Chapitre 2 : Réflexions
-Je te l’assure c’était un loup !
-Naouel. Ca m’étonnerait qu’un loup soit entré dans ton jardin et soit reparti comme ça. Ca devait être un chien qui ressemblait à un loup.
Son amie était catégorique : ce ne pouvait pas être un loup. Alors pourquoi était-elle si sûre que quelque chose clochait ? Elle allait vite tirer ça au clair, sa curiosité était trop affamée. La jeune brune à la crinière de lionne avait une heure de trou et c’était sans compter sur le fait que ses meilleures amies n’en avaient pas et elle se retrouvait toute seule. Très bien, si Ali ne voulait pas la croire, elle prouverait qu’elle avait raison. Dans la cour, on se serait cru au zoo. Bien que le lycée soit censé pousser à la maturité, on pouvait y voir des garçons raconter des idioties plus grosses qu’eux. Elle passa à côté d’eux sans même les regarder et fila vers l’accueil. La gentille dame qui le gérait, Blandine, regarda Naouel avec douceur.
-Je suppose que tu veux la clef de l’amphithéâtre ?
-Oui s’il vous plaît, dit Naouel en tendant la carte du lycée.
Elles firent un échange, la carte contre la clef et Naouel fila s’isoler. Ce n’était pas dans son habitude d’y aller sans Elise ni Rose, ses amies musicales, mais l’endroit était calme et elle pourrait y réfléchir en paix. La clef tourna dans la serrure, faisant résonner un cliquetis métallique. Elle poussa la porte peinte d’un affreux violet et alluma la lumière de la pièce qui dévoila des rangées interminables de sièges en bois et de tables assorties très inconfortables. Parfois, lorsqu’elle terminait un devoir trop rapidement, elle s’amusait à compter combien il y avait de chaise dans la salle et c’était à s’y perdre.
Montant sur la scène, elle poussa du revers de la main les grands rideaux qui cachaient les coulisses et s’y glisse. Un vieux piano droit mal accordé s’y trouvait, dominant le petit espace. Derrière lui, un escalier en métal peint en blanc menait sur des loges encombrées de déguisements et juste à droite, une table et une chaise. Naouel regarda un instant le piano, pensant tapoter les touches un moment mais la curiosité fut plus forte et elle s’installa sur la petite table, ouvrit son ordinateur et tapa « loup » dans la barre de recherche. Des pages entières étaient à sa disposition pour comprendre et prouver ce qu’il s’était passé la veille.
Après de dures recherches, la seule chose que Naouel avait réussi à prouver était que les empreintes trouvées sur le sol étaient bien celle d’un loup. Sur internet, on expliquait plutôt bien les différences entre des pattes de loups et des pattes de chiens. Elle voulut ranger ses affaires, frustrée qu’en une heure elle n’ait pas réussi à trouver ce qu’elle voulait lorsque le bruit de la porte lui parvint. Elle s’attendait au grincement du chariot de la femme de ménage, il n’y avait qu’elle qui venait à cette heure-ci mais pas de bruit de chariot. Le bruit de semelle sur la scène résonna jusqu’à elle.
-Qui est là ? demanda-t-elle en se levant.
Le rideau face à elle s’écarta et dévoila un garçon couronné d’une crinière noire. Naouel le regarda avec étonnement et attendit qu’il réponde à sa question, mais rien ne sortit de la bouche du garçon.
-Qu’est-ce que tu fais ici ?
-Je viens de temps en temps. La dame de l’accueil a dit qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur, j’ai voulu jeter un coup d’œil.
-Ok. Je m’en vais de toute façon, je te laisse la clef.
Elle rangea son ordinateur dans son sac et voulut sortir des coulisses mais le garçon était au milieu de son chemin. Elle lui lâcha un regard noir. Elle pensa à l’instant, « Pourquoi il se pousse pas ? Il veut quoi ? ».
-Tu t’appelles comment ? demanda-t-il.
-Naouel, tu me laisses passer maintenant ?
-Moi c’est Soan, dit-il en s’écartant.
Naouel était rentrée chez elle. Agacée par la non-conclusion de l’affaire du loup que son amie croyait être un chien. Le petit frère de la jeune fille était en suractivité depuis qu’il était rentré de l’école alors que Naouel était tout simplement exténuée de sa journée. Après avoir mangé, elle prit un instant pour aller chercher son livre et alla dehors se rafraîchir avec la brise de la soirée, les journées devenaient de plus en plus chaudes. Son teint mate prit des reflets de bronze à la lumière orangée du soleil, se qui donnait à la jeune fille une beauté presque surnaturelle et impossible à décrire. Ses boucles, tombant dans son dos, ressemblaient à des petits ressorts qui se balançaient au gré du zéphyr.
S’installant sur la chaise à bascule en bois, les jambes recroquevillées contre sa poitrine, Naouel ouvrit son livre. Elle essayait de se créer une petite routine durant les saisons chaudes où elle se permettait de lire avant de dormir, profitant pleinement de la fin du jour. Cependant, Naouel n’était pas entièrement concentrée sur son livre. Elle attendait le loup. S’il voulait bien se montrer, elle chercherait des signes distinctifs qui lui permettrait de prouver, au moins à elle-même qu’il s’agit d’un loup. Le ciel s’assombrissait de minute en minute tandis qu’une formidable patience la dominait. Elle avait laissé une lumière allumée, un spot, qui éclairait les premiers mètres du jardin. Certes, cela ne contournait pas les épais buissons où le loup se trouvait la première fois mais elle pourrait peut-être mieux le percevoir. Elle commença à penser qu’il ne viendrait pas, quand le bruit de grondement fit son apparition dans son champ d’audition. Il était revenu, et cela n’avait pas forcément de sens avec leurs instincts.
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