Chapitre 16
Chad et Lucy s'étaient figés face aux hommes les encerclant. Ils observaient leurs ennemis uns à uns, espérant trouver une issue. La rousse compta une dizaine de personnes, à deux il leur était malheureusement impossible de tous les maîtriser, d'autant plus qu'elle ignorait si Chad était capable de se battre ou non. Lucy pesta. Les intrus savaient très bien que leur surnombre était un avantage plus que précieux, c'était par ailleurs la raison de leur venue si nombreux. Ils se sentaient invincibles, persuadés que les deux compagnons n'oseraient rien tenter dans cette position d'infériorité. C'était là leur plus grande faiblesse. Cependant, était-ce sincèrement raisonnable de tenter quelque chose dans cette situation ? Les deux en auraient-ils simplement le cran, ou bien l'inconscience ? De son côté, Chad réfléchissait à une solution, à un moyen quelconque de s'en sortir. On pouvait voir ses mains trembler tandis qu'il était perdu dans sa réflexion, son cœur battant à un rythme effréné. Mais malheureusement, le brun ne tira aucune réponse du temps qu'il avait passé à analyser leurs possibilités. Aucune issue n'était en vue pour lui, pas la moindre petite porte de sortie. Peut-être était-il défaitiste, peut-être avait-il abandonné trop tôt, seulement c'était là sa réponse finale. Il savait très bien ce qui les attendait s'ils tentaient quelque chose maintenant, et c'était très probablement cette expérience qui le bridait inconsciemment. Chad était incapable de réfléchir correctement, laissant ce sentiment de panique l'envahir sans rien ne faire pour le stopper. Mais heureusement, Lucy, quant à elle, n'avait jamais dans son passé été confrontée à une pareille situation. Elle pouvait imaginer les dangers, cependant elle ne pouvait pas les ressentir. C'est pourquoi, malgré sa peur, elle tentait toujours d'entrevoir une porte de sortie. La rousse refusait d'abandonner ; elle ne laisserait pas ces hommes gagner, pas maintenant.
« J'imagine que si vous êtes arrivés jusqu'ici, c'est que vous avez une clé, hm ? avança le défiguré, coupant Lucy dans sa réflexion. Ne soyez pas timides, donnez-la moi. »
L'homme face à eux tendait le bras, ce même sourire faussement amical toujours plaqué sur son visage. Quelque chose dans sa présence était particulièrement malsain, comme s'il traînait derrière lui de vieux cadavres avec la plus grande fierté. Cet homme glaçait le sang des deux camardes, qui osèrent à peine le regarder dans les yeux. Il se dégageait dans son regard une cruauté pure, cachée sous un faux air de gentleman. Il ne faisait aucun doute que si cet homme mettait la main sur Lucy ou Chad, il leur ferait voir les pires horreurs. Lui donner la clé pour s'en sortir vivant, était-ce le bon choix à faire ? Probablement oui, pourtant Lucy s'y refusait. Cette clé représentait ses espoirs de quitter cet enfer, de se venger des créateurs. Hors de question qu'elle ne la laisse à quelqu'un comme lui, plutôt mourir. Mais Chad en revanche sembla hésiter face à la demande de l'homme défiguré. Il voulait sortir d'ici plus que tout certes, mais surtout pas mourir en essayant. Certains pourraient penser à de la lâcheté, d'autres à de la peur, mais en réalité ce n'était que la réflexion de ses propres démons qui le mettait dans cet état. Son passé qu'il n'avait pas réussi à surmonter l'enchaînait, l'obligeant à se mettre en retrait. Il était incapable de réfléchir correctement, s'enfonçant toujours un peu plus dans ses sombres cauchemars. Comme si elle avait compris le combat intérieur du brun, Lucy prit la main de Chad, souhaitant l'apaiser. Elle hocha la tête dans sa direction, lui offrant un sourire rassurant. Ce geste paraissait anodin face à la situation dans laquelle les deux compagnons se trouvaient, pourtant en cet instant, c'était tout ce dont Chad avait besoin. Les deux se sourirent mutuellement, prêts à repartir, mais toujours sous le regard attentif de la menace face à eux.
« Oh, comme c'est touchant... Maintenant, donnez-moi la clé. »
Le défiguré au bras tendu commençait à perdre patience. Ses alliés avaient avancé d'un pas vers les deux camarades, prêts à passer à l'offensive si Chad et Lucy n'obtempéraient pas très rapidement. La situation se présentait mal, pourtant la rousse ne se découragea pas. Une idée avait germé dans son esprit, un plan très simple mais assez risqué. Elle n'avait de toute façon plus le temps d'y réfléchir, c'est pourquoi elle décida de tenter le tout pour le tout, ignorant les possibles conséquences. La jeune femme fit mine de fouiller dans ses poches, tout en avançant vers l'homme défiguré. Chad, sur ses pas, ne comprit pas l'action de Lucy. Pourtant, il la suivit sans un mot, comme mû par une confiance aveugle qu'il aurait en elle. En voyant la jeune femme coopérative, les hommes autour des deux camarades se relâchèrent, pensant naturellement qu'ils avaient gagné. Une fois Lucy arrivée au niveau de l'homme exigeant la clé cependant, elle s'arrêta un instant.
« Je te la donne si tu nous laisses partir. avait-elle affirmé fermement.
- Mais bien évidemment, pour qui me prends-tu.
- Très bien, elle est à toi alors. »
Sortant sa main de sa poche, Lucy décocha un violent coup de poing dans la mâchoire de l'homme face à elle, mettant en pratique ses années de boxe. Tous étaient confus quelques secondes après un tel mouvement, ce qui laissa le temps à Chad et Lucy de partir en courant. L'adrénaline qui montait en eux les poussait à avoir un rythme de course effréné, bien plus élevé qu'en temps normal. Maintenant il ne fallait surtout pas ralentir ce rythme, économiser leurs forces pour tenir le plus longtemps possible. Dans cette situation, se faire attraper signifiait probablement la mort, car le groupe d'assaillants ne prendrait certainement plus la peine de discuter.
« Rattrapez-les ! hurla l'homme aux cicatrices. Et ramenez-moi la fille vivante ! »
Derrière Chad et Lucy, une dizaine de personnes se mirent à courir. Les deux avaient pris un peu d'avance, mais serait-ce suffisant pour atteindre l'ascenseur sans se faire attraper ? Ils ne connaissaient probablement pas le terrain aussi bien que les hommes à leur poursuite, cependant Chad tentait tout de même de guider Lucy du mieux que se mémoire l'y autorisait. Il fallait aussi espérer ne plus tomber sur personne, autrement les choses deviendraient particulièrement complexes. Tournant à droite d'une énième intersection, les deux camarades courraient à vive allure, ne souhaitant laisser aucune chance aux hommes derrière eux de les rattraper. Cependant après plusieurs minutes de course, Chad et Lucy ne virent plus personne à leurs trousses. La rousse, pensant les avoir semés, était plus que ravie, imaginant déjà avoir gagné. Mais Chad lui avait un autre avis sur la question.
« Ils essaient de nous prendre à revers. »
Lucy se figea, tandis que le brun diminua progressivement sa vitesse de course. S'ils continuaient, ils finiraient probablement par tomber dans le piège que le groupe avait tendu pour eux, et ce serait game over.
« Qu'est-ce qu'on devrait faire alors ? »
Chad inspecta les alentours, cherchant à savoir si certains des hommes étaient toujours derrière eux avant de répondre à la question de Lucy.
« On change de direction. Heureusement pour nous, ils n'ont pas pensé à laisser des hommes à notre poursuite pour nous forcer à continuer par là. Si on change de chemin maintenant, on devrait être débarrassés d'eux pendant un moment. »
Lucy hocha la tête, suivant Chad qui avait déjà choisi la nouvelle voie à emprunter. Le problème était que le brun ne connaissait pas cet endroit, ne pouvant que supposer la direction à suivre par rapport au chemin qu'il connaissait. Il fallait espérer que cela suffirait, car se perdre ici pouvait être très dangereux, et surtout très long. Les deux avaient repris leur course à un rythme moins soutenu cette fois-ci, mais toujours assez rapide. Suffisamment pour espérer ne pas être attendus à la sortie du moins. Mais pour l'instant, ils ne réfléchirent pas à ce qui pouvait les attendre près de l'ascenseur, se contentant d'essayer de survivre à l'instant présent. Les minutes défilaient sans voir le moindre indice quant à la direction à suivre, aucune piste leur indiquant être sur le bon chemin. Seule cette étrange sensation que Lucy ressentait semblait être liée à leur rapprochement du centre. Malheureusement, elle n'était pas assez vivide pour les guider, et rien n'indiquait que ce n'était pas simplement un symptôme du stress ou de l'adrénaline. Mais heureusement, après quelques nouveaux virages, les deux camarades tombèrent sur l'indice qu'ils avaient tant attendu. Le corps d'une femme était allongé au sol, dans le même état que celui de l'homme qu'ils avaient aperçu quelques minutes plus tôt. Cette vision bien que déroutante, était la sinistre confirmation dont ils avaient besoin. Ici, les morts étaient presque toujours proches du centre de la ville, là où les conflits éclataient le plus régulièrement. Alors malgré leur réticence et culpabilité, les deux enjambèrent la pauvre femme afin de continuer à courir, vers ce qu'ils espéraient être la bonne direction. Sur le chemin, l'ambiance se fit de plus en plus sinistre, la lourde atmosphère se faisant un peu plus ressentir à chaque pas. Était-ce l'horrible odeur de mort ou les cadavres disposés le long du chemin qui mettaient dans un tel état les deux compagnons ? Probablement les l'addition de tout cela. Lucy n'était pas dans sa meilleure forme, le teint blême tandis qu'elle continuait à courir, elle était effarée de voir ces corps que l'on semait comme de vulgaires cailloux. La jeune femme avait beau savoir que cet endroit était dangereux et inhumain, le voir de ses propres yeux lui faisait un choc. Elle ne pouvait pas croire que certains puissent se jouer de la vie des autres à ce point, que l'on puisse détruire une vie aussi simplement et sans la moindre culpabilité. Une grande colère monta en elle tandis qu'elle mit de côté la peur de se retrouver à la place d'un énième cadavre. Plutôt que de craindre, Lucy vengerait toutes ces personnes, elle se le jura. Elle trouverait les créateurs et les mettrait face à leurs crimes, peu importait le temps que cela prendrait. Mais pour ce faire, il fallait d'abord qu'elle et Chad trouvent le premier ascenseur. Leur course n'avait toujours pas atteint son but, continuant de serpenter entre les rues de la morbide ville. Ils avaient gardé un rythme rapide, espérant ne plus avoir à se confronter aux hommes les ayant menacés plus tôt. Malheureusement, il était peu probable que ces derniers soient toujours en train d'attendre que les deux compagnons ne tombent dans leur piège. Ils avaient sûrement remarqué leur absence depuis un moment déjà, restait à savoir s'ils abandonneraient leur poursuite ou non. Mais, en vue de la réaction que l'homme balafré avait eu envers la rousse, il semblait invraisemblable de le voir abandonner de sitôt. C'est pourquoi Chad et Lucy n'avaient plus qu'à espérer être plus rapides que ceux à leur poursuite, autrement ils seraient probablement confrontés à une mauvaise surprise en arrivant à destination. Ils allaient d'ailleurs rapidement le savoir puisque la ruelle qu'ils suivaient commençait à s'élargir, laissant entrevoir une grande place centrale. Les lieux baignaient toujours dans la même obscurité, cependant on pouvait sentir que l'air ici était particulièrement lourd. L'endroit était désert, on se serait cru dans l'une de ces scènes de western où les deux protagonistes seraient prêts à tirer l'un sur l'autre. Lucy, soulagée d'être enfin arrivée à destination, se permit d'observer les alentours. Les pavés au sol étaient dans un bien meilleur état que sur les rues avoisinantes, d'ailleurs elle n'avait pas même pu reconnaître des pavés sur les chemins qu'elle avait emprunté jusqu'ici. Les bâtiments entourant la place étaient des vestiges d'ancienne échoppes et la jeune femme pu en distinguer quelques-unes, telles qu'une boulangerie ou encore une épicerie. Au centre, point culminant de la place, se tenait un petit bâtiment carré. Deux grandes portes en métal agrémentaient sa façade, ainsi qu'une petite boîte contenant une serrure se trouvait un peu plus à droite. Sans aucun doute, il s'agissait là de l'ascenseur que les deux camarades avaient tant attendu. Mais malheureusement pour eux, ils n'étaient pas seuls sur les lieux. Les surprenants à mi-chemin de l'ascenseur, les hommes du défiguré firent leur apparition depuis un chemin plus à l'ouest. En voyant Chad et Lucy si près de s'échapper, ils se mirent à hurler après eux, se lançant sauvagement à leur poursuite.
« COURS ! »
Chad cria à Lucy, qui accéléra sans un regard derrière elle. La jeune femme chercha rapidement dans ses poches la petite clé de bronze que le brun lui avait confié, désireuse de ne pas perdre la moindre seconde devant la boîte contenant la serrure. Une fois trouvée, elle la serra fermement dans sa main et se dirigea vers le boîtier, dans lequel elle enfonça la clé en un geste rapide.
« Dépêche-toi, ils arrivent ! »
Chad, dans la panique, faisait de grands gestes à Lucy qui était en train de tourner la clé, tandis que les hommes n'étaient plus qu'à quelques mètres des deux compagnons. La rousse pouvait sentir son cœur battre dans ses doigts tandis qu'elle vit la clé se faire avaler par la petite boîte noire, laissant les portes de l'ascenseur s'ouvrir. Chad se précipita à l'intérieur puis tendit le bras en direction de Lucy pour la tirer vers lui, gagnant le maximum de millisecondes possibles. Cependant, un des hommes eut la même idée que le brun, agrippant fermement le poignet de la jeune femme. Tirant aussi fort qu'il le pouvait, Chad refusait de laisser cet homme lui prendre de Lucy. Et, tandis que les portes de l'ascenseur commencèrent à se fermer, n'ayant guère des mouvements face à elles, le combat de force continuait. Les portes se rapprochaient dangereusement du bras de la rousse, menaçant de le broyer si la situation durait ne serait-ce que quelques secondes de plus.
« Chad ! »
La rousse appela la voix tremblante et les yeux emplis de peur. Elle ne voulait pas perdre un bras, pas maintenant, pas comme ça. Alors dans un ultime effort, Chad et Lucy tirèrent un grand coup à l'unisson, donnant toutes leurs dernières forces dans cet instant. Ce après quoi s'en suivit un grand bruit, puis, plus rien, l'obscurité.
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