« Au vu du nombre de disparus, je crains que cette enquête ne soit plus de notre ressort messieurs. »

Résonnant comme la conclusion d'une énième réunion entre rangers et police, ces quelques mots indiquèrent la gravité de la situation. Pendant une journée entière les deux partis avaient discuté de cette affaire, essayant de trouver la bonne démarche à suivre. On aurait pu croire que ces personnes, fatiguées de ces argumentations, ne faisaient que déléguer leur travail, mais la réalité était en fait tout autre. Ou du moins elle l'était pour le vieux sergent Johnson, engagé dans l'armée depuis plus de vingt ans. Bien qu'aujourd'hui un peu bedonnant et dépassé, il était tout de même mortifié de devoir confier son enquête au FBI. Malheureusement pour lui, la procédure américaine voulait qu'en cas de trop nombreuses disparitions, les fédéraux prennent le relais, et ce fait était fâcheusement indiscutable. Le sergent était sur l'enquête depuis la toute première disparition, il avait amassé un dossier gigantesque et travaillait presque sans relâche dessus, alors voir tous ses efforts atterrir dans les mains d'un autre lui faisait grincer des dents. Cette enquête était réellement importante pour lui, et il souhaitait sincèrement la mener à bien. Des mois entiers qu'il était dessus, et pourtant il n'avait pu retrouver aucune de ces personnes. Pas le moindre indice. C'était plus qu'étrange tout de même. Et bien que ce vieux sergent s'avouait à lui même ne s'être pas particulièrement investi les premiers jours, pensant qu'il ne s'agissait que d'une fugue quelconque, il avait radicalement changé de comportement quand une deuxième victime était apparue. Plus récemment, il avait été touché par les trois amis qui étaient venus l'appeler au secours. Il avait tout de suite compris en les voyants que quelqu'un d'autre avait disparu, et il a fait son maximum pour les rassurer, leur partageant même certains détails de son enquête. Qui plus est, il s'avérait que ce bon sergent avait fait ses classes avec le père de Samantha, et la voir après tout ce temps lui rappelait de bons souvenirs. C'est pourquoi il aurait tellement souhaité pouvoir apporter des réponses à ces jeunes gens, il aurait tant voulu pouvoir leur ramener leur amie. Mais il était malheureusement forcé d'admettre que son enquête n'avait pas progressé d'un pouce depuis ces derniers mois. Il y avait quelque chose de très étrange autour de cette affaire, l'impression que tout jouait contre son avancée. L'arrivée du FBI aurait dû le rassurer puisqu'avec leurs moyens effarants, l'enquête avancerait probablement bien plus rapidement, pourtant il ne put se séparer de cet arrière goût amer au fond de sa gorge. Il avait un mauvais pressentiment.

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Après plus d'une longue journée de marche sous un soleil de plomb, la soif commençait à se faire durement ressentir. Lucy avait terminé sa gourde quelques heures plus tôt, aidée par cette chaleur insupportable qui ne faisait que la fatiguer et l'encourager à se désaltérer. Le chemin indiqué par les petits monticules de pierres s'avérait bien plus long que ce que la jeune femme avait imaginé, et elle regrettait presque son idée de l'avoir suivi. Pour ne pas flancher face à cette marche qui lui semblait presque interminable, elle pensait à ses amis, qu'elle espérait ensemble, et surtout sortis de ce désert. Elle se dit qu'ils devaient probablement être à sa recherche s'ils avaient bel et bien réussi à s'échapper de cet enfer, et que pour ne pas rendre leurs recherches vaines elle se devait de continuer. Ses pensées divaguèrent ensuite vers ses parents. Est-ce que ses amis les avaient prévenus ? Se déplaceraient-ils jusque ici pour la chercher, eux aussi ? Les connaissant, ils seraient sûrement capables d'arpenter le désert seuls pour la retrouver, et ce pendant des jours entiers s'il le fallait. Lucy sourit à cette pensée. Elle se rendit compte de la chance qu'elle avait d'être entourée par tant de gens qui l'aimaient et qui feraient l'impossible pour elle. Elle se jura de les remercier pour tout leur amour dès qu'elle sortirait d'ici, et de tout faire pour leur rendre la pareille. Ce nouvel élan de motivation la poussa à continuer sa marche de plus belle, ignorant la fatigue et la soif. Des heures durant elle marchait, dans l'immensité du désert, ses pieds fatigués s'enfonçant dans le sable chaud. Les paysages, bien que magnifiques, lui paraissaient monotones après cette journée passée seule à espérer trouver une issue. La stupéfaction face à la beauté des dunes et du calme plat des lieux avait laissé place à une colère et une saturation; elle était presque énervée de ne pas voir le moindre changement dans ce décor. Elle aurait tant souhaité voir un peu de verdure, un petit chemin de terre, le moindre indice indiquant qu'une sortie était proche. Mais non rien n'y fit et au contraire, la rousse avait plutôt l'impression de s'enfoncer encore un peu plus dans le désert à chaque pas qu'elle faisait. Elle avait pensé à faire demi tour, et ce plus d'une fois. Mais en y réfléchissant bien, elle s'était dit que si des secours survolaient les lieux à sa recherche, ils auraient probablement plus de chance de tomber sur l'un des cairns qu'elle suivait plutôt qu'elle même perdue au beau milieu de nulle part, puisqu'elle avait compté au moins une cinquantaine de ces tas de pierres. Alors même si l'idée ne l'enchantait pas, c'était probablement sa meilleure option à l'heure actuelle, et donc elle continuait sur cette voie. Qui sait, peut-être à la fin tomberait-elle sur quelque chose qui en valait le coup, comme un abri ou une oasis, même si elle espérait avant tout la fin du désert, ce serait un bon début. La personne ayant érigé ces cairns n'aurait de toute façon pas subitement arrêté en cours de route, n'est ce pas ? Cela menait forcément quelque part, il le fallait. Et le plus rapidement possible serait le mieux, parce qu'après cette longue journée de marche, Lucy avait réellement besoin de s'arrêter quelque part pour boire, ou même simplement se reposer. Car n'ayant avec elle qu'un sac de couchage, elle n'était pas spécialement rassurée à l'idée de le poser comme ça, au milieu du sable sans autre protection. Bien qu'elle ait pu passer la première nuit ainsi, ces conditions n'étaient pas des plus réconfortantes et elle avait eu du mal à fermer l'œil à cause de son anxiété quant à l'idée de se faire surprendre par ne sait-on quelle bête vivant ici. Mais malheureusement avec le soleil qui commençait à se coucher, la rousse n'allait probablement pas avoir d'autre choix que de revivre cette nuit qu'elle aurait préféré être la seule. Elle aurait pu choisir de veiller pour continuer de marcher mais c'était trop risqué, déjà parce que la nuit était dangereuse ici, et surtout sa condition physique ne lui aurait pas permis telle folie. La jeune femme devait, tant qu'elle le pouvait encore, économiser au maximum ses forces si elle voulait tenir bon jusqu'au bout et espérer s'en sortir vivante. Alors elle serra les dents et posa son sac au pied d'une dune, en espérant qu'une fois de plus, la nuit se passerait sans encombre. Elle installa son duvet à reculons et vint se glisser à l'intérieur, peu rassurée. La rousse rouvrait ses yeux à chaque petit bruit qu'elle entendait, toujours sur ses gardes. Mais ce petit jeu ne put continuer bien longtemps, car malgré la peur qui habitait la jeune femme, Morphée vint la cueillir dans ses bras, l'emportant dans un profond sommeil. Ce dernier fut malheureusement bien loin d'être réparateur et agréable, ses rêves étaient comme embrumés, et ce sentiment d'inconfort ne la quitta pas de la nuit, si bien que le lendemain en se réveillant, Lucy n'eut pas l'impression d'avoir dormi plus de quelques minutes. Le premier réflexe qu'elle eut en se levant fut de scruter les alentours. Fort heureusement, elle ne constata rien d'étrange; pas de scorpions l'ayant piquée dans son sommeil ou de serpent s'étant glissé à ses côtés. Tant mieux. Rapidement, elle remballa ses affaires et continua à marcher après avoir avalé un maigre petit déjeuner, ne souhaitant pas s'attarder ici. Ses provisions commençaient sérieusement à s'amenuiser, elle devrait être plus vigilante avec les quantités dont elle avait besoin. Mais le plus gros problème restait l'eau. Elle en avait eu sa dernière goutte hier dans l'après-midi, et ce manque devenait réellement difficile à supporter. Si au moins elle pouvait avoir un indice sur l'emplacement d'un peu d'eau, rien qu'un signe de végétation ou un oiseau, mais à son plus grand malheur, il n'y avait absolument rien aux alentours. En temps normal une journée sans boire aurait pu être supportable, mais avec cette chaleur et cette marche interminable, c'était bien plus compliqué. Les maux de tête commençaient eux aussi à se faire ressentir, l'exposition au soleil depuis si longtemps n'avait rien de bon, surtout aux heures les plus chaudes de la journée. Même la positivité à toute épreuve de la jeune femme avait du mal à suivre le rythme, marcher au hasard sans savoir vers quoi se diriger et surtout dans combien de temps le but serait atteint était une véritable épreuve mentale, bien plus que ce que l'on pouvait se l'imaginer. Mais malgré tout, Lucy refusa d'abandonner. Elle refusait de se laisser mourir ici et maintenant, pas avant de s'être battue jusqu'au bout. Alors elle ignora sa bouche pâteuse et ses jambes flageolantes et continua à marcher, la tête haute et le regard droit vers le chemin qui lui était indiqué. Elle persévéra encore de longues heures comme ça, marchant sans réfléchir, ne s'autorisant qu'à penser à la sortie qui l'attendait à la fin du voyage. Au bout d'un certain temps cependant, un détail attira son attention. L'espace, d'habitude relativement constatant, entre deux cairns commençait progressivement à se réduire. La rousse avait d'abord cru que ce n'était simplement qu'un tour que lui jouait son imagination fatiguée, mais non, l'écart se réduisait bel et bien un petit peu plus à chaque fois. Ce détail aurait pu paraître anodin, mais après avoir passé plus d'une centaine de ces monticules tous à quasi égale distance, le fait de les voir se rapprocher lui semblait bien étrange. Qu'est ce que cela pouvait signifier ? S'approchait-elle enfin de la sortie ? Allait-elle finalement pouvoir retrouver ses amis ? Bien que tout cela ne soit que de simples suppositions, ce fut amplement suffisant à Lucy pour retrouver toute sa motivation, car son visage s'illumina brièvement. Bien sûr elle était encore bien loin d'être tirée de ce calvaire, mais à présent elle avait l'espoir de se diriger vers quelque chose de plus concret. Certes, ce rapprochement aurait pu n'être qu'une simple coïncidence, un détail sans importance, mais la rousse refusait d'y croire, car en ce moment précis, cela représentait justement la lueur d'espoir dont elle avait besoin pour continuer. Alors, incapable de contenir sa hâte, Lucy accéléra le pas, persuadée que ce n'était plus que l'affaire d'à peine une heure ou deux. Pourtant, au fur et à mesure de sa marche, elle ne vit se dessiner aucun signe qui indiquerait une quelconque proximité de la limite du désert, comme la présence de végétation dont elle avait pu être témoin à son arrivée ici. En revanche, elle aperçut bel et bien quelque chose au loin. Avec la chaleur qui brouillait sa vision, elle n'aurait pu dire avec précision de quoi il s'agissait, ne voyant qu'une sorte de masse sombre loin devant elle. Peut-être n'était-ce qu'un mirage ? L'idée traversa l'esprit de la rousse mais en ressorti tout aussi rapidement. Mirage ou pas, quitte à continuer à avancer autant aller vérifier, elle n'y avait de toute façon rien à perdre. Alors Lucy continua de s'enfoncer dans le désert, les yeux rivés vers son objectif. Bientôt, elle ne porta même plus attention aux cairns qu'elle avait pourtant si studieusement suivis jusque là, se contentant d'avancer vers la figure sombre qui se dessinait au loin. Au fur et à mesure de ses pas, les formes de cette masse se faisaient de plus en plus distinctes, laissant entrevoir à la jeune femme vers quoi elle se dirigeait. La première chose qui lui sauta aux yeux fut la taille de cette masse encore floue. Elle lui semblait immense, pas excessivement haute mais très étendue, et plus la rousse avançait plus elle voyait cette chose s'agrandir. Après un certain temps de marche, les contours de son objectif se dessinaient plus précisément. Elle put notamment observer le fait que cette forme sombre était en réalité un amas de plus petites structures, sans pour autant être encore totalement capable de les identifier. Motivée à l'idée d'être si prêt de son but, la jeune femme se rapprocha à grands pas de cet étrange amas et plissa des yeux. Elle était à présent assez proche pour que la chaleur cesse de troubler sa vision et put enfin comprendre ce qui se trouvait face à elle. D'abord surprise par ce qu'elle vit, Lucy cligna des yeux plusieurs fois tant elle était abasourdie par sa découverte plutôt inédite. Ce qui s'offrait sous ses yeux lui semblait purement irréaliste, cela n'avait aucun lieu d'être. Ainsi, la rousse pensa sincèrement qu'il s'agissait d'un simple mirage, ne voyant pas d'autres explications. En se rapprochant encore un peu pour faire disparaître ce qu'elle pensait toujours être un mirage, elle sentit une sueur froide couler le long de son dos. Peu importe combien la jeune femme avançait, l'illusion ne semblait pas se dissiper. À contrario, chaque pas qu'elle entamait l'emplissait d'un mal être grandissant, elle était à la fois effrayée et fascinée par ce qui se trouvait face à elle. À présent au pied de son objectif, elle s'arrêta un instant pour l'observer, avalant difficilement sa salive. Une immense ville désertique aux couleurs sombres se tenait là de toute sa grandeur, comme menaçante avec d'étranges airs de monde post-apocalyptique.