Chapitre 2

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Mot de l’auteur : Le reste de l’œuvre commence après le livre 6, dans la villa de Manius en Macédoine, alors qu’Arthur se cache à Rome.
— J’ai demandé la demeure qui respirait le plus la joie de vivre et on m’a indiqué aussitôt votre palais.
C’est par ces mots que se présenta Méléagant à Aconia, qui malgré les années était restée très belle. Immédiatement, cette mère se précipita vers l’une des fenêtres de sa grande demeure, puis appela ses trois garçons et Manius, qui la rassurèrent aussitôt. Ensuite seulement, elle revint d’un pas hésitant vers cet étrange pèlerin et l’invita à entrer dans sa villa macédonienne.
— La cerbère n’est pas là ?
— Non, répondit Aconia en plissant les yeux. Elle nous a quittés le jour où mon mari est rentré de Bretagne.
— La morale peut faire réaliser des choses bien stupides aux personnes qui en sont dotées.
Ces propos confirmaient les pires déductions d’Aconia : Drusilla avait jadis voulu prévenir Arthur, mais Méléagant l’en avait empêchée.

Il fallut quelques secondes à la maîtresse de maison pour se ressaisir, mais celle-ci ne poussa pas un cri et ne versa aucune larme. L’ancienne Romaine savait que montrer le moindre signe de faiblesse la ferait passer pour une interlocutrice pathétique, ce qui lui serait fatal, comme à ses proches.
— Que voulez-vous, la fidélité à ses limites. Vous ne souhaitez toujours pas me donner votre nom ?
À ce moment, il y eut un flottement dans la conversation et le regard insistant du sorcier força Aconia à baisser les yeux.
— Je continuerai donc à vous appeler Némésis… Au fait, Arthur ne m’a jamais contactée.
— Nous savons cela.
— Dans ce cas, puis-je connaître la cause de votre venue ? dit cette mère d’une voix douce, tout en cherchant discrètement ses enfants du coin de l’œil.
— Simple visite de courtoisie.
Aconia pencha la tête sur le côté, en s’apercevant que son invité lui mentait effrontément. Se sentant perdue, elle tomba brutalement sur une chaise.
— J’ai finalement échoué, n’est-ce pas ? Arthur a couché avec Guenièvre et vous allez m’exécuter avec toute ma famille.
— Allons, calmez-vous. Si j’avais voulu vous tuer, je n’aurais pas pris la peine de vous parler.
« Il aurait tenu sa parole pendant tant d’années, j’en doute », estima à tort Aconia. Celle-ci but un peu d’eau, puis ayant conscience qu’elle pourrait être surprise par son mari ou ses enfants voulut savoir pourquoi ce sorcier était venu la voir, afin qu’il parte au plus vite.

— Faisons un petit jeu et laissez-moi deviner la véritable raison de votre présence chez moi, à part le plaisir de notre conversation.

— Pourquoi pas, répondit Méléagant.

— Le sénateur Sallustius a appris que vous l’aviez manipulé et il arrive pour me tuer ?
— Cela lui serait difficile. Certains Prétoriens n’ont pas du tout apprécié la perte du territoire breton et il fut discrètement assassiné avec son homme de confiance, dès son retour à Rome. Vous l’ignoriez ?
— Mon mari déteste l’Empire et fait ce qu’il peut pour nous en éloigner.
— Nous savons cela et permettez-moi de vous dire que c’est un choix judicieux.

Après un moment de réflexion, cette icône de la parfaite épouse osa formuler une autre possibilité.
— Arthur est de retour à Rome ?
— Oui, répondit Méléagant en souriant, satisfait de constater que son interlocutrice n’avait rien perdu de sa vivacité d’esprit. Notre accord aussi simple que secret est toujours d’actualité : le retour de votre premier mari, le général Manius, contre le fait qu’Arthur ne couche jamais avec son épouse appelée Guenièvre.
À ces mots, Aconia remercia à voix basse les Dieux et se sentit beaucoup plus à l’aise, peut-être même trop.
— J’ai toujours pensé que vous étiez le responsable d’une sorte de complot contre Arthur, mais j’en suis moins sûre à présent.
— Vous ne m’en croyez pas capable ?
— Si, justement. De toutes évidences, vous le haïssez, mais à votre place je l’aurais tué il y a longtemps. Je m’en aperçois mieux à la lumière de notre conversation : vous avez un plan plus vaste et qui entre maintenant dans sa phase finale…
— Un mot de plus et je massacre ton mari et tes enfants sous tes yeux, dit le sorcier d’une voix impérative.
Comprenant qu’elle avait vu trop juste dans le jeu de son dangereux interlocuteur, Aconia réussit in extremis à se taire.
Après un long silence, elle eut la force d’inviter Méléagant à s’exprimer par un geste docile de la main.
— Si je suis venu, c’est parce qu’Arthur a perdu son trône et effectivement il est revenu à Rome en tant que clochard.

— En quoi cela me concerne ?

— Faute de mieux ou par nostalgie, il dort parfois, dans votre ancienne demeure.

— Et ?

— La curiosité ou la faim pourrait le pousser à venir jusqu’ici. Dans ce cas, vous devrez le chasser sans ménagement. Si vous recevez un message lié à Arthur, vous ne devrez pas en tenir compte.

— Et si c’est une personne qui devait débarquer, comme un ami d’Arthur, Guenièvre ou un de ses enfants ?

Méléagant sourit à la formulation alambiquée et pleine de sous-entendus d’Aconia.

— Le proverbe dit vrai : les ignorants sont bénis. Quel dommage que vous ne puissiez saisir combien votre question est hors de propos ! Pour faire simple, vous devez détruire tous messages et supprimer n’importe qui lié à Arthur, mais le plus important est que vous et votre descendance restiez ici. Vous répondrez sur votre vie et celle de votre charmante famille, sur ces instructions. Est-ce clair ?
— Limpide, Némésis. Et c’est tout ?

— Absolument, indiqua Méléagant.

Le sorcier fixa quelques instants la maîtresse de maison avant de se lever et de partir de son pas traînassant.
Immédiatement après, Aconia retrouva son mari et ses enfants qu’elle serra fort contre son cœur. Une seule question la tracassait déjà « avais-je pris la bonne décision en obéissant à Méléagant, quand j’étais à Rome » ?

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