je l'ignore. En revanche, ce qui me dérange, c'est qu'il va passer sa journée devant la télévision vu son état. La barbe ! Je vais devoir me trouver une autre activité.

Cher journal,

Je peux enfin te le dire... Joana m'a volé Pierre. Tout ça sous mes yeux. À l'heure où j'écris sur tes pages, ils sont, je le sais, en train d'apprendre à se connaître. La pie essaie de m'appeler, mais elle peut rêver, jamais je ne lui répondrai ! Je sais que tu es complétemet choqué toi aussi. Et puis d'un autre pas tellement... Pouvais-je rivaliser ? Absolument pas.

Le reste de mes vacances, je les passe en compagnie de mon amie Virginie. La solitude ce n'est pas vraiment fait pour moi après tout. En plus de nos devoirs, que nous adorons faire ensemble, nous passons la majorité de notre temps à jouer à un jeu vidéo où nous pouvons nous inventer une vie. Dans ce monde virtuel, je suis belle, j'ai plusieurs maris, d'innombrables bébé et j'excélle à tous niveaux. Virginie "petite portugaise" comme l'appellent mes parents, est moins ambitieuse. Elle n'a qu'un seul mari, 0 bébé et occupe un métier plutôt banal pour ce jeu : avocate. Bon pourquoi pas ? Personnellement, je suis une grande rêveuse et j'imagine une vie future bien éloignée de celle que j'ai aujourd'hui. Pour les maris, j'avoue, je ne suis pas sure d'en vouloir autant. Faudrait-il réussir à en avoir un seul. De ce côté là, c'est toujours le calme plat. J'ai même dit à Virginie que je parlais à un garçon qui n'habitait pas loin de chez moi. Je crois que le jeu me monte un peu trop à la tête... Voilà maintenant que je m'invente une vie dans la vraie vie. Heureusement que Virginie n'est pas trop intrusive...

À la maison, c'est comme ma vie amoureuse c'est le calme plat, si ce n'est que ma mère ne va pas tarder à revenir. Aïe ! En attendant, je savoure mes derniers jours de vacances et ignore toujours les desormais rares apppels de Joana.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Carnetderoses ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0